Quels ont été les effets de la pandémie et des confinements sur les risques suicidaires ?
Si les quatre précédents rapports produits par l’Observatoire national du suicide entre 2014 et 2020 étaient généraux, ce cinquième document publié cette semaine par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques ne pouvait pas passer outre le climat de la crise sanitaire et de son impact sur la santé mentale. Quelles sont ses observations ?
Dans un premier temps, il identifie trois grandes causes dans l’impact de la crise sanitaire sur la santé mentale. D’une part, la « baisse du lien social » engendrée par les confinements et les couvre-feux, source d’« isolement social » et d’ « une déstructuration des routines collectives ». D’autre part, le « repli sur la sphère familiale », pouvant exposer au stress et aux violences intrafamiliales. Enfin, c’est la « peur de la contamination, le sentiment d’incertitude et la crainte de la crise post-pandémique », qui ont été sources de détresse psychologique et de syndromes dépressifs.
Le rapport confirme aussi que plusieurs parties de la population ont été plus durement touchées et affectées par la pandémie : les jeunes, les femmes et les personnes en situation précaires, « vulnérables sur le plan socio-économique ».
Les raisons d’une baisse des suicides pendant les confinements
Les auteurs du cinquième rapport de l’Observatoire national du suicide mettent en avant deux grands constats, d’une part la « baisse des décès par suicide et des recours aux soins pour lésions auto-infligées en population générale ». Un signal positif plutôt surprenant, mais qu’il est possible d’expliquer : « De façon inattendue, certains aspects des mesures de lutte contre l’épidémie ont aussi pu participer à une atténuation du risque suicidaire », avance le rapport.
Le confinement a permis dans certains cas de resserrer des liens familiaux et de renforcer la vigilance pour repérer par exemple les signaux de détresse de proches. Néanmoins, les inégalités sociales ne sont jamais très loin et l’ensemble de la population n’a pas vécu de la même manière le confinement, comme le souligne la synthèse du rapport :
« Tandis que certaines catégories de la population ont bénéficié de l’aide de leur entourage et de conditions de vie relativement peu stressantes, d’autres, notamment les travailleurs dits “de première ligne” et les personnes vivant dans des logements suroccupés ou de faible qualité, ont, au contraire, connu un stress professionnel exacerbé, une peur accrue d’être contaminées et une dégradation globale de leurs conditions de vie. »
Les adolescentes particulièrement vulnérables face au risque suicidaire
Le rapport constate dans un deuxième temps une « hausse très marquée des gestes suicidaires chez les adolescentes et les jeunes femmes » à partir de la deuxième partie de l’année 2020. Alors que les hospitalisations pour lésion auto-infligée ont baissé dans l’ensemble de la population, elles ont augmenté dans cette catégorie.
Début 2022, un reportage de Libération nous plongeait dans un service d’urgences pédiatriques parisien et montrait déjà l’inquiétude autour de ce phénomène dont les causes sont encore mal identifiées :
« Aujourd’hui, les filles représentent 80% des admissions pour des gestes suicidaires. Un chiffre que les médecins peinent à expliquer. “Est-ce que les filles sont plus amenées à consulter et donc on les repère plus facilement ?” s’interroge Vincent Trebossen, pédopsychiatre croisé dans les couloirs de Robert-Debré. “Est-ce qu’elles souffrent plus de la pandémie, du stress, de la rupture de routine, des violences intrafamiliales ou encore de la hausse du temps d’écran ? Il est encore trop tôt pour le dire, c’est vraiment dur à déchiffrer.”»
Là encore, l’origine sociale est aussi en jeu dans le risque de tentatives de suicide, comme le montrent les ressources du rapport de l’ONS : « Chez les individus âgés de 15 à 19 ans, ce risque est même huit fois plus élevé pour les jeunes femmes appartenant aux 25 % les plus pauvres de la population que pour les jeunes hommes appartenant aux 25 % les plus aisés. »
Reste que la santé mentale de la population générale a été largement éprouvée par les premiers mois de confinement. Cette dégradation et ses conséquences ne doivent pas être laissées sans réponse. Aujourd’hui, la Haute autorité de santé préconise « une prévention globale du suicide des jeunes » pour repérer les risques et prendre en charge les patients de façon optimale.
Vous avez des pensées suicidaires et ressentez le besoin d’en parler ? Des associations peuvent vous venir en aide.
- SOS Suicide Phénix Ecoute
- Fil Santés Jeunes
- Ligne Azur (information et soutien pour les victimes d’homophobie)
- France dépression (ligne d’écoute, de soutien et d’information pour les personnes dépressives ou atteintes de troubles bipolaires)
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Crédit photo : Engin Akyurt via Pexels
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