— Publié le 27 juin 2014
Y a pas à dire, même si les mentalités ont changé, il est encore difficile de ne pas faire passer l’horreur comme un sous-genre du cinéma dans l’esprit du grand public. Pourtant, sous l’affluence de sang et les portes qui claquent, il y a souvent beaucoup plus de matière et de créativité que certains le pensent !
Si de plus en plus de cinéastes aiment se pencher sur les films qui font peur, ce n’est pas la première tentative de Jennifer Kent qui risque de les couper dans leur envie.
L’Australienne s’essaye à la réalisation avec un film dont elle a elle même écrit le script. Mister Bababook, c’est l’histoire d’Amélia, une femme qui n’arrive pas à se remettre de la disparition de son mari dans un accident de voiture alors qu’il la conduisait à l’hôpital pour qu’elle accouche. Elle vit seule avec son fils de 6 ans, Samuel. Mais celui-ci n’est pas le genre d’enfant qui reste tranquillement devant TFou pendant que sa mère lui prépare sa purée au jambon…
Samuel est un petit garçon agité, avec du caractère et surtout une peur maladive des monstres qu’il imagine débarquer chaque soir dans son armoire. Un jour, Amélia tombe sur un drôle de livre pour enfants dans sa bibliothèque : Mister Babadook. Celui-ci est rempli d’images plus glauques que le fond d’une cave infestée de rats morts, et conte une histoire morbide sous forme de poème en rimes.
À partir de ce moment-là, le monstre a imprégné les murs, impossible de s’en défaire…
Vu comme ça, Mister Babadook sent le même fumet que Sinister ou The Ring à plein nez : une histoire d’objet maudit impossible à détruire, suivant l’âme des personnages jusqu’à leur mort… Pourtant, ce n’est pas pour rien que le film a fait un tollé et raflé tout un tas de prix aux festivals de Gérardmer et de Sundance !
Un film d’horreur… mais pas seulement
La réalisatrice l’exprime clairement dans sa note d’intention : Mister Babadook n’a pas pour unique but de te faire sursauter et transpirer sous les bras, c’est également une histoire d’amour. C’est sûr que si tu te prépares psychologiquement à un Coup de foudre à Notting Hill tu risques d’avoir un choc, mais le thème des sentiments reste la base sur laquelle le film se construit.
L’histoire de ce livre hanté est en fait un prétexte pour aborder la relation particulière entre Amélia et son fils. Celui-ci est un enfant qui attire l’attention, qui se comporte un peu bizarrement et finit par paraître un peu flippant. Ajoute à ça le fait qu’Amélia ne peut pas s’empêcher de lier sa naissance à la mort de son mari, et Samuel finit par devenir un fils qu’elle a parfois du mal à aimer comme il faut… Moi-même, dans mon siège, j’avais souvent envie de lui arracher les yeux.
Le chien par contre est sympa.
En même temps, comme le petit garçon est le seul à sentir la présence du Babadook, il est plutôt conseillé de ne pas s’en débarrasser tout de suite. L’horreur commence à partir du moment où la figure protectrice maternelle devient une menace. Difficile de ne pas être mort de trouille quand même ta mère n’est pas là pour te protéger…
Les relations entre les personnages sont très intéressantes et la violence de leur gestes et leur paroles semble alimentée par le fait d’être mis à l’écart des autres. Tu as déjà pu l’expérimenter devant Shining : la solitude n’a pas que du bon.
Essie Davis, à la conquête de ton coeur
Je suis restée pendue aux lèvres d’Essie Davis pendant une heure et demie. L’Australienne réalise ici une performance parfaite. Elle ne surjoue pas, fait tout aussi bien dans la finesse que dans quelque chose de plus viscéral (ses cris viennent plus de l’estomac que du coeur, je te le dis).
Brr.
Bref,
il n’y pas que sa ressemblance avec Julie Ferrier qui m’a frappé, sa prestation aussi.
Noah Wiseman, en gamin dérangé mais protégeant sa mère plus que tout, est aussi très convaincant. Pas facile quand on a sept ans et qu’on préfèrerait manger des Smacks devant Les Kangoo Junior plutôt que faire semblant d’être terrifié par un bonhomme en costume vert !
Bien entendu, je ne saurais trop te conseiller d’aller le voir en V.O., et à la réalisatrice de brûler immédiatement la version française.
Une réalisation gérée parfaitement
Côté réalisation, j’ai trouvé qu’il y avait du niveau. Vraiment.
Jennifer Kent s’est appliquée à soigner chaque instant. Certains passages donnent au long-métrage des aspects de film d’auteur avec sa photographie froide. Le son est lui aussi réussi, et le bruit produit par le Babadook réveillera sans doute la partie de ton âme encore traumatisée par The Grudge.
« Pardon, je testais juste le bon fonctionnement de votre ascenseur. »
Nosferatu, Caligari et compagnie
Mister Babadook ne se distingue pas par ses décors magnifiques et ses profusions de sang par citernes entières. L’action se passe principalement dans la maison d’Amélia, un endroit classique, clair, mais où l’ambiance est tout de suite pesante comme un gros bide après une blague nulle.
Ce qui a tout de suite piqué l’admiration de l’ex-bachelière Histoire des Arts que je suis, ce sont les multiples références au cinéma expressionniste allemand. À travers le Babadook, c’est tout l’univers de Robert Wiene et Murnau qui se dessine. Le monstre apparaît souvent figé, se déplaçant de manière saccadée ou en lévitation à la manière de ceux des années 20 et des trucages de Georges Méliès. Avec ses grandes griffes et ses apparitions nocturnes, tu pourras peut-être voir en lui une figure un poil plus moderne. Freddy, c’est toi ?
Ah nan.
D’ailleurs, en parlant d’image terrifiante : mention spéciale à Alexander Juhasz qui a réussi à me donner des sueurs froides par des images en pop-up. Je ne regarderai plus le rayon jeunesse de la Fnac de la même façon…
Jamais.
Mister Babadook sort le 30 juillet au cinéma : auras-tu le courage de lire son histoire ?
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Je suis vraiment une flipette