Ces derniers jours, une grosse dizaine d’affiches a fleuri à Los Angeles.
On y voit Meryl Streep aux côtés d’Harvey Weinstein sur une photo datant de 2012. Barrant les yeux de l’actrice, un bandeau rouge : #SheKnew (#ElleSavait).
Ces affiches font références à ce qui est, dorénavant, l’affaire Weinstein — ces très nombreuses accusations de harcèlement sexuel, d’agressions et/ou de viol visant celui qui était un puissant producteur de cinéma.
Elles ont été collées dans des endroits lourds de sens. Il y en a une près du logement de Meryl Streep, une près du syndicat d’Hollywood, la Screen Actors Guild-American Federation of Television…
Mais devant ce qui aurait pu être une simple œuvre d’art contestataire, j’ai ressenti un certain malaise. Et il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre d’où il venait.
Meryl Streep, cible facile dans l’affaire Weinstein ?
En premier lieu, quitte à faire des affiches dénonçant les agissements de Weinstein, pourquoi ne pas… blâmer Weinstein, en fait ? Celui qui a agressé, harcelé, violenté, violé ?
De quel droit décide-t-on qu’il vaut mieux condamner Meryl Streep pour son supposé silence que l’homme qu’elle aurait, selon certains, « protégé » en se taisant ?
Ce sont des hommes qui sont accusés par les milliers de personnes ayant utilisé #MeToo, alors peut-être vaudrait-il mieux se concentrer sur le cœur du problème : les coupables.
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Qui « savait », pour Weinstein ?
Meryl Streep a toujours nié avoir été au courant des agissements de Weinstein, même si Rose McGowan l’a accusée de mentir.
« Je veux que [Rose McGowan] sache que je n’étais pas au courant des crimes de Weinstein, ni dans les années 90 lorsqu’il l’a agressée, ni pendant les décennies suivantes, quand il en a agressé d’autres.
Je n’ai pas délibérément gardé le silence. Je ne savais pas. Je n’approuve pas, tacitement, le viol. Je ne savais pas. Je n’aime pas que des jeunes femmes soient agressées. Je ne savais pas ce qu’il se passait. »
Quitte à blâmer des gens ayant gardé le silence, pourquoi ne pas s’en prendre, par exemple, à Quentin Tarantino, qui a clairement admis être au courant des crimes de Weinstein ?
D’où vient ce choix de viser Meryl Streep plutôt que quelqu’un d’autre ? Eh bien il n’est pas innocent…
Derrière les affiches #SheKnew, l’« alt-right » américaine
Le Guardian nous apprend que derrière ces affiches #SheKnew se cache Sabo, un artiste appartenant au mouvement de l’« alt-right » américaine.
Pour rappel, c’est à ces gens-là que l’on doit l’attentat de Charlottesville, pendant lequel un terroriste d’extrême-droite a foncé dans une contre-manifestation pacifiste en voiture et a fait une victime.
Et le terme « alt right », c’est le nom que ces personnes se donnent, pour selon Wikipédia :
« Déguiser des formes flagrantes de racisme, de domination blanche, de néo-fascisme et de néo-nazisme. »
L’artiste a choisi Meryl Streep, non pas pour son rôle précis dans l’affaire Weinstein, mais pour la « punir » d’avoir utilisé son dernier film, The Post, pour critiquer Donald Trump et son utilisation des « fake news ».
« Elle nous attaque, alors on réplique. »
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Et Sabo d’ajouter qu’il ne sait pas si Meryl Streep était au courant pour Weinstein…
« Je n’étais pas dans la même pièce qu’elle. Je ne peux pas être sûr à 100%. Mais je dirais que n’importe qui, dans ce milieu, avait sa petite idée.
Je pense qu’elle savait. Peut-être même qu’elle fournissait Weinstein en chair fraîche. »
C’est tristement classique, l’extrême-droite se servant de combats féministes pour défendre ses propres intérêts…
Ces affiches ne reposent sur rien, alors concentrons-nous sur le vrai problème à régler : l’impunité des hommes coupables de violences sexuelles, et le système qui leur permet d’agir de façon répétée.
Un système qui est loin de tenir dans la seule poche de Meryl Streep.
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