Le roi de l’assiette propre Mir Vaisselle lance une nouvelle campagne publicitaire pour promouvoir les bienfaits de ses actifs désincrustants. Soit, rien de bien extraordinaire. Mais cette tentative de faire le buzz est pour le moins agaçante : évidemment, elle est tellement WTF qu’on comprend facilement qu’il ne faut pas la prendre au premier degré, mais quand bien même : elle est la preuve que le sexisme dans la publicité a de beaux jours devant lui.
Partie #1 : La vaisselle, ce préliminaire comme les autres
C’est tout d’abord Océane qui nous a partagé un visuel de la marque sur Facebook (merci à elle !). Une image qui renvoie à une vision des plus genrées d’un truc aussi bête comme chou que la vaisselle, un élément du quotidien qui vise à avoir des couverts propres et pas trop de moisi dans l’évier :
Les symboles utilisés surfent clairement sur le succès du « « soft porn » » façon 50 shades of grey, 80 notes de jaune et autre regain de succès du côté des sex-toys en tout genre. La femme photographiée, dont on ne voit rien d’autre que la main aux ongles fraîchement vernis, est enchaînée à sa bouteille de dégraissant.
Il est assez facile d’interpréter les menottes à moumoutes et fanfreluches, dans un décor aussi rose, avec la mousse de vaisselle saupoudrée de pétales, comme une façon d’emprisonner les femmes dans le rôle de ménagère. Ce qu’on peut y lire, en filigrane, c’est « quitte à être obligée de s’y coller, autant rendre ça agréable, faire de son flacon un objet de plaisir » (au même titre que la dégustation suave d’un poulet rôti ou de se toucher le grain de riz en se mordant les lèvres).
Franchement, il serait difficile de faire plus cliché, à moins de rajouter des schémas d’appareil génital féminin en coupe, représentés en dentelle à côté d’une bulle symbolisant la pensée avec une photo de Ryan Gosling torse poil dedans.
Le visuel est accompagné de quelques publicommuniqués repérés par l’oeil aguerri d’Olympe et le plafond de verre, parmi lesquels un article pour apprendre à devenir sexy les mains dans le plat à gratin. Des conseils comme…
- Reléguer le jogging et lui préférer une tenue confortable mais qui mettra tous tes atouts en valeur, histoire de faire un effort.
- Privilégier la mousse, parce que la mousse, c’est une incitation au plaisir. De notre côté, quitte à y aller à fond, on te propose de récurer tes plats nue avec de la mousse sur les tétons et le pubis, pour garder un semblant de mystère. Et comme la joie, c’est sexy, de t’asperger le corps avec l’eau de lavage en riant aux éclats.
- Mettre de la musique pour s’emmerder un peu moins et bouger son bouli. Point bonus : Plurielles est heureux de t’annoncer qu’en plus, « [tu] verr[as] aussi que [ton] partenaire aura vite fait de [te] rejoindre en cuisine, plutôt que de rester devant la télé ». Parce que c’est bien connu, un partenaire, à part si tu bouges ton fion en rythme en faisant la roue topless devant lui, ça fait rien que regarder le foot en buvant des bières.
- Faire la vaisselle à deux, en couple, pour pouvoir faire à ton mec/ta copine le coup du lavage de pare-brise hot, mais sur un presse-ail.
Alors voilà, j’imagine qu’il faut le prendre au second degré, tout ça, mais niveau humour, je crois que je viens de comprendre où se situent mes limites.
Partie #2 : La vaisselle, cet acte militant
Dans sa quête de vouloir faire passer la vaisselle pour un moment de plaisir, Mir a décidé d’imaginer prendre la parole pour tous les hommes du vingt-et-unième siècle, toujours en jouant la carte de l’humour. J’imagine que ça va en faire rire quelques-un-e-s, mais dans une partie de la rédac, la blague a à peu près autant pris qu’un soufflé sans levure.
« S’il te plaît je suis gentil et je ferai attention à pas tout casser », ai-je l’impression de lire dans son regard.
Dans le Manifeste pour le droit des hommes à faire la vaisselle, on peut lire les revendications d’individus fictifs de sexe masculin qui réclament l’autorisation d’aller foutre les mains dans une eau mousseuse, tellement c’est rigolo et tellement les femmes leur piquent ce privilège pour pouvoir garder cette joie pour elles toutes seules, ces radines.
Les arguments ? Comment te dire… Pourquoi pas, après tout. Pourquoi pas trouver qu’il s’agit d’un bon moyen de se vider la tête, pourquoi pas penser qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, et pourquoi pas vouloir montrer le bon exemple à son fils ? Mais ce manifeste va, consciemment ou pas, dans le sens des publicités qui montrent que c’est la femme qui fait tout pour s’occuper de la maison, sauf qu’ici, on laisse entendre que les représentantes du sexe féminin veulent absolument tout gérer. Qu’elles sont des sortes de control freak qui s’accaparent le contrôle sanitaire du foyer. Que c’est elles qui sont à l’origine de l’écart énorme entre les sexes au niveau de l’entretien du foyer (en 2010, selon l’Insee, les femmes étaient en charge de 63% des tâches domestiques).
Montrer des mecs en train de participer aux tâches ménagères dans les publicités, oui. Mais le faire naturellement – comme ça l’est dans certains foyers, comme ça devrait l’être dans tous – ce serait quand même beaucoup mieux. Parce que la meilleure façon de rendre quelque chose naturel, c’est de le banaliser, pas de le rendre exceptionnel, à grands coups de LOL et d’excuses plus ou moins bidons pour que ça ait l’air cool.
Sans rancune pour la marque hein, moi aussi je fais la vaisselle. C’est juste qu’à force, et même sous couvert d’humour, c’est quand même assez éreintant de se voir toujours ramené au statut de personne sexuée, et de voir les gens de sexe masculin gentiment pris pour des mufles.
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