Pour Instagram, serait-ce l’âge de raison ? Après avoir revu son affichage des likes afin de lutter contre les dommages psychologiques causés par la course à la popularité en ligne, le réseau continue à mettre en place de nouvelles fonctionnalités protégeant ses utilisateurs et utilisatrices, en s’attaquant cette fois-ci au cyberharcèlement.
Les nouvelles fonctionnalités d’Instagram contre le cyberharcèlement
Dans un post de blog, Instagram a annoncé la mise en place de deux outils pour lutter contre le cyberharcèlement en adoptant une posture visant à prévenir plutôt que guérir — ou plutôt, à masquer et bloquer plutôt que de devoir modérer a posteriori.
La première concerne les messages privés (les fameux DM), et plus spécifiquement les « demandes de messages », à savoir les DM que vous envoient les personnes avec lesquelles vous n’avez pas déjà échangé.
Il sera bientôt possible d’indiquer à Instagram une liste de mots, phrases et emojis à identifier dans les demandes de messages, pour repérer plus aisément les insultes et surtout pouvoir les éviter. Les demandes de messages contenant un ou plusieurs termes interdits seront isolées à part, dans une nouvelle section que vous pourrez choisir de consulter quand vous vous en sentez le courage. Même là, les mots filtrés seront censurés par un surlignage sur lequel il faudra cliquer pour lire le DM dans son intégralité. Dans cette partie de votre profil, vous pourrez choisir d’accepter, de supprimer ou de signaler les messages.
Notez que cette fonctionnalité est déjà disponible pour les commentaires dans certaines contrées ; elle s’étend ici aux DM (« dans un premier temps à une poignée de pays, dont la France », précise Le Figaro), tout simplement.
La seconde nouveauté, c’est la possibilité à venir, lorsqu’on bloque quelqu’un, de choisir si on souhaite également bloquer en avance tous les potentiels futurs comptes que cette personne pourrait se créer, afin d’être sûre qu’elle ne reviendra pas nous déranger sous une nouvelle identité.
Le cyberharcèlement, fléau trop longtemps ignoré par les réseaux
S’il est réjouissant de voir qu’Instagram, utilisé par la bagatelle de 500 millions de personnes chaque jour en 2019, prend au sérieux les dangers du cyberharcèlement, on peut regretter que ces mesures arrivent tardivement : des centaines de personnes ont malheureusement fait les frais de cette violence en ligne, dont les conséquences sont bien réelles.
De plus, ces outils sont créés côté utilisateurs et utilisatrices : le but est clairement de se préserver au maximum des personnes haineuses en érigeant des barrières afin de ne plus les voir agir. Rien ne dit que les comptes des harceleurs et harceleuses — souvent signalés mais rarement supprimés — seront mieux examinés, ni que la modération côté Instagram va se renforcer (ni qu’on va enfin pouvoir montrer un fichu téton « semblant être féminin » sur cette appli sans voir son compte sauter, mais c’est un autre sujet).
On peut aussi se demander si la leçon sera un jour apprise. Car là où on accorde, toutes proportions gardées, à Instagram ou Facebook l’excuse d’avoir été pionniers dans le secteur des réseaux sociaux, il est difficile d’expliquer comment, des années plus tard, on peut lancer une plateforme sans prendre en compte le besoin d’une modération efficace contre le cyberharcèlement ! Et pourtant…
TikTok aussi a dû revoir hâtivement ses méthodes de protection des jeunes utilisateurs et utilisatrices, confrontées à des contenus loin d’être adaptés à leurs âges. Du côté de Clubhouse, le réseau social audio qui a fait les choux gras des médias en ce début 2021, les choses ne sont pas plus reluisantes, comme le montre cette compilation de propos inacceptables et non-modérés régulièrement mise à jour par la journaliste américaine spécialisée Taylor Lorenz.
Toute plateforme créant du lien social entre humains doit se poser la question du cyberharcèlement et mettre en place des outils efficaces pour en protéger ses utilisateurs et utilisatrices. Car là où on laisse des gens parler, il peut malheureusement y avoir de la violence ; en l’absence de modération, cette violence se tournera toujours vers des populations déjà opprimées, qui seront les premières à en souffrir.
Espérons que les plateformes qui auront un jour la peau d’Instagram ou Facebook intègreront dans leur ADN, dès le début, une tolérance zéro face à la haine en ligne.
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