Mercredi soir a été annoncé le premier gouvernement Ayrault ; l’évènement était double puisque nous allions enfin savoir si la parité avait été respectée (ce fut le cas, puisque 17 femmes et 17 hommes ont été nommées ministres ; notons tout de même le petit bémol souligné par Osez le féminisme ! : une seule femme, Christiane Taubira, a été chargée d’un ministère régalien), et nous allions connaître les nouveaux portefeuilles ministériels, dits « maroquins », que François Hollande et Jean-Marc Ayrault avaient décidé de mettre en place.
Parmi eux, l’un d’entre eux a particulièrement fait parler de lui : celui du ministère du droits des femmes. Pourtant, ce n’est pas une surprise puisqu’il s’agit du premier point des 40 engagements pour l’égalité hommes/femmes rendus publics en avril dernier, huit jours avant le premier tour.
Ce n’est pas non plus une nouveauté, puisqu’un ministère des droits de la femme avait été créé en 1981 suite à l’élection de François Mitterrand. Ce maroquin est alors confié à Yvette Roudy qui assurera le job pendant cinq ans, s’évertuant à réduire les inégalités entre les deux sexes : sous son mandat, l’IVG est remboursé par la Sécurité Sociale en 1982, le principe d’égalité professionnelles entre les deux sexes est proposé par la loi Roudy et le congé parental est ouvert aux pères.
Aujourd’hui, le ministère des droits des femmes (ils ont pensé à rajouter le pluriel, cette fois-ci), est donc réhabilité et son porte-feuille a été confié à Najat Vallaud-Belkacem, à qui revient également le poste de porte-parole du gouvernement. À cette annonce, les réactions ont été aussi diverses que nombreuses : il y a des gens totalement pour, des avis favorables, des sentiments mitigés mais aussi, pour certains, une farouche opposition à ce projet. Pour mieux comprendre cette polémique, revenons ensemble sur les principaux arguments des supporters et des détracteurs du ministère des droits des femmes.
Les réserves au sujet de ce ministère
L’un des arguments des sceptiques au ministère des droits des femmes gît dans le paradoxe entre son objectif et le principe d’une telle institution. En effet, certains s’interrogent : le but étant que les femmes soient les égales des hommes, n’est-il pas contradictoire qu’elles aient un ministère pour défendre leurs droits et que leurs congénères de sexe masculin n’en aient pas ? Sur les réseaux sociaux, beaucoup s’interrogent : pourquoi ne pas l’avoir nommé « Ministère de l’Egalité », par exemple. Moins sexiste et moins contradictoire, ce nom aurait, selon eux, beaucoup plus collé au prérogatives de ce maroquin réhabilité :
D’autres encore, s’ils se déclarent favorables à la démarche de réhabilitation de ce ministère, émettent tout de même une réserve, à l’image de Jeanine Langleur, directrice de Planning 84 et interrogée sur la question par le site mlactu :
« […] c’est une première étape, ce ministère doit certes jouer un rôle majeur mais il faut aussi que la question des femmes soit transversale à tous les Ministères, ceux du Travail, de la Famille, du Logement, de la Santé… Et à toutes les décisions ou lois. »
Si l’on en croit la description de cet ancien futur ministère dans les 40 engagements du candidat François Hollande, tout le monde peut être rassuré à ce sujet, puisqu’on y lit :
« Placé sous l’autorité du Premier Ministre pour asseoir son caractère transversal, ce ministère s’appuiera sur une administration propre. Il impulsera, élaborera, suivra, évaluera, les politiques publiques et leurs effets sur les inégalités entre les sexes. Il aura pour mission de construire son action en partenariat avec les associations mobilisées pour les droits des femmes. »
Enfin, certains ne comprennent tout simplement pas pourquoi un tel ministère a été remis au goût du jour puisqu’il n’y a pas de problèmes d’inégalités entre les deux sexes à leurs yeux
.
Je vais me taper la tête contre un mur porteur et je reviens, ne quittez pas.
Pourquoi ce ministère en enthousiasme beaucoup ?
Pour les personnes favorables au ministère des droits des femmes, le choix de Najat Vallaud-Belkacem est majoritairement salué. Ce qui se comprend sans trop de difficultés : elle est jeune, elle est de sexe féminin, elle est concernée par la cause féministe, elle est moderne, semble bien dans son époque et c’est une des personnalités montantes de la politique. Sa présence à ce poste semble donc tout à fait cohérente.
Beaucoup se réjouissent de ce ministère car depuis quelques années, la France a perdu des places dans les classements sur l’égalité entre les deux sexes. Entre 2009 et 2010, notre pays perdait ainsi 28 places dans le classement mondial de l’égalité hommes/femmes du Global Gender Gap Report et n’arrivait qu’à la 46ème place. En 2011, elle était 48ème. Cette chute s’explique par diverses raisons :
- L’écart salarial entre les hommes et les femmes en France est absolument édifiant : l’Observatoire des inégalités nous rappelait à la fin de l’année dernière que les femmes touchaient en moyenne 80% du salaire de leurs congénères masculins
- Les femmes sont très largement sous-représentées dans les postes à responsabilité.
N’oublions pas non plus :
- Le sexisme ordinaire, qui reste particulièrement coriace. Il n’y a qu’à voir la plupart des publicités, survoler les trending topics de Twitter (le #JaimePasLesFillesQui du 16 mai, par exemple), faire un tour sur Vie de Meuf ou discuter entre filles pour le constater
- La fermeture de centres IVG, la remise en question par certains du droit à l’avortement et les manifestations de quelques associations pro-vie remettent en cause notre droit à être maîtresses de notre propre corps
- Les chiffres des violences faites aux femmes font froid dans le dos : à titre d’exemple, Caroline de Haas rappelait le 25 novembre dernier à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes que chaque année en France, 75000 femmes sont violées.
Autant dire que le ministère des droits des femmes a du pain sur la planche. Et c’est peut-être bien la raison pour laquelle, selon certains, la réhabilitation de cette institution n’est franchement pas du luxe.
Que peut-on attendre d’un tel ministère ?
Najat Vallaud-Belkacem a annoncé hier soir qu’une nouvelle loi était en préparation pour combler le vide judiciaire laissé à la fin du mois dernier par l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel. Ce nouveau texte de loi sera élaboré en collaboration avec le ministère de la Justice et devrait être prêt avant l’été.
Pour le reste, nous ne savons pas encore grand chose, le gouvernement Ayrault n’ayant officiellement pris ses fonctions qu’hier lors du premier Conseil des ministres du quinquennat de François Hollande. Mais pour nous donner une idée, nous pouvons au moins imaginer que le ministère des droits des femmes s’inspirera des 40 engagements de François Hollande pour l’égalité entre hommes et femmes.
De manière tout à fait subjective, je me réjouis absolument, de manière décomplexée et du fond du coeur de la mise en place de ce ministère ; quoiqu’on en pense, quelle que soit notre situation individuelle, je réalise bien qu’il reste un bon chemin à parcourir pour atteindre l’égalité entre les deux sexes. Ce qui n’empêche pas que, comme certaines d’entre vous, j’aurais aimé que ce ne soit pas nécessaire. Et toi, qu’en penses-tu ?
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Les Commentaires
Il est vrai que l'appellation est quelque peu maladroite,mais c'est aussi une réalité,les femmes françaises souffrent et il est clair que nous sommes loin d'être au même niveau que les hommes.
J'ai eu la douloureuse expérience du sexisme l'an dernier lors d'un stage,travailler avec une équipe d'hommes méprisant le genre féminins fut une expérience douloureuse,choquante et rabaissante à la fois.
Je vois également ce ministère comme un espoir de voir naitre d'autres ministères,notamment pour la lutte contre le racisme (noirs,arabes...etc)