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Notre génération est-elle « inadaptée » au monde du travail ? La brillante analyse de Simon Sinek

Les Millennials, la fameuse génération Y avec laquelle on nous rebat les oreilles, seraient inadaptés au monde du travail. Ah oui ? Focus sur l’analyse, très relayée (et injustement décriée), de Simon Sinek.

— Article initialement publié le 6 janvier 2017

Les « Millennials », ce sont les jeunes nés approximativement entre le début des années 80 et le milieu des années 90. On les appelle aussi la Génération Y, dont l’une des caractéristiques principales est d’avoir grandi avec un ordinateur à la maison, jusqu’à la technologie que l’on connaît aujourd’hui.

Et l’analyse de cette génération fait couler beaucoup, beaucoup d’encre, surtout depuis qu’elle a commencé à investir le marché du travail.

En effet, on ne compte plus les discours fleurant le vieuxconisme, où les « c’était mieux avant ! » viennent trop souvent conclure un portrait à charge, et perclus de généralités.

Mais est-ce le cas dans cette nouvelle analyse, qui connaît un succès certain sur les réseaux sociaux ?

Simon Sinek à propos de « la question des Millennials »

La séquence en question est extraite de l’émission Inside Quest, enregistrée le 7 septembre 2016 et disponible dans son intégralité sur Youtube — ça dure une heure.

L’invité, Simon Sinek, auteur et conférencier reconnu notamment pour son TED Talk sur le « golden circle » (en 2009), réagit à la question très récurrente du management des Millennials.

Sa première réaction feint l’exaspération, et pour cause : les jeunes nés après 1984 (selon la définition qu’il prend) seraient vraiment difficiles à manager, aux dires de nombreux quadragénaires (et plus), managers en entreprise.

Or, pour Simon Sinek, ce ne sont pas les Millennials qui sont difficiles à manager ; c’est juste qu’il y a un choc culturel entre les générations précédentes, et celle qui est entrée ces dernières années sur le marché du travail.

Et le conférencier détaille les facteurs expliquant, selon lui, ce fossé culturel et comportemental. Il y ajoute des pistes de solutions, dont la plupart sont adressées aux Millennials eux-mêmes, non pas pour « se fondre dans le moule », mais bien pour être plus épanoui•e dans sa vie.

Les Millennials dans le monde de l’entreprise, quel est le fuck ?

L’extrait de l’interview à laquelle répond Simon Sinek dure 18 minutes. C’est long pour une vidéo virale, et pourtant, lorsque je l’ai lancée, je suis restée scotchée devant. C’est bien la première fois qu’on m’explique le choc culturel intergénérationnel en commençant par réfuter l’idée même d’une généralisation systématique.

C’est en anglais, mais je vous propose une synthèse juste en dessous.

« Apparemment les Millennials sont difficiles à manager. On les accuse d’être narcissiques, égocentrés, dissipés, fainéants. Mais le principal reproche qu’on leur fait, c’est de se comporter comme si tout leur était dû ».

Ce n’est pas une définition à laquelle Sinek souscrit, c’est celle qui est très répandue.

Vous savez, nouléjeunes, nous avons le culot de demander à ce que le travail ait un sens, des horaires nous permettant d’avoir une vie sociale et familiale en parallèle, un salaire décent, bref : des conditions de vie confortables. Et ce toupet nous est reprochés par ceux qui sont encore dans le monde ou travail (ou qui en sont déjà sortis).

Et bien sûr, puisque nous sommes « narcissiques » et qu’on part du principe que « tout nous est dû », on veut aussi « avoir un impact », c’est-à-dire avoir un job qui ait du sens.

Simon Sinek moque le mépris de ceux qui adhèrent à cette description très négative des Millennials, en caricaturant nos attentes en futilités.

Et cette introduction pose le ton de la suite de son discours : il va présenter les 4 facteurs qui, selon lui, sont à l’origine de cette incompréhension réciproque.

1. Les stratégies d’éducation qui ont échoué

Simon Sinek n’invente pas la poudre (et ne le revendique pas) en déroulant son premier point : les comportements communs constatés auprès d’une génération de jeunes sont la conséquence de l’éducation qu’ils ont reçue.

Et bien sûr, l’éducation n’est pas une donnée unique, uniforme. Nos éducations sont plurielles et différentes, mais de grandes tendances se détachent, avec l’air du temps.

La France vient d’interdire toute forme de punition corporelle, et cette mesure symbolique impose une nouvelle norme en matière d’éducation des enfants.

Les jeunes nés dans les années 80-90 ont été très protégés, c’est parmi nous qu’a émergé la tendance de l’enfant-roi. Alors certes, les stratégies d’éducation décrites par Simon Sinek sonnent très américaines, mais je n’ai pas pu m’empêcher de trouver très familières les situations suivantes :

  • des parents qui viennent engueuler le prof quand leur enfant a une mauvaise note
  • des enfants qui promettent au prof de « le dire à mes parents » (au lieu que la menace soit inversée : « si ça continue, je préviens tes parents »)
  • des parents qui surprotègent leur enfant, qui idéalisent ce qu’il est ou ce qu’il fait.

Avoir été éduqué dans ce cadre peut amener à un véritable choc lorsqu’on se confronte au monde du travail, où, ironise Sinek, « ta mère ne peut pas t’avoir une augmentation ».

Ce qui me fait penser que lorsque j’ai commencé à avoir de sérieuses difficultés dans mon précédent job, à qui en ai-je parlé ? À mon père, et pas à mon manager, ni aux ressources humaines. Qui, dans ces 3 interlocuteurs, aurait pu m’apporter une aide concrète ? Pas mon père, donc…

Mais comment appréhender des difficultés, des confrontations, des conflits quand on en a toujours (ou trop souvent) été protégé ? C’est une compétence qui s’apprend…

2. Un comportement addictif

Le deuxième point est sans doute celui qui a été le plus commenté sur les réseaux sociaux, puisqu’il porte sur les réseaux sociaux.

Mais Sinek ne critique pas Facebook & co, ni même l’utilisation qui en est faite par les Millennials : il pointe les habitudes comportementales excessives qui ont des conséquences négatives sur la santé (mentale et/ou physique) des jeunes.

Ce qu’il résume en une phrase :

« Il n’y a rien de mal dans les réseaux sociaux et les smartphones. Le problème, c’est le manque d’équilibre. »

Le problème que Simon Sinek souligne dans ce point, c’est l’addiction à une forme de gratification immédiate.

Sur Internet, tu publies une photo, tu récoltes des likes. Et ça fait plaisir, c’est immédiat, immatériel, mais précieux. Pourquoi poster autant de selfies, sinon, en partie, pour susciter une attention bienveillante ?

Le problème n’est pas la démarche, mais bien les conséquences du manque :

que se passe-t-il lorsqu’on est privé de cette gratification immédiate ? A minima, cela provoque une frustration, dans les cas les plus pathologiques d’addiction prononcée, des dépressions.

Sur ce point, Sinek commence à donner des conseils, pour faire la différence entre un usage sain des nouvelles technologies, et une addiction. Je ne peux que les approuver, étant donné que je mets déjà en pratique ces préceptes :

  • éteindre son smartphone la nuit, ne pas le faire charger au pied du lit, ne pas aller « voir ses notifs » la nuit
  • a fortiori, ne pas s’en servir comme réveil
  • ne pas le sortir en pleine conversation, s’abstenir de le poser sur la table en réunion (comme si on attendait un coup de fil du Président)

Personnellement, j’ai viré mes notifications Twitter et Facebook depuis des mois. Je ne les consulte que quelques fois par jour, et pas automatiquement à chaque fois que j’ouvre Internet.

Ces menues restrictions ont eu une influence considérable sur mon moral et ma concentration, même si je n’en suis pas à 15 minutes par jour de réseaux sociaux, comme Christine Berrou.

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3. L’impatience des Millenials

De cet usage parfois addictif des réseaux sociaux, et des facilités que nous offre la technologie, découlent un naturel impatient : Simon Sinek décrit la temporalité des Millennials dans l’instantané, et là encore, difficile de contester ses exemples.

Tu veux manger ? Alloresto. Tu veux bouger ? Über. Tu veux choper ? Tinder. Tu veux regarder un film ? Netflix. Tellement de choses qui demandaient hier des efforts sont aujourd’hui accessibles en trois clics. En littéralement 3 clics !

Bien sûr que cette situation provoque une appréciation différente du temps. Et ce n’est bien sûr pas une mauvaise chose : j’aime penser que je suis bien plus exigeante avec l’usage que je fais de mon temps que mes parents, par exemple.

Effectivement, la vie est trop courte pour flirter avec une personne à la fois. Je « swipe right » pour faire un premier tri, bien sûr qu’il y a derrière ma démarche une dimension d’économie de temps et d’énergie.

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Le problème arrive lorsque des jeunes, très intégrés dans cette temporalité rapide, se trouvent confrontés à une temporalité bien plus lente, comme celle du monde de l’entreprise.

Or, pour s’épanouir dans un job ou même dans une relation amoureuse, cela demande du travail, de l’investissement, de l’implication, bref : du temps, conjugué à l’action.

Pour aller plus loin, Mymy vous propose Je suis une « Millennial », et la vidéo de Simon Sinek m’a fait comprendre des choses sur moi-même.

L’action, les Millennials connaissent. C’est leur relation au temps qui est plus difficile à appréhender.

Simon Sinek prend l’exemple de l’ascension d’une montagne pour illustrer la difficulté de l’exercice : on est forts pour avoir de grands rêves, de grandes ambitions, et plutôt démunis quand il s’agit de se retrousser les manches et d’attaquer la pente.

« La compétence primordiale que cette génération doit apprendre, c’est la patience ».

4. L’environnement de travail

J’ai lu plusieurs synthèses de cette interview en français, l’écrasante majorité prêtant à Simon Sinek une condescendance et un mépris envers les jeunes, un jugement sévère sur cette génération.

Mais cette quatrième partie devait pourtant dissiper tout doute quant à l’intention de son discours : les marqueurs qui différencient les Millennials des autres ne sont pas de leur fait, encore moins de leur faute.

C’est bien aux entreprises de faire l’effort d’intégrer cette génération, en lui donnant les clés pour s’adapter d’un côté, mais en répondant aussi à ses attentes de l’autre.

Sur ce point, Simon Sinek a encore précisé son propos, dans une vidéo live Facebook, en date du 4 janvier : il ne s’agit pas d’une charge en plus pour les entreprises, ni même de « rattraper » les fameux « échecs d’éducation ».

Il s’agit pour les entreprises de faire avec les Millennials exactement ce qu’elles sont déjà censées faire avec tout le monde : les intégrer, les former à prendre la suite.

« Les bons leaders entraînent de nouveaux leaders à prendre la suite »

« Pour aller plus loin sur la question des Millennials… Créons une industrie de l’entre-aide, pas du chacun pour soi. #Aidonsnous #EnsembleCestMieux »

« La responsabilité principale des leaders est de former de nouveaux leaders. Les bons leaders entraînent d’autres gens à devenir leaders. »

« On ne demande pas aux entreprises de faire du zèle avec les Millennials. On leur demande de faire avec eux ce qu’elles sont supposées faire pour TOUS leurs employés. »

C’est sur ce point que je trouve le propos de Simon Sinek particulièrement intéressant. En dressant le portrait des Millennials, pas un instant il ne juge négativement ce que nous sommes.

Son impatience perceptible est dirigée contre ceux qui continuent de désigner « les Millennials » comme une horde de jeunes indomptables, incapables de rentrer dans le moule de la société, encore moins de l’entreprise.

Simon Sinek a cette phrase, qui m’a particulièrement marquée :

« Ce n’est pas de leur faute, ce sont des jeunes fantastiques, qui ont reçu de mauvaises cartes ».

Je crois plutôt qu’on s’est regardés, à travers les réseaux sociaux où, justement, on communique beaucoup, vite, en instantané. On a vu qu’on était nombreux•ses à avoir les mêmes cartes, et qu’effectivement, elles n’étaient pas très bonnes.

On était, par exemple, plus de 80% de jeunes actifs à être embauchés en CDD, lorsqu’il est pratiquement impossible de réussir à louer un appart à Paris sans CDI.

Ça fait beaucoup de SDF ou de fraudeurs, pour très peu de jeunes qui tirent leur épingle du jeu — et oui, par les temps qui courent, un CDI ressemble plus à une aiguille dans une botte de foin qu’à une norme.

À lire aussi : Libérons-nous du « sacro-saint CDI », passons au revenu de base !

Je me reconnais en grande partie dans le portrait dressé par Simon Sinek. J’avais déjà conscience de certains biais comportementaux acquis « avec mon temps », si je puis dire. Et je suis d’accord avec lui, ce sont des forces ! Ou du moins, ce seraient des forces dans un environnement professionnel et sociétal en général, qui nous permettent d’exprimer notre potentiel.

Bien sûr que je suis impatiente, et c’est une forme d’exigence : je ne veux pas attendre 1250 sommets avant que mes représentant•es politiques se saisissent sérieusement des questions environnementales. Je veux changer de société maintenant, parce que je refuse de faire naître des enfants dans la perspective de celle-ci.

J’ai le même comportement au travail : pourquoi s’obstiner dans une organisation frustrante ? Si les décisions d’hier ne conviennent plus aujourd’hui, on en change. On s’adapte…

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Pour terminer, je citerai ces deux phrases, prononcées à plusieurs reprises par Simon Sinek durant son live Facebook, qui remettent en perspective les analyses lues un peu partout sur l’Internet français ces derniers jours :

« Je ne me considère pas expert sur ces sujets, je me considère en cours d’apprentissage. »

« On essaie de construire une meilleure société, et de s’entraider dans ce but ».

Oh que oui, faisons ça, tiens : et si on arrêtait de se tirer dans les pattes ? Si on se considérait tous en apprentissage permanent ?


Les Commentaires

16
Avatar de MissMachine
9 janvier 2017 à 22h01
MissMachine
Moi j'aimerais surtout une étude pour savoir si le monde du travail est inadapter à l'être humain plutôt que le contraire

Je pourrais big-upper ça un milliers de fois.
7
Voir les 16 commentaires

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