Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, TikTok capture toutes les trends et phénomènes qui façonnent nos sociétés contemporaines. Ainsi, le réseau social faiseur de tendances voit naître des tendances tantôt avant-gardistes, tantôt conservatrices, tantôt révolutionnaires, tantôt problématiques. Dernièrement, c’est celle de la “meuf mid” qui fait débat dans l’opinion publique. Originellement partie d’un “simple constat”, cette tendance pourrait profondément nuire à notre estime de soi.
C’est une française répondant au nom de Lily Rose (alias @lunaindaclub sur TikTok) qui est à l’origine de cette tendance. Sa vidéo intitulée « POV : t’es une meuf mid », cumule à ce jour près de 320 000 mentions ‘j’aime’, 4200 commentaires, 18 000 enregistrements et 7900 partages… Un taux d’engagement révélateur de l’ampleur que prend aujourd’hui la tendance chez les TikTokeurs. Reprise ensuite par Rosanna (@Rosiconique sur TikTok), une ancienne candidate de télé-réalité ayant participé à La villa des cœurs brisés , la trend n’a fait que gonfler ces derniers jours. On vous explique en quoi elle consiste et pourquoi elle peut s’avérer problématique.
Qu’est-ce qu’une « meuf mid » ?
Place aux définitions. L’étymologie de l’expression nous donne déjà un indice sur la signification du terme : « mid » est en fait la contraction du mot « middle » en anglais, qui peut se traduire par « moyen » en français. Si l’on s’en tient à sa traduction littérale, une « meuf mid » est donc une « femme moyenne » . La créatrice de contenus elle-même la définit comme tel : « Une meuf mid, en gros, c’est une meuf qui est belle, genre un 5 ou 7/10, mais elle est pas vilaine tu vois. » Vous l’aurez compris : la « meuf mid », c’est donc la « fille lambda », celle sur laquelle on ne se retourne pas ; la « femme à la beauté moyenne » mais qui ne transcende pas.
Une hiérarchisation de la beauté qui nuit à l’estime de soi des concernées
Tout au long de la vidéo, pour étayer son propos, Lily Rose s’évertue donc à avancer des anecdotes du quotidien et petites expériences de vie qui prouvent qu’elle est loin d’être une beauté fatale, contrairement à certaines femmes. « Je sais que je suis une meuf mid parce que si demain je me coupe les cheveux au carré, j’suis immonde, genre personne me donne l’heure », « Je sais que je suis une meuf mid parce qu’on me dit ‘t’es jolie’ mais pas ‘t’es belle’ (…) ou pas ‘t’es un canon de beauté’ », raconte-t-elle ainsi avec légèreté.
En agissant de la sorte, elle se met constamment en perspective avec celles qu’elle considère comme des « 10/10 » ; celles dont la beauté est fulgurante et impressionnante. Ce dont elle ne se rend pas forcément compte, c’est qu’elle contribue inconsciemment à la hiérarchisation des différents types de beauté : ses homologues notées 10/10 seraient le haut du panier, tandis qu’elle serait quant à elle, le milieu du panier, celui qui est caché. Le petit système de notation utilisé renforce d’ailleurs cette idée de hiérarchisation.
Si l’utilisatrice se veut rassurante et bienveillante envers elle-même et envers ses consœurs avec une conclusion des plus « Girl Power », l’impact d’un message dépend à la fois de son messager, de la forme dans lequel il a été délivré ; et de son récipiendaire, de la façon dont ce dernier va l’interpréter. Or, comme on le sait, l’audience TikTok est très jeune : elle n’a donc pas forcément les capacités pour filtrer les informations qui lui sont communiquées, ni assez de maturité pour interpréter le message de façon nuancée. En découvrant sa vidéo, les petites filles pourraient alors se mettre à hiérarchiser les types de beauté, à se classer les unes par rapport aux autres… Détruisant de ce fait, leur estime de soi sur le long terme.
Une vision de la beauté qui repose sur le « Male Gaze »
Parmi les arguments avancés pour expliquer son point de vue, l’un d’entre eux évoque ses interactions avec ses homologues masculins. À un moment donné, on l’entend ainsi affirmer : « Je sais que je suis une meuf mid parce qu’un mec m’a déjà recal (= mettre un râteau, ndlr). Et pour moi, si t’es un 10/10, aucun mec au monde ne te recal. Même si le mec a une meuf, il est capable de flancher si t’es un pain. » Cet argument peut poser problème parce qu’il déploie involontairement, une vision de la beauté reposant essentiellement sur le regard masculin (le dénommé « Male gaze» ). En effet, il sous-entend que le fait de plaire à la gent masculine est garant du niveau de beauté de la femme concernée…
Et pourtant : une sororité soudée et bienveillante, qui se reconnaît dans la « meuf mid »
On aurait pu penser que la TikTokeuse se ferait dézinguer dans les commentaires associés. En réalité, nombre de femmes compatissent avec la principale intéressée. Elles sont nombreuses à se considérer elles-aussi comme des « meufs mid », à partager leurs expériences de « fille moyenne », ou à rassurer la principale intéressée quant à sa beauté. Les messages de soutien pleuvent dans la section commentaires : « si t’es une meuf mid, on est quoi nous *emoji qui pleure »; « C’est un missile elle parle de mid”; “J’suis une meuf mid parce qu’à bientôt 30 ans on me dit ‘t’es mignonne’ *emoji qui rigole’ ».
Cette bienveillance est en fait le reflet de celle de la créatrice elle-même qui, après avoir longuement argumenté sur son cas particulier, appelle finalement les femmes à s’aimer : « Et en vrai c’est pas grave d’être une ‘meuf mid’, tu peux pas être un 10/10 (…) Moi je fais tout mon possible pour être un 10/10, je n’y arrive pas, je suis à mon prime actuellement. C’est pas grave. Bref, soyez des meufs belles, soyez des ‘meufs mid’, aimez-vous, c’est ce qui compte.» Et c’est plutôt une bonne nouvelle.
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