Si vous écoutez la radio, faites-vous attention à leur programmation musicale ? Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) y impose certains quotas concernant la langue :
« Afin de promouvoir la production audiovisuelle française, la loi a instauré pour les radios privées, des obligations minimales en matière de diffusion de chansons d’expression française. »
Certes, mais qu’en est-il au niveau de la parité du genre ? En France, le CSA ne communique rien à ce sujet, ce qui est mauvais signe.
Plutôt que de compter, Mathilde a décidé de se lancer. Avec deux autres copines, elle tient Radio Tempête, webradio française qui ne diffuse que des femmes et minorités de genres (pour info, une webradio, c’est comme une station de radio, sauf qu’elle n’existe qu’en ligne, donc via Internet, et non en diffusion hertzienne).
Radio Tempête, une webradio 100% artistes femmes, trans et non-binaires
Cette Française qui travaille dans l’informatique depuis les Pays-Bas a lancé l’idée sur Twitter, et a intrigué une autre Mathilde, bossant quant à elle dans l’industrie musicale depuis Paris. Ni une ni deux, ce duo a lancé Radio Tempête, comme nous l’explique la première :
« On ne s’est pas posé 36 000 questions. On a regardé si d’autres projets semblables existaient déjà, et ce n’était pas le cas (hormis une webradio en Norvège). On s’est renseignées sur comment faire techniquement et on a lancé Radio Tempête en novembre 2020, sur un coup de tête.
C’est clairement un bébé du confinement, cette période où notre espace physique était tellement réduit, alors on se réfugiait et agrandissait notre espace numérique. Le nombre de trentenaires qui se sont mis à TikTok à cette période est assez révélateur, d’ailleurs (rires) ! »
Écouter davantage de femmes, un geste révolutionnaire ?
Avec désormais une troisième personne dans l’équipe depuis avril 2021 (Emeline, mécanicienne vélo à Brest), Radio Tempête diffuse donc de la musique faite par des femmes, des personnes trans et non-binaires, 24h/h, 7j/7. Et ça fait un bien fou. Cela peut même être un geste révolutionnaire, comme le théorise l’autrice féministe Alice Coffin dans son ouvrage Le Génie lesbien :
« Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques. J’essaie du moins. L’art est une extension de l’imaginaire masculin. Ils ont déjà infesté mon esprit. Je me préserve en les évitant. »
Une fois qu’on a appuyé sur play dans un onglet de son ordi, ou qu’on a ajouté le flux de la webradio sur une appli mobile, l’excellente programmation musicale de Radio Tempête peut alors rythmer le quotidien. Et permettre de découvrir et redécouvrir plein d’artistes qui valent toujours le coup d’oreille.
La possibilité d’une female ear
Alors qu’on parle beaucoup de female gaze dans les productions audiovisuelles, le milieu de l’audio aussi pourrait mériter de s’interroger. Un #MeToo de la musique, #MusicToo, a bien eu lieu côté artistes de l’industrie.
Mais les radios restent des milieux assez masculins côté présentation et animation, ce qui influe sûrement aussi sur la programmation. On pourrait bien bénéficier de davantage de female ear.
Quant à l’industrie des podcasts natifs, elle semble bel et bien portée par des femmes.
Mais elles y sont trop souvent exploitées abusivement, même dans les studios créées et menées par des femmes comme chez Louie Media (qui produit les podcasts Emotions, Manger, Ou peut-être une nuit, Travail en cours) co-dirigé par Charlotte Pudlowski épinglée récemment par une enquête de Télérama. Et Mediapart vient de montrer dans une enquête en deux volets la dimension structurelle de ces abus de pouvoir à l’encontre de la majorité de travailleuses du secteur.
Les webradios peuvent-elles revenir ?
Les webradios, en revanche, constituent un terrain assez délaissé et donc méconnu, après un pic de popularité dans les années 2000 (toutes les facs ou presque ont lancé leur radio campus et radio pirate), constate la cofondatrice de Radio Tempête, Mathilde :
« Les médias parlent beaucoup d’une révolution de l’audio qui serait en cours, à travers les plateformes de streaming musical et les podcasts natifs. Alors je suis assez étonnée qu’on n’évoque pas également toutes les possibilités permises avec les webradios !
C’est un grand espace de liberté, même si ça a quand même un certain prix puisqu’il faut payer le service de webradio (on utilise RadioKing), l’hébergement de notre site, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et la société pour la perception de la rémunération équitable (SPRE). »
Hormis la musique de femmes, personnes trans et non-binaires, Radio Tempête ne prévoit pas de lancer d’émissions parlées sur ses ondes, pour l’heure. Selon Mathilde, c’est un tout autre degré d’implication personnelle que de diffuser sa propre voix, ses pensées : « On n’a pas du tout envie de se mettre en avant ».
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Crédit photo de Une : © Radio Tempête
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