Est-ce que Michel Raison est encarté dans un parti d’extrême-droite ? Non, Michel Raison est un député UMP, vous disait-on dans le titre.
Et il vient de demander au ministère de la Culture quelles mesures ce dernier entend prendre pour « contrôler la diffusion de certaines oeuvres musicales » écrites par des groupes « issus de l’immigration » .
Voici le texte officiel consultable sur le site de l’Assemblée Nationale :
« Sous couvert de liberté d’expression, ces groupes [issus de l’immigration] se livrent à de véritables appels à la haine raciale et religieuse en proférant des paroles obscènes, racistes et misogynes. Les conséquences sont d’autant plus préoccupantes que ces groupes sont écoutés par des jeunes en pleine construction qui n’ont pas forcément la maturité nécessaire pour prendre du recul par rapport à de tels propos. Ils bafouent les valeurs fondamentales de respect et de liberté qui fondent notre démocratie. Il lui demande donc les mesures qui ont été prises pour censurer ces chansons et mieux contrôler la diffusion de certaines oeuvres musicales. »
La question du rap et de la censure, ce n’est pas la première fois que les politiques l’amènent sur le tapis.
Dernières affaires en date : le groupe La Rumeur (interpellé en 2002, relaxé seulement en 2010) avait été attaqué par le ministère de l’Intérieur pour « diffamation publique envers la police nationale » et le groupe Sexion d’Assaut s’était déjà fait coincer pour propos homophobes.
En avril dernier, le ministère de la Culture avait même déjà répondu au député UMP Jean Bardet qui critiquait « la violence et la misogynie de certains groupes de rap ». Dans sa réponse, le ministère reconnaissait l’importance du sujet mais invitait les « relais professionnels » – maisons de disques et médias – à responsabiliser les artistes, rappelle Rue89.
Donc non, « la question n’est pas nouvelle, mais c’est la première fois qu’elle est posée avec si peu de précaution linguistique par un député », note Numerama. Car ce qu’il y a clairement de nouveau dans la sortie de Michel Raison, (qui du coup, porte bien mal son nom), c’est bien la mention « issu de l’immigration ».
Pourquoi c’est gênant :
– Stratégie politique
Soit Michel Raison, agriculteur, s’est levé un matin en se disant : « Tiens, quelle question je vais poser à l’Assemblée ? » – « Ce qui à mon sens, est peu probable », commente le directeur de la radio Génération, Bruno Laforestrie (qu’on avait déjà interrogé ici) à Rue89 : « Soit, on retombe sur un schéma bien connu des rappeurs : des élus locaux, soumis aux pressions de groupes d’extrême droite, utilisent le rap pour entrer dans le débat sur l’immigration. »
– Récupération
Comme le souligne Keek.fr, ces propos discriminatoires cherchent à se légitimer sous couvert de républicanisme.
« Parce qu’il est important de justifier légalement une stigmatisation aussi grotesque, le député ajoute que la diffusion des œuvres musicales de ces artistes issus de l’immigration a des conséquences « d’autant plus préoccupantes que ces groupes sont écoutés par des jeunes en pleine construction qui n’ont pas forcément la maturité nécessaire pour prendre du recul par rapport à de tels propos. » Cette précision du député sert à donner une certaine légalité à sa question/proposition, puisque permet de la faire entrer dans le cadre de la loi du 16 juillet 1949, relative aux publications destinées à la jeunesse.
Celle-ci permet en substance, via son article 14, la censure de certaines oeuvres par le ministre de l’intérieur, au motif que ces œuvres présenteraient « un danger pour la jeunesse en raison de contenus à caractère pornographique ou susceptibles d’inciter au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, aux atteintes à la dignité humaine, à l’usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ou de substances psychotropes. » (retrouvez le texte de loi intégral ici). »
– Anti-constitutionnel
Mais, rapporte encore très justement Keek.fr, « le député UMP, qui se veut défenseur des « valeurs fondamentales de respect et de liberté qui fondent notre démocratie », semble oublier une chose importante, qu’il convient de lui rappeler ; l’article premier de la Constitution de la Vème République, (dont il est censé être un représentant, souvenons-nous en !), proclame notamment :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. »
Ainsi les « mesures » que Michel Raison aimerait voir lancées à l’encontre des groupes de rap issus de l’immigration constituent-t-elles, plus encore que des indices sur son niveau de réflexion, des actions tout bonnement illégales… »
– Contre-exemple
Dans la série « rap censuré », Orelsan avait déjà été épinglé pour « violence sexiste ». Et qui est Orelsan ? Aurélien Cotentin dans la vraie vie, français de souche, né à Aleçon, dans l’Orne, habitant de Caen.
Malgré tout, nul doute que Michel Raison récoltera ce qu’il visait depuis le début : son buzz de l’été. Sa punchline fait déjà couler de l’encre dans toutes les rédactions… chez madmoiZelle en tout cas, on est déjà en train de lui écrire une diss song.
Sur le même thème : voici un reportage passé sur Direct Star il y a 2 mois, que vous pouvez aujourd’hui visionner sur le net. « Rap Français, Rimes & Châtiments », écrit par Arnaud Fraisse et réalisé par Leïla Sy, revient sur l’essor du rap dans les années 80, les polémiques, les rapports difficiles avec les médias…
[dailymotion]https://www.dailymotion.com/video/xj02tu_rap-francais-rimes-chatiments_tv#from=embed[/dailymotion]
Malgré quelques ellipses, ce reportage de 55 minutes s’en sort plutôt bien (de toute façon, est-il vraiment possible de résumer l’histoire du rap en moins d’1 heure ?). À voir si le sujet vous intéresse.
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Les Commentaires
Sauf que j'ai l'impression, je pense que toi, contrairement à d'autres, tu ne vas pas sauter sur l'occasion pour stigmatiser les gens.
Après, je comprends que ça puisse choquer. Moi-même qui aime le rap, certaines chansons me sortent par les yeux.
Je crois que le truc qui me soûle le plus (enfin c'est mon avis perso), c'est le 'issus de la diversité', après on aime ou n'aime pas le rap, ca comme tu le dis, c'est selon le goût de chacun.