La Palme d’Or à Cannes, six César (dont meilleur film, meilleure réalisation, meilleure actrice et meilleur scénario original), un Oscar (pour le meilleur scénario original), premier film français à décrocher le Golden Globe du meilleur scénario, et bien d’autres. On ne présente plus la carrière effrenée d’Anatomie d’une chute…
Mais que serait Anatomie d’une chute sans son incroyable chien Snoop, de son vrai nom, Messi ?
Madmoizelle. En quoi consiste le métier de coach animalier pour le cinéma ?
Laura Martin. Le métier de coach animalier consiste à accompagner l’animal pour faire des actions précises dans une séquence donnée et travaillée en amont. Sur le plateau, on aide l’animal à bien réaliser cette action. Sur le tournage, le coach animal est la personne dédiée au bien-être animal.
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As-tu coaché d’autres animaux ?
Je suis spécialisée dans les chiens mais j’ai commencé à faire les rats, les furets, les poules… J’ai même fait les abeilles !
Quel est ton parcours ?
J’ai commencé comme éducatrice canine. Messi a fait des compétitions d’éducation canine. J’ai recontré quelqu’un qui travaillait dans le cinéma, qui a eu besoin de moi et c’est comme ça que je suis devenue coach animalier.
Est-ce que tous les chiens peuvent devenir chiens de cinéma ?
Non ! On ne peut pas prendre un chien bébé et se dire qu’il sera une star parce que chaque chien a ses caractéristiques spécifiques. Par exemple, ramener une chaussure, on ne peut pas le demander à n’importe quel chien : il faut qu’il sache tenir en gueule. Les chiens peuvent ne pas savoir, ou ne pas avoir envie d’apprendre !
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Est-ce que chaque chien a sa personnalité ?
Tout à fait ! On ne doit pas forcer un animal sur un tournage. Il doit être là juste pour s’amuser parce qu’il n’a pas demandé à être chien acteur. Il va passer un bon moment, recevoir des caresses et des friandises, être félicité. À la fin de la journée, il s’est dépensé physiquement et psychologiquement et quand il rentre à la maison, il est heureux.
Selon toi, le métier de coach animalier est-il suffisamment reconnu et encadré ?
Je pense qu’on ne se doute pas de tout le travail qu’il y a derrière un chien dans un film. Quand on le voit, on se dit « j’aimerais trop avoir ce chien, il est parfait ! » On ne se rend pas forcément compte qu’en fait, derrière ce chien hors du commun, il y a une personne derrière qui l’a aidé à faire toutes ces actions.
C’est un métier qu’il faudrait mieux encadrer pour mieux réglementer le travail des animaux. À l’heure actuelle, il n’y a pas de cadre fixe dans la loi – on ne sait pas combien de temps ils peuvent travailler dans une journée, ce qu’ils doivent faire… en fait, il faudrait faire comme pour les enfants !
Et Messi alors ?
Messi, c’est un super chien ! Je l’ai eu bébé, on a beaucoup travaillé.
Il est très intelligent mais à cause de son physique, il n’est jamais pris sur les tournages. C’est très, très rare. Ses yeux sont considérés comme trop blancs. On nous dit qu’ils « manquent d’émotion »… Pour Anatomie d’une Chute ça marchait très bien parce que le paysage du film est enneigé. Son physique particulier passait très bien pour le film.
Comment as-tu préparé Messi pour le tournage d’Anatomie d’une Chute ?
L.M. J’avais le scénario et toutes les actions de Messi. Plusieurs actions étaient très difficiles. J’avais un mois de préparation donc on a fait un gros travail en amont. J’ai alors fait ce qu’on appelle « un conditionnement », c’est-à-dire qu’on répète beaucoup comme ça, quand le chien arrive sur le plateau, il connait déjà ses gestes. Seul l’endroit change.
On fait souvent face à de l’imprévu. Par exemple, il y a une séquence dans le film où Messi doit rattraper une balle qui dégringole un escalier….à ce moment-là, ce n’était pas Messi qui était difficile à gérer mais la balle ! Parfois elle tombait sur le rebord de la marche et bam, elle repartait de l’autre côté ! (rires.)
Est-ce qu’il y a de la place pour l’improvisation sur le tournage ?
L.M. C’est vraiment sur un fil. Il faut laisser au chien sa liberté de vivre et de proposer des choses. On ne va pas serrer quelque chose de parfait pour que le chien puisse par exemple se coucher, se déplacer, faire un bruit. C’est ce qui fait qu’il a un jeu d’acteur ! Il propose des choses de la vie, naturelles. L’une des choses les plus importantes dans tous les cas est que le chien puisse toujours me voir, mais pas trop. S’il est fixé sur moi, ce n’est plus assez naturel. Il faut rester en même temps visible et invisible et être toujours présente, sinon, il se met à me chercher au lieu de jouer la comédie !
Attention, la question suivante spoile légèrement le film !
Peux-tu nous révéler les secrets de la scène du médicament, qui a fait halluciner tous les spectateurs du film ?
Ah ! C’était une très grosse séquence. On a beaucoup travaillé en amont. J’ai travaillé Messi en couché-côté, avec la tête posée. Il devait relever sa tête et quand on le porte, il devait se laisse retomber de tout son poids. Je l’ai d’abord fait travailler sur un lit, où il a progressivement appris à faire tomber sa tête. Puis je lui ai appris à le faire avec tout son corps. Une fois que c’est acquis, on rajoute les bruits, pour ajouter de l’émotion.
Sur le tournage, Messi avait sous la gueule une pompe à vomi placée sous sa gueule. Quelqu’un l’activait. Ses yeux sont un peu troubles grâce à un effet spécial rajouté en post-production. Le résultat est que quand j’ai découvert la séquence du médicament au cinéma, j’étais moi-même choquée. C’était dur à faire, mais c’était un grand moment de cinéma.
Comment as-tu appris que Messi avait reçu la Palm Dog ? Qu’est-ce que cette récompense représente ?
On était super contents de gagner la Palm Dog, on ne s’y attendait pas. J’étais en spectacle avec d’autres animaux et Justine Triet m’a appelé en me disans « Laura, c’est un truc de fou, on va sûrement gagner la Palm Dog ! ». J’ai rigolé car je ne connaissais pas et Justine Triet m’a dit « Mais Laura, c’est très sérieux, c’est la récompense ultime du meilleur acteur canin ! » C’est la récompense de tout le travail qu’on a accompli. On était déçus de ne pas pouvoir aller au festival de Cannes… du coup, ils ont pris un sosie, qui ne lui ressemble pas ! (rires.)
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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