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Parentalité

Merci à bell hooks, révolutionnaire féministe de la maternité

L’incontournable bell hooks est décédée, comme l’a communiqué sa famille ce 15 décembre. Revenons sur un des aspects passionnants de son travail : ses réflexions sur la maternité et la parentalité.

La famille de bell hooks nous apprenait hier, le 15 décembre, sa mort à 69 ans. Le féminisme a perdu une penseuse et militante de premier plan, dont les réflexions novatrices et percutantes continueront d’être étudiées, de faire réfléchir et de vivre.

Nous allons nous pencher pour Daronne sur les idées de bell hooks concernant la maternité et la parentalité.

Au cas où vous ne le saviez pas, nous écrivons bell hooks ainsi, sans lettres capitales, car c’était son souhait. L’autrice voulait en effet que ce soit son travail qui soit mis en avant, et non son nom !

Pour recontextualiser, l’un des livres où l’autrice parle le plus de sa vision de la maternité est De la marge au centre, publié en 1984. Les citations de cet article en sont extraites.

Elle développe dans ce livre plusieurs idées fondamentales et décrit les succès mais aussi les manquements des mouvements féministes de l’époque. Pour elle, le féminisme n’a aucun sens sans prendre en compte toutes les femmes, sans rassembler toute la diversité des expériences possibles.

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La famille, lieu de soutien pour bell hooks

Selon bell hooks, la maternité n’est pas vécue comme une oppression, ainsi qu’a pu le décrire Simone de Beauvoir dans Le Premier Sexe : la famille est un lieu de soutien, « une structure de filiation positive et soutenante, sans aspects opprimants basés sur les différences de sexe, les préférences sexuelles, etc. »

Selon l’autrice, le travail domestique au sein de la famille et le soin des enfants sont humanisants. C’est un univers bienveillant.

« Certaines d’entre elles [les féministes blanches et bourgeoises] considéraient tout bonnement la maternité et l’éducation des enfants comme le cœur de l’oppression des femmes. Si les femmes noires avaient exprimé leurs visions de la maternité, celle-ci n’aurait pas été désignée comme un obstacle majeur à notre libération en tant que femmes. Le racisme, le manque de travail, le manque de qualifications et d’éducation, et un bon nombre d’autres problèmes auraient été placés en haut de liste – mais pas la maternité.

Les femmes noires n’auraient jamais dit que c’était la maternité qui nous empêchait d’entrer dans le monde du travail rémunéré, parce que nous avons toujours travaillé. Depuis l’esclavage jusqu’à nos jours, les femmes noires étasuniennes ont travaillé en dehors du foyer, dans les champs, dans les usines, dans les blanchisseries, dans les maisons des autres. »

Pour les femmes noires – faisant partie de la classe ouvrière – l’oppression se situe en dehors du foyer. Beaucoup voulaient quitter leur travail aliénant, souvent pénible pour passer plus de temps dans le foyer familial. Participer au monde du travail voulait forcément dire subir un sexisme, un racisme supplémentaire, dans la sphère professionnelle.

Pour les féministes blanches et bourgeoises décrites par bell hooks, l’oppression se situe dans le foyer, la famille constituant une aliénation. Elles voulaient travailler, sortir de chez elles, prendre part à la société, ne plus avoir pour seuls liens sociaux ceux avec leurs enfants et leur mari.

Une remise en perspectives salvatrice de bell hooks sur les oppressions multiples subies par les femmes noires et une réhabilitation de la famille au sein du féminisme de l’époque.

L’éducation, primordiale

On dit souvent « Il faut tout un village pour élever un enfant » sans trop savoir d’où nous vient cette sentence. bell hooks aurait pu en être à l’origine, tant elle a bien décrit l’importance d’une éducation collective et du soutien de la communauté. Elle invite à nouveau à décentrer le regard trop souvent blanc du féminisme :

« L’éducation des enfants est une responsabilité qui peut être partagée avec d’autres personnes, notamment avec des gens qui ne vivent pas avec des enfants. Dans cette société, cette forme de parentalité est révolutionnaire car elle se pose en opposition à l’idée que les parents, et en particulier les mères, devraient être les seules personnes à prendre soin des enfants.

Beaucoup de personnes dans les communautés noires ont fait l’expérience de ce type d’éducation des enfants par la communauté. »

La féministe avance également une idée forte et très pertinente : les hommes ne s’occupant pas assez des enfants – parents ou non – donnent aux enfants l’impression que l’éducation doit être une préoccupation uniquement féminine. Et le même schéma se reproduit encore et encore…

« Dans la mesure où de plus en plus de femmes hétérosexuelles et lesbiennes font le choix d’élever des enfants sans liens forts avec des parents hommes, il est plus que jamais nécessaire de recourir à une parentalité communautaire qui permettrait aux enfants d’être en contact avec des hommes qui prennent soin d’elles et d’eux, afin qu’elles et ils n’arrivent pas à l’âge adulte en pensant que les femmes sont les seules à s’occuper, ou à devoir s’occuper, des enfants. Il n’est pas nécessaire que ces personnes impliquées dans l’éducation des enfants soient des parents. »

bell hooks parle dans cet extrait d’un choix des femmes de ne pas avoir de liens avec des hommes, mais c’est aussi une situations subie par beaucoup de mères.

Dans les crèches et dans les écoles, les personnes s’occupant des enfants, leur prodiguant un enseignement, sont très majoritairement des femmes et il serait bien que cela change ! Mais étant des métiers « féminins », ces emplois sont très peu considérés et rémunérés alors que leur importance est fondamentale.

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bell hooks en 2014. © Wikimédia Commons

Égalité dans la parentalité

L’expérience biologique de la grossesse et de l’accouchement ne devrait pas induire l’idée que la mère a forcément un lien plus fort avec l’enfant. Ce n’est pas le cas !

« Les hommes sont conditionnés à fuir la responsabilité de l’éducation des enfants, et cette fuite est cautionnée par les femmes qui pensent que la maternité est une sphère de pouvoir dans laquelle elles perdraient du terrain si les hommes partageaient équitablement les tâches parentales. Beaucoup de ces femmes ne souhaitent pas partager équitablement la parentalité avec les hommes. Dans les cercles féministes, on oublie souvent que la majorité des femmes aux États-Unis pensent toujours que les hommes ne peuvent pas être de bons parents et qu’ils ne devraient même pas essayer de s’occuper des enfants.

Tant que ces ces femmes ne comprendront pas que les hommes doivent et peuvent assumer un rôle de parent principal, elles n’attendront pas des hommes partageant leurs vies qu’ils prennent équitablement en charge les tâches parentales. Même quand elles y parviennent, il est peu probable que les hommes répondent avec enthousiasme. Les gens doivent comprendre l’impact négatif que la non-participation masculine aux tâches parentales a sur les relations familiales et le développement de l’enfant. »

La déconstruction du mythe de l’instinct maternel est un travail de longue haleine et bell hooks y a contribué.

Pour elle, certaines femmes font fausse route, en souhaitant garder pour elles le pré carré de la parentalité. Tout le monde doit s’y mettre, pour le bien des enfants notamment.

Actuellement, ce ne sont pas les réclamations des femmes qui manquent en ce sens mais il y a encore du boulot pour que cela se répercute dans les comportements des hommes !

Une célébration de la maternité

Les odes de bell hooks à la maternité essaiment ses livres et entretiens et cela fait beaucoup de bien d’avoir cette vision positive de la famille.

« La parentalité des femmes est un acte important et estimable qui doit être reconnu comme tel par tout le monde dans une société dans cette société, y compris par les militantes féministes.

C’est un acte qui devrait obtenir la reconnaissance, l’éloge et la célébration qu’il mérite, dans un cadre féministe qui redoublerait d’efforts pour repenser la nature de la maternité, qui ne considérerait pas la maternité comme une expérience oppressive qui relève de l’exploitation, et qui tenterait de faire de la parentalité des femmes une parentalité efficace, juste et saine, qu’elle soit menée exclusivement par des femmes ou en partenariat avec des hommes. »

Une citation magnifique ! La maternité est de plus en plus intégrée aux réflexions féministes. Évidemment, il est nécessaire de ne pas dissimuler son aspect oppressif pour beaucoup de femmes – et les difficultés rencontrées – mais il est aussi important de la prendre en compte dans toute sa complexité, de la questionner et de la célébrer ! bell hooks a sans doute été entendue.

Une vision passionnante donc qui remet en perspective les combats féministes et leur lien à la maternité, et indique plus que jamais une nécessité du féminisme intersectionnel !

À lire aussi : « Faire famille sans homme, c’est politique » : rencontre avec Matergouinité

Image en une : couverture du livre De la marge au centre, éditions Cambourakis


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