Je suis férue de séries comiques. Ça me détend. Ça me fait penser à rien. C’est parfait quand je suis stressée, en gros. Cependant, il est assez difficile de tranquillement se vider la tête quand on nous débite tout plein de clichés désagréables sur notre société tout en prônant la modernité…
Penchons-nous donc aujourd’hui sur Modern Family, une série américaine signée ABC, diffusée chez nous sur M6 depuis juin 2012.
Mitchell et Cameron : l’homoparentalité à l’écran
Au début, j’étais plutôt séduite. Des séries qui mettent en scène des familles homoparentales fonctionnelles, c’est assez rare, de nos jours (malheureusement). Les blagues étant potables, je me fourrais tranquillement devant mon écran avec tout plein de cochonneries à manger, et j’étais contente.
Seulement voilà : même à ce niveau-là, certaines choses ont doucement commencé à me faire tiquer, et ont fini par me donner envie de distribuer des baffes aux auteurs.
Commençons par le plus évident : l’idée, constamment répétée, que les gays ne savent pas se comporter comme de « vrais hommes », et se ridiculisent en tentant désespérément de rappeler que non, ils ne sont pas des « bonnes femmes ». Cela revient très souvent dans Modern Family.
L’épisode de la fête des mères, par exemple, où Mitchell amène le petit déjeuner au lit à son partenaire (qui a choisi d’être père au foyer pendant longtemps pour prendre soin de leur fille, un rôle le plus souvent vu comme « maternel »), et où le public est censé rire du fait que celui-ci se vexe. Ou l’épisode où Cam et Mitchell pensent sérieusement adopter un garçon, et où Mitchell pense ne pas être assez viril pour l’éduquer, car il faudrait impérativement lui apprendre à faire des choses absolument réservées aux garçons.
En outre, dans 90% des épisodes, ils sont tous les deux dépeints comme des sortes de drama queens qui en font éternellement trop. En somme, pas mal de clichés qui s’opposent quelque peu au choix de l’adjectif « moderne » dans le titre de la série…
Claire et Gloria, éternelles femmes au foyer
Mais les autres familles ne sont pas exemptes de leurs lots de problèmes. Les deux modèles de couples hétérosexuels qui nous sont présentés sont similaires, si l’on considère que dans les deux cas il s’agit de couples où l’homme travaille et la femme reste au foyer. Ben oui, parce qu’un monsieur qui reste à la maison pour s’occuper des enfants, c’est vraiment impossible… sauf si ce monsieur est gay (et donc, n’est plus un vrai homme, apparemment).
Et il est d’ailleurs strictement impossible d’avoir une famille heureuse lorsque les deux parents travaillent. Ça n’existe pas. C’est une légende urbaine. Les auteurs de la série remuent par ailleurs le couteau dans la plaie en nous présentant dans un épisode une ancienne collègue de Claire, qui a eu la carrière dont Claire rêvait, mais pas d’enfants, ni de mari.
La série véhicule donc l’idée que les femmes sont forcées de choisir entre carrière et famille — idée qui, en soi, n’est plus vraiment moderne depuis les années 50.
Des clichés plus ou moins déconstruits
L’éducation des enfants me paraît également problématique. Chez les enfants en bas âge, la distinction catégorique entre fille et garçon est pour moi des plus surprenantes. La fille, Lily, est une petite princesse qu’on habille de rose, à qui on construit un château dans le jardin, et le garçon, Luke, aime le sport, les expériences « scientifiques » et se casser la figure.
Mais les auteurs de la série ne se sont pas arrêtés là lorsqu’il a fallu coller des étiquettes sur les enfants.
Chez les adolescents, on a la fille populaire classique, Haley, dont la principale qualité est d’être mignonne, et qui n’a pas grand-chose dans la tête. Cela dit, elle a des amis, un petit ami… ce qui rend son personnage positif. Sa sœur, Alex, est une intellectuelle, qui n’a aucun succès social, parce qu’elle n’est pas futile. Manny, jeune garçon, est également socialement inadapté, non pas à cause de son intelligence, mais tout simplement parce qu’il a des goûts et préférences hors du commun.
Le message qui nous est transmis est donc double : il y a le côté déplaisant, « sois conforme aux normes, ne sois pas TROP intelligent, et, si tu es une fille, surtout, sois belle », mais de l’autre il y a un message assez réconfortant, qui vient du fait que, la série suivant la ligne de la comédie, tout finit toujours par bien se passer pour tout le monde.
Les clichés évoqués précédemment sont donc véhiculés par la série d’un côté, mais également légèrement malmenés de l’autre, par exemple lorsqu’Haley obtient un score correct à ses examens, à la grande surprise de toute sa famille. Cependant ces éléments restent globalement épisodiques, et ne suffisent pas réellement à rééquilibrer la situation, du moins à mes yeux.
Le sexe, ce péché ignoble et terrifiant
Enfin, il semble extrêmement important de diaboliser le sexe pour être de bons parents. Lorsque Claire croit que son fils Luke, âgé d’une dizaine d’années, a regardé des images de femmes dénudées sur Internet, c’est la crise, plus rien ne va. Personnellement, je considère qu’il n’est pas malsain pour un enfant d’être curieux en ce qui concerne le corps des membres du sexe opposé…
De même, Phil et Claire semblent très inquiets à l’idée que leur fille Haley puisse batifoler librement avec son petit ami, même si c’est de son âge (elle a, il me semble, entre 16 et 17 ans à ce moment-là, un âge parfaitement acceptable pour avoir ses premiers rapports).
Eh oui, quoi de plus effrayant que de laisser sa fille découvrir sa sexualité ? Je suis presque sûre que le problème ne se posera pas lorsque leur fils aura atteint le même âge…
En conclusion, Modern Family, c’est…
On nous a pas menti sur la came : c’est une série absolument avant-gardiste et en phase avec son temps. Bon, ok, je suis sarcastique et peut-être un peu mauvaise langue. Après tout, si ça se trouve, le titre était ironique…
Disons que la série fait quelques pas dans des directions intéressantes, mais cela ne l’empêche pas de s’embourber dans les mêmes clichés que bien des sitcoms avant elle.
Cela dit, Modern Family reste un bon show à regarder quand on veut se relaxer sans se prendre la tête. Ce n’est pas la série de l’année, mais même si elle a des défauts, c’est loin d’être la pire des sitcoms.
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