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Vie quotidienne

Je vis avec ma mère dépressive, et je me sens coupable

La mère de cette madmoiZelle est dépressive, depuis des années. Avec la maladie sont venues la peur, ainsi que la culpabilité…

Ma mère est dépressive.

Le diagnostic médical est tombé il y a maintenant environ 4 ans. Je m’y attendais, bien sûr : cela fait bien plus longtemps que ça que je la vois sombrer.

Mais depuis que je suis retournée vivre avec elle il y a 1 an, c’est de plus en plus dur de vivre ma vie sans y penser.

Ma relation avec ma mère

Ma relation avec ma mère a toujours été très compliquée. Elle et moi nous avons de gros caractères, et depuis que je suis toute petite, ça a trop souvent éclaté entre nous.

Quand j’ai eu 18 ans, elle m’a virée de chez elle, après de longues années de disputes à répétition, de haine et de provocations de ma part.

Je le disais sous sourciller : ma mère, je la déteste.

Je la détestais, et je crois que quelque part au fond de moi je la déteste encore.

J’ai compris plus tard que nous traînions avec nous des vestiges de ses traumatismes non-soignés, et d’anciennes relations mère-fille familiales qui ne nous facilitaient pas la tâche.

Depuis qu’elle m’a virée, donc, j’ai d’abord vécu chez mon père, duquel elle est séparée depuis mon enfance et avec lequel je vivais déjà deux semaines sur quatre.

Puis j’ai pris un petit envol quand j’ai commencé mes études supérieures : 3 ans et demi dans mon propre appart, ce qui m’a fait le plus grand bien.

Pendant ces mois, j’ai pu oublier que ma mère allait mal. Ou en tout cas faire comme si j’oubliais que ma mère allait mal. Parce que oui, ma mère va mal, elle va mal depuis de nombreuses années.

Et avant qu’un psychiatre ne pose le diagnostic de la dépression, je m’en rendais compte, sans mesurer à quel point elle était malade. Je ne conscientisais pas réellement son état : je m’y étais habituée.

C’est au tout début de ces 3 ans et demi d’indépendance que le fameux diagnostic est tombé, et là, j’ai enfin réalisé.

Retourner vivre avec ma mère dépressive

Pendant mes 3 ans et demi d’études supérieures, étrangement, ma relation avec ma mère s’est un peu apaisée. Elle s’est beaucoup investie dans mon déménagement, dans l’achat de déco et de meubles pour mon nouvel appartement.

Le poids de la vie quotidienne ayant disparu, et ma haine d’adolescente s’étant un peu dissipée, nous avons réussi à renouer quelque peu, en surface, en tout cas.

En profondeur, rien n’a jamais été réglé.

Récemment au chômage à la suite d’un lourd procès avec son ancien employeur, ma mère avait du temps libre, et elle commençait à se soigner.

Psychologues, psychiatres, stages de développement personnel… elle se consacrait à se remettre sur pied et à guérir de sa maladie avant d’envisager de trouver un nouveau boulot.

À la fin de mes études, après 3 ans et demi à vivre seule, j’ai dû lâcher mon appartement d’étudiante, et ma situation professionnelle ne me laissait pas le choix.

J’allais devoir retourner vivre chez ma mère, mon père ayant emménagé avec sa compagne il y a peu.

Aujourd’hui cela fait donc près d’un an que je revis avec elle. Elle n’est pas guérie, elle n’a toujours pas d’emploi, elle est même en pleine rechute.

Et je vis un véritable cauchemar sans vraiment me l’avouer.

Le quotidien de ma mère dépressive

Expliquer pourquoi ma mère est malade serait trop long et compliqué. D’ailleurs je ne suis même pas sûre de réellement tout savoir.

Mais je trouvais intéressant de partager avec vous ce que ça fait de vivre avec une mère dépressive, et dans mon cas, à quel point ça a un impact sur moi, au quotidien.

Avant de savoir que ma mère l’était, je voyais la dépression comme quelque chose d’un peu flou et lointain.

Je ne savais pas que c’était une réelle maladie, qui nécessitait des médicaments, une prise en charge sérieuse : je voyais les personnes dépressives comme des gens faibles, trop émotifs, qui se complaisaient dans leur tristesse

.

C’est violent, je sais, mais c’est la réalité dans laquelle j’ai grandi…

Ma mère est donc dépressive depuis des années. Elle a pris énormément de poids, elle passe son temps à dormir, ou sur le canapé à jouer sur son téléphone en regardant des séries pourries, pour ne pas avoir à réfléchir ni être trop stimulée émotionnellement.

Elle ne lit plus, alors qu’elle dévorait bouquins sur bouquins. Elle ne sort plus, alors qu’elle était du genre hyperactive, dans un lointain passé.

Aujourd’hui sa vie est régie par la peur : la peur de sortir, de voir des gens, la peur de devoir interagir avec des inconnus, peur du monde, peur de la vie.

L’appartement de ma mère n’est pas très grand et il ressemble à un garage encombré par 12 vies passées : c’est sale, elle n’arrive à rien jeter, et cet intérieur ne l’aide pas à aller mieux.

Et au fur et à mesure de ses achats compulsifs, rien ne s’arrange.

Ma mère est endettée depuis des années, puisqu’avec la dépression, la peur des papiers et de l’administratif s’est ajoutée. Et après 4 ans de chômage, elle est aujourd’hui dans l’urgence.

Si elle ne retrouve pas de travail dans le mois qui vient, elle ne pourra tout simplement plus subvenir à ses besoins quotidiens.

C’est un cercle vicieux duquel elle n’arrive pas à se dépêtrer, et moi, j’assiste à tout ça, en colère et impuissante.

J’en veux à ma mère dépressive, et je m’en veux à moi-même

Je travaille, je sors beaucoup, je suis un peu hyperactive, souvent absente. J’ai toujours quelque chose à faire, et le peu de temps que je passe à la maison, je m’enferme dans ma chambre pour ne pas la voir dans cet état.

Je suis en colère, j’en veux à ma mère.

Je lui en veux d’aller mal, je lui en veux d’être couchée quand je pars le matin, et toujours couchée quand je rentre le soir. Je lui en veux de ne pas retrouver de travail et de se laisser mourir.

Je lui en veux d’avoir été la mère en retard, la mère « paresseuse », que j’ai dû réveiller pour qu’elle m’emmène à l’école quand j’étais encore gamine.

Je lui en veux de me faire vivre dans cet appartement sale qu’elle ne me laisse même pas ranger.

Je lui en veux pour beaucoup de choses dans notre relation depuis que je suis toute petite. Et bien sûr, je m’en veux de lui en vouloir.

Je m’en veux de ne pas réussir à faire un pas vers elle, je m’en veux d’être agressive avec elle quand je suis fatiguée et que je n’arrive pas à mettre les formes.

Je m’en veux de ne pas pouvoir l’aider, de ne pas réussir à l’aider, de ne pas savoir comment l’aider, et de ne pas répondre comme je le pourrais à ses appels à l’aide.

Parce que oui, au cours de sa thérapie, elle m’a demandé de l’aide. Elle m’a dit qu’elle avait besoin de soutien, un soutien émotionnel.

Elle m’a dit qu’elle avait besoin d’une présence, de savoir que je suis là. Qu’elle avait besoin de bisous pour dire bonjour ou au revoir, et pourquoi pas de quelques câlins.

Choses que je suis incapable de lui donner, et je m’en veux beaucoup pour ça.

Nous n’avons jamais été proches physiquement, je ne suis pas quelqu’un qui fait des câlins aisément, et aujourd’hui plus que jamais je me sens incapable d’avoir la moindre affection pour elle.

Je suis triste, en colère contre nous deux, mais bien sûr, surtout contre moi. Plus je suis en colère et triste, plus je suis agressive, et plus je m’en veux…

Et voilà un nouveau cercle vicieux qui s’installe et nous emprisonne.

Me guérir moi pour aider ma mère dépressive à guérir

Oui, aujourd’hui je sais que la dépression est une maladie, et je sais que ma mère fait tout ce qu’elle peut pour se débattre de ses démons pour s’en sortir.

Je sais tout ça avec mon cerveau, mais ce n’est pas pour autant que mon cœur et mes émotions le savent.

Je ne suis pas médecin, et malheureusement, même en faisant tout pour la sortir de son canapé, je sais que c’est plus compliqué que ça.

Je sais que l’impulsion doit venir d’elle, et que tout ce que je peux faire, c’est essayer d’être là.

Je sais aussi que je fais tout ce que je peux, et que je dois moi aussi me soigner. Je fais tout ce que je peux de mon côté pour guérir mes propres démons, et pour essayer de rendre notre relation plus sereine.

Mais surtout, j’essaye d’arrêter de m’en vouloir à moi-même, et de me culpabiliser. Aujourd’hui je le sais : toute cette colère, c’est juste de la peur.

J’ai peur que ma mère ne s’en sorte pas, j’ai peur qu’un jour elle n’ai plus assez d’argent pour se nourrir, j’ai peur qu’elle meure seule, et j’ai peur de me rendre compte trop tard de tous les moments que j’ai raté avec elle.

Je sais que bientôt, il va falloir que je discute avec elle, que je lui dise tout ça, et je sens que je vais bientôt en être capable.

Je sens que petit à petit, j’avance, et que dans les jours qui viennent j’arriverai à me poser devant elle et à lui dire tout ce que j’ai sur le cœur.

J’ai très peur que ce moment arrive, j’ai peur de pleurer devant elle, j’ai peur qu’elle pleure devant moi, mais je sais aussi que tout ça est nécessaire, et que ça m’aidera à moins me bouffer, tout en l’aidant à aller mieux.

Écrire ce témoignage était aussi une manière de me le redire pour me rassurer et me rappeler que je suis capable de le faire, et que tout va bien se passer.

Ma mère est dépressive, je ne suis pas responsable de ça, et je ne peux pas la guérir. Mais je peux au moins prendre soin de moi, arrêter de m’en vouloir, et essayer de réparer notre relation.

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Tu te sens dépressive ou un de tes proches l’est ? Tu trouveras sur ce site Internet une liste de numéros verts utiles et d’associations à appeler en cas de besoin.

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Les Commentaires

8
Avatar de Polaire
23 octobre 2019 à 11h10
Polaire
Je plussoie @Cam-Sam . On ne pense pas beaucoup aux mesures de protections (quand ça ne concerne pas une personne âgée) et en plus, on en a facilement une mauvaise image, et ça peut être difficile à accepter, mais dans le cas présent, ça pourrait aider cette mère à se décharger un peu mentalement, et peut être à rebondir.

Elle a pris énormément de poids, elle passe son temps à dormir, ou sur le canapé à jouer sur son téléphone en regardant des séries pourries, pour ne pas avoir à réfléchir ni être trop stimulée émotionnellement.

Elle ne lit plus, alors qu’elle dévorait bouquins sur bouquins. Elle ne sort plus, alors qu’elle était du genre hyperactive, dans un lointain passé.

Aujourd’hui sa vie est régie par la peur : la peur de sortir, de voir des gens, la peur de devoir interagir avec des inconnus, peur du monde, peur de la vie.

L’appartement de ma mère n’est pas très grand et il ressemble à un garage encombré par 12 vies passées : c’est sale, elle n’arrive à rien jeter, et cet intérieur ne l’aide pas à aller mieux.

Et au fur et à mesure de ses achats compulsifs, rien ne s’arrange.
Sinon, ce passage m'a beaucoup parlé, parce que je m'y reconnais beaucoup (en moins intense), à la différence que je réussis la plupart du temps à maintenir la tête hors de l'eau (en partie grâce à la présence de mon copain, et probablement parce que j'ai mon boulot et que ça m'oblige à sortir). Ça n’empêche pas que dans mes périodes plus difficiles, c'est tout à fait mon comportement (en enlevant l'accumulation), et ne pas rentrer dans ces comportements qui me servent, je pense, à m’anesthésier , me demande énormément d'efforts.
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