Comme elle m’avait manquée, cette attente feutrée sur des fauteuils rouges, qui s’achève alors que les lumières s’éteignent en demandant le silence, pour qu’enfin le rideau s’ouvre.
Depuis le 1er octobre à la Scène parisienne, et tous les soirs du jeudi au dimanche, la pièce Miss Nina Simone, adaptée du roman de Gilles Leroy et mise en scène par Anne Bouvier a repris du service.
L’occasion d’enfin retourner au théâtre et de soutenir les artistes, tout sourire sous son masque.
Les dernières années de Nina Simone à Paris
Militante des droits civiques, artiste prodigieuse, diva inconsolée, héroïne tragique, chaque facette et chaque contradiction de Nina Simone fait d’elle une icône encore aujourd’hui, dix-sept ans après sa mort.
Eunice Waymon n’avait qu’un rêve en tête : devenir la première pianiste classique noire. La ségrégation aura alors raison de son admission à l’Institut Curtis. Eunice se transforme alors en Nina Simone, gagnant l’affection du grand public, mais jamais la sienne. Une lutte interne la dévorera alors qu’elle rejette la star du jazz qu’elle devient malgré elle.
La pièce se concentre sur la fin de sa vie passée à Paris, dans un anonymat presque total, où la chanteuse est affaiblie par ses années de tourneuse effrénée, son hygiène de vie et la maladie.
La plume de Gilles Leroy adaptée à la scène par Anne Bouvier et Jina Djemba dessine les contours des troubles mentaux de ce monument de la seconde moitié du XXe siècle sans en arrondir les angles.
Le texte fourmille d’images qui nous font visiter son passé. Il retranscrit (en français) son franc-parler parfois cruel et sa sensibilité avec brio, tant et si bien qu’on passe du rire à la stupeur, puis à l’émotion à une vitesse folle.
Mais que serait ce splendide texte sans ses interprètes ?
Jina Djemba, la révélation des planches
Jina Djemba a 35 ans, et pourtant dès sa première apparition, son corps prend la forme d’une Miss Simone approchant des 70 ans fatidiques.
Quand elle pousse les premières notes de ses plus grands succès, nos poils se hérissent et on pense enfin rencontrer la diva.
Quand elle interpelle le public, quand elle rembarre le journaliste, quand elle passe du rire aux larmes en une gorgée de champagne… Jina Djemba incarne Nina et les démons qui la tourmentent avec une maîtrise sans pareille, en plus d’être la co-adaptatrice du roman de Gilles Leroy.
Elle est la pièce maîtresse de ce spectacle d’environ une heure trente, soutenue par Valentin de Carbonnières, qui interprète Ricardo, ou « petit cul », un intendant avec lequel Nina Simone nouera une ultime relation profondément amicale… fictive.
Au fond de la scène au décor unique, se tient également Julien Vasnier, qui accompagne en musique live le dernier voyage de Miss Simone avec autant d’instruments que le permet son immense talent (on peut même assister à une scène de beatbox-voix mémorable).
Ce trio d’artistes et leur mise en scène ingénieuse et ludique ont balayé tous mes doutes face à la représentation d’un si grand génie de la musique sur des planches.
Miss Nina Simone rend un fabuleux hommage à Eunice Waymon.
Alors si vous êtes de passage à Paris, n’oubliez pas de prendre vos billets, et sinon, direction Netflix pour mater le documentaire What Happened, Miss Simone ? et tout apprendre de cette grande femme.
À lire aussi : « La Sagesse de la pieuvre », le docu Netflix qui ouvre le débat de la place de l’humain dans la vie sauvage
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.