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Il y a des films qu’on n’oublie pas. Qui restent gravés dans les esprits par leurs images, par leurs messages, par la puissance d’une séquence et les émotions qui montent. Mignonnes fait partie de ceux-là.
madmoiZelle accompagne fièrement ce film signé Maïmouna Doucouré, en salles le 19 août 2020, qui aborde des thématiques essentielles, féministes, actuelles mais trop souvent ignorées.
Mignonnes, le film, une histoire de filles égarées
L’héroïne de Mignonnes a 11 ans, elle s’appelle Amy. À la maison, sa vie est loin d’être rose : élevée dans la précarité par une mère très croyante, la préadolescente étouffe entre les murs de l’appartement décrépit où elle n’arrive pas à s’épanouir. Ajoutons à cela le fait que son père va épouser une seconde femme et la faire emménager dans le logement, brisant le cœur d’Amy et de sa mère…
La jeune fille cherche une échappatoire, et trouvera sa bouffée d’oxygène chez les Mignonnes, un groupe d’élèves populaires de son collège qui bossent des chorés de danse en vue d’un spectacle local.
Fascinée par ces filles qui incarnent aux yeux d’Amy une sensualité, une maturité aussi interdites qu’attirantes, l’héroïne s’embourbe dans une amitié mi-libératrice mi-toxique, et initie ses nouvelles copines à des danses bien trop suggestives pour leur jeune âge…
Mignonnes, un film féministe subtil
Mignonnes aborde bien des thèmes qui sont souvent passés sous silence dans le cinéma français.
Le fait d’avoir une jeune héroïne noire élevée dans une forme de tradition et de culture religieuse musulmane par sa mère, sans que ce ne soit montré comme négatif ou archaïque, est déjà rare. Le second mariage de son père lui fait de la peine, mais tout comme un divorce peut faire de la peine à un enfant : c’est la déchirure entre ses parents qui crée la douleur.
Le sujet complexe de l’hypersexualisation des filles à la préadolescence est au cœur du film ; les dégâts que peut causer l’appropriation de codes sexuels par des enfants qui n’ont pas une éducation suffisante pour prendre la mesure de leurs actions ne sont pas passés sous silence.
Mignonnes est un film féministe sans être donneur de leçons. Il applique l’adage « show, don’t tell » (« montrer plutôt que raconter »), très précieux lorsqu’il s’agit de tisser une histoire.
Pas besoin qu’une adulte vienne expliquer à Amy qu’elle est peut-être un peu jeune pour twerker en culotte : il suffit à la caméra de s’attarder sur le visage de l’actrice, où s’entremêlent mille émotions contradictoires, pour qu’on comprenne en même temps qu’elle que ses mouvements de danse ne sont pas si anodins que ça.
Mignonnes ne se voile pas non plus la face sur l’aspect toxique que peut revêtir l’amitié entre filles, surtout à cet âge si délicat de la préadolescence où les liens se créent entre tendresse et rivalité. Les Mignonnes sont à l’image des bandes d’adolescentes populaires que beaucoup ont admirées et redoutées au collège, avec toute la cruauté qui peut les animer, mais aussi l’indicible tendresse qui les unit.
Mignonnes, une myriade de talents à suivre
Tourner un film avec des enfants/préadolescentes, c’est souvent un pari : les jeunes actrices n’ont pas toujours un jeu… subtil, dirons-nous.
Mignonnes est, à ce niveau-là, un pari gagné : les comédiennes sont justes, sincères, et Fathia Youssouf — qui joue Amy — crève l’écran dans toute la vulnérabilité de son personnage. Elle parle peu, mais elle en dit tant, d’un regard humide, d’un geste qui s’attarde, d’une moue boudeuse.
Les talents ne se trouvent pas seulement devant la caméra : le parcours de Maïmouna Doucouré, qui signe ici son premier long métrage, force le respect.
Avec ses courts métrages précédents, Cache-Cache et Maman(s), la réalisatrice de seulement 35 ans a su conquérir des publics très exigeants : les spectateurs, spectatrices et membres des jurys de prestigieux festivals parmi lesquels Sundance aux États-Unis, Toronto au Canada et bien sûr les César, cocorico !
Maïmouna Doucouré impose un regard franc, engagé, qui donne à contempler autre chose que les jeunes femmes blanches et éthérées dont le cinéma français est si friand. Elle raconte des histoires vraies, et fait de Mignonnes un film marquant, auquel on pense longtemps après avoir quitté la salle obscure.
Un film, en effet, qu’on n’oublie pas. Et qui sera le 19 août 2020 au cinéma !
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Les Commentaires
Il y a pleins de scènes où elles s'entraînent à faire leurs chorés, tout en rigolant, en se taquinant. On voit bien que pour elles c'est avant tout un jeu et qu'elles ne mesurent pas complètement la portée de ce qu'elles font. Il y a même une scène où elles s'entraînent à faire du twerk que j'ai personnellement trouvé très drôle.
Au contraire les scènes qui m'ont mis le plus mal à l'aise sont celles où elles sont confrontées au regard des adultes, et notamment celui des hommes. Il y en a une en particulier où elles se retrouvent face à un puis 2 hommes adultes, et évidemment ma première réaction c'était de flipper pour leur sécurité, alors même que ces hommes n'étaient pas particulièrement menaçants. Parce qu'on sait très bien ce que c'est en tant que femme que de grandir dans ce monde d'adultes, choré lascive ou pas.
Et pour le coup je trouve que la grande force du film est qu'il pointe pas du doigt un "coupable" en particulier (les réseaux sociaux, les parents...) mais montre avant tout l'expérience de très jeunes filles qui grandissent dans cette société au injonctions (sexistes) très paradoxales. Évidemment je pense que beaucoup y verront aussi ce qu'ils veulent y voir mais moi pour le coup j'y vois un film assurément féministe.
Je trouve d'ailleurs que les réactions qu'il suscite sont assez révélatrices. Y a qu'à voir les avis Google, la grosse majorité des gens le critique pour "apologie de la pédophilie". C'est quasi certains que ces personnes ne l'ont pas vu, simplement déjà parce que le film est écrit du point de vue d'une enfant...
Sinon, je ne comprends pas trop la critique de la personne du thread qu'a cité @Querencia , parce que pour le coup le film ne se déroule pas dans une cité mais à Paris, et n'aborde pas la question du voile non plus (même si certaines femmes sont voilées mais ce n'est pas le sujet du film).