Dix ans. Cela faisait dix ans que Missy Elliott n’avait rien sorti. Allez, pour les chipoteurs, on va dire que sa dernière réelle apparition remontait à 2008 sur la B.O. de Sexy Dance 2. Depuis c’est le silence radio. Du moins ça l’était : la patronne est de retour avec WTF (Where They From) en compagnie de Pharrell Williams. Et je suis joie, parce qu’elle m’a fichtrement manqué ! Voilà pourquoi.
Missy Elliott, architecte des tendances
Missy Elliott n’a jamais su suivre les modes, elle s’est toujours efforcée de creuser ses propres sillons. Dès son premier album, Supa Dupa Fly (en 1997), sa marginalité sonore et l’imagerie qu’elle a su développer ont fait la différence. Le clip de Sock It 2 Me est une perle WTF en la matière !
Et elle ne s’est pas trompée si l’on en croit le disque de platine qui a couronné ce premier album. À chaque nouveau disque, rebelote. En 2001, l’album Miss E… So Addictive installe le son de Timbaland pour quelques années. Merci Get Ur Freak On ! Même quand elle se décide à rendre hommage au rap dit « old school » sur Under Construction, c’est avec un son résolument moderne et en phase avec son époque. Être capable à la fois de truster les classements mainstream et de faire bouger la tête des gros fans de hip-hop : voilà la force de Missy.
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Découvreuse de talents
Cela doit aller de pair avec son obsession à ne pas faire comme les autres : Missy a toujours aimé s’entourer de jeunes talents. L’exemple le plus évident est bien entendu Aaliyah. Après un premier album produit par R.Kelly qui a rencontré un certain succès, c’est avec One In Million, produit dans sa majorité par Missy Elliott et Timbaland, que le potentiel de la jeune fille a éclaté. Et que dire de son album éponyme en 2001 (13 millions de copies à travers le monde) ?
Sur tous les albums de Missy Elliot, on peut croiser une flopée de futures stars. Busta Rhymes sur Supa Dupa Fly (qui avait sorti son premier album l’année précédente), Eminem (tout juste repéré par Dre) et Beyoncé (bien avant la carrière solo qu’on lui connaît) sur Da Real World, Ludacris sur Miss E… So Addictive, 50 Cent (dont le futur classique Get Rich Or Die Tryin ne sortira que l’année suivante) sur Under Construction… À défaut de vraiment lancer des carrières, Missy a en tout cas eu le nez fin quand il s’agissait de s’entourer.
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Un personnage haut en couleurs
Missy Elliott et l’image, c’est une histoire d’amour tantôt WTF, tantôt avant-gardiste. Capable du kitsch le plus total, tendance La Soupe Aux Choux (rappelez-vous Sock It 2 Me) comme de poésie déjantée et émouvante (le morceau Baby Girl mis en image en introduction du clip de Pass That Dutch), Missy a su faire de la sortie de chaque nouveau clip un événement !
Même si vous connaissiez le morceau en question par cœur, il était impossible de savoir ce qu’elle allait en faire. Vous la retrouviez chauve dans She’s A Bitch, en chambre capitonnée dans Teary Eyed, la tronche couverte d’abeilles dans Work It… Un joyeux bordel permanent servant parfaitement à mettre le morceau en valeur tout en gardant une classe folle. Mention spéciale pour Lick Shot et sa chorégraphie spéciale voiture à la fin du clip de Get Ur Freak On !
Une discographie impeccable
Même si tu es nul•le en maths, les comptes sont simples. Les six albums de Missy Elliott sont incontournables. Voilà, bisou.
Plus sérieusement, les marketeux et autres directeurs artistique n’avaient que l’embarras du choix pour choisir les singles potentiels. La rappeuse est tellement une machine à tubes qu’on pourrait l’appeler le plombier… Prenons au hasard (non) mon disque préféré de Missy : Under Construction. Rien que le premier morceau de l’album pourrait brûler n’importe quel dancefloor. Et le pire dans tout ça, c’est la cohérence de chaque album ! À chaque disque son concept poussé au maximum. Dans Miss E… So Addictive, il y a So Addictive, et la treizième piste se nomme X-Tasy. Tu l’as bien le concept là ?
Une femme meurtrie dans sa chair
Bosseuse acharnée, Missy a eu tout sauf la vie facile. Gamine, c’est une excellente élève. Un test de Q.I. révèle une intelligence et une précocité qui lui feront sauter plusieurs classes. Elle aime l’école mais a beaucoup de mal à sociabiliser. C’est à l’âge de 8 ans que l’horreur commence.
Elle est violée, quasi quotidiennement, par son cousin âgé de 16 ans. Une tante met fin au calvaire de la fillette quand elle découvre ce que l’ado lui fait. Le cauchemar ne s’arrête pas pour autant, puisque son père prend la sale habitude de frapper mère et fille… Le jour de ses 14 ans, sa mère en a ras-le-bol : elle claque la porte avec sa môme sous le bras pour refaire sa vie ailleurs.
Pendant les années qui suivirent, Melissa devint Missy, avec le succès qu’on lui connaît. De 1993 à 2005, elle ne vit que pour son travail. Mais après The Cookbook, son dernier album, plus rien — ou si peu… Alors qu’elle avait habitué son public à une certaine omniprésence, d’un coup il n’y a plus de sons, plus d’image. Elle explique finalement cette absence soudaine en 2011 dans une interview à People Magazine : Missy est atteinte de la maladie de Basedow. Le traitement est si lourd et la maladie si agressive qu’il lui est impossible de travailler.
En 2011 toujours, elle annonce pourtant un nouvel album appelé Bloc Party. Youpi, on se met à espérer. Mais non, rien ne vient. Et puis il y a le Superbowl 2015, où Katy Perry vient faire le show. Sorties de nulle part, les première notes de Get Ur Freak On résonnent… On ose à peine y croire, mais c’est bien elle. Vraisemblablement ravie d’être là, peut-être pas au top de sa forme mais affichant un large sourire.
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Et la revoilà cette fois-ci avec du concret. Et avec Pharrell. Et ça défonce.
Tu m’as fait hérisser les poils, Missy. Bon sang, qu’est-ce que tu m’as manqué.
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