Men, Women & Children s’ouvre sur une vue du cosmos dans lequel fonce depuis 1977 la sonde Voyager 1, chargée de symboles représentant l’humanité. En 1990, elle a immortalisé notre système solaire selon un angle inédit, et sur ce cliché devenu culte, la Terre n’est qu’un « point bleu pâle » perdu dans l’immensité de l’univers.
Tant de drames, tant d’action, tant d’humains sur ce point bleu pâle… voilà le point de départ du nouveau film de Jason Reitman (Juno), en salles le 10 décembre.
Un casting choral pour des histoires qui s’entrecroisent
Men, Women & Children se déroule au Texas et s’appuie sur de nombreux personnages, tous regroupés via des liens familiaux ou amicaux :
- Tim Mooney (Ansel Elgort) vit seul avec son père Kent (Dean Norris, alias Hank dans Breaking Bad) car sa mère s’est récemment barrée sans scrupules pour vivre avec son amant en Californie. Depuis que son fils a décidé de quitter l’équipe de football du lycée, Kent a du mal à communiquer avec lui, ayant perdu leur seul « langage commun ». De son côté, Tim sombre peu à peu dans l’hébétude et a du mal à trouver un sens à la vie, mis à part dans le MMORPG sur lequel il passe des heures, Guild Wars.
- Brandy Beltmeyer (Kaitlyn Dever), elle aussi lycéenne, vit avec ses parents. Sa mère, Patricia (Jennifer Garner), persuadée que tout ce qui se trouve sur Internet est mauvais, la surveille en permanence, vérifie tous ses réseaux sociaux chaque soir et la traque grâce au GPS de son smartphone. Pourtant, Brandy ne fait rien de bien rock’n’roll ; lorsqu’elle rencontre Tim, elle se reconnaît dans son calme et sa tranquillité, et une amitié teintée de flirt se développe entre les deux adolescents.
- Don et Helen Truby (Adam Sandler et Rosemarie DeWitt) vivent avec leur fils lycéen, Chris (Travis Tope). Blasés par leur couple plan-plan, ils hésitent tous les deux à aller voir ailleurs si le bouli n’est pas plus rebondi, alors que Chris passe tant d’heures à regarder du porno toujours plus hardcore qu’il n’arrive plus à fantasmer de façon autonome.
- Hannah Clint (Olivia Crocicchia) vit avec sa mère célibataire, Donna (Judy Greer). Cheerleader obsédée par son apparence et sa popularité, la jeune fille organise des shootings avec sa mère, ancienne starlette d’Hollywood, dans l’espoir d’échapper à sa vie morne pour plonger dans la célébrité par n’importe quel moyen. Elle flirte avec Chris, qui joue dans l’équipe de football.
- Allison Doss (Elena Kampouris) est aussi cheerleader aux côtés d’Hannah. Complexée par son poids, elle a sombré dans l’anorexie, encouragée par ses amies qui la trouvent « superbe » et par des Tumblr « pro-ana ». Ses parents semblent inquiets, mais dépassés par la situation dont ils ne comprennent pas la gravité.
Une poignante solitude, comme l’œil du cyclone
Tous les personnages de Men, Women & Children communiquent énormément. Ils se parlent entre eux, échangent avec leurs parents, leurs professeurs, leurs ami•e•s, à la fois via les SMS et réseaux sociaux et « in real life ». Cependant, ils partagent tous un point commun déchirant : une solitude tenace, qui ne faiblit pas malgré les multiples moyens de communication qu’ils utilisent.
Chacun à sa façon, ils tentent de s’extraire de cette solitude, que ce soit en essayant de perdre leur virginité, en envisageant tromper leur conjoint•e, en trouvant un refuge dans un jeu vidéo ou en s’affichant sans limites sur le Web. Mais comme ils/elles sont tou•te•s enfermé•e•s dans leur ego, dans leur personnalité et leurs problèmes, ils luttent pour tendre la main aux autres… comme pour accepter les mains tendues.
Un parti-pris original dénué de toute diabolisation
J’avoue qu’en voyant la bande-annonce de Men, Women & Children, j’avais un peu peur de retrouver le poncif « oh lala, les gens ne communiquent pluuuus, ils passent leur vie sur leurs écrans », qui a tendance à me les briser quelque peu.
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J’ai été vite rassurée : avec ce film (d’ailleurs adapté du roman du même titre de Chad Kultgen), Jason Reitman parle des liens entre humains, et inclut donc les nouveaux moyens de communication puisque tout se déroule au XXIème siècle. Ils ne sont pas traités comme une chose bénéfique ou néfaste, mais comme un outil dont les utilisations sont multiples.
SMS, Tumblr, Facebook et autres MMORPG sont intégrés à l’image de façon intelligente, en arrière-plan des personnages ou au-dessus de leur tête, s’insérant dans leur vie comme le feraient des conversations « normales » ou des activités physiques. C’est un peu le même système que les textos dans la série Sherlock, mais étendu à tous les moyens de communication actuels.
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Patricia traque sa fille, représentée par un point bleu sur la carte qui s’affiche derrière elle.
En salles, les messages s’affichant à l’écran ont été traduits en français, ce qui est un peu déroutant au début quand on regarde le film en version originale, mais on s’y fait vite !
Couacs et autres bémols
Mon reproche principal à Men, Women & Children est son gros manque de diversité, que ce soit dans les morphologies ou dans les couleurs de peaux. Toutes les filles et femmes sont globalement super bien foutues, les hommes aussi correspondent aux canons de beauté (bon, Adam Sandler a pris un peu de bedaine, mais rien de bien foufou), et tous les personnages principaux sont blancs. La seule femme à dépasser le 40 (et encore, je compte large) est la mère d’Allison, la jeune anorexique, et elle n’a qu’une courte scène à l’écran.
Le Texas, où se déroule toute l’intrigue, compte 12% de Noir•e•s et 44% d’habitant•e•s d’origine hispanique ou latino-américaine. Il n’est donc pas très réaliste de voir un film choral comptant une douzaine d’héro•ïne•s et de nombreux personnages secondaires afficher une telle homogénéité. La série Friday Night Lights, qui se déroulait dans le même État, était bien plus diversifiée !
Le film compte également quelques longueurs et les allers-retours entre les différentes intrigues sont parfois un peu brutaux, mais globalement, rien de bien grave.
Men, Women & Children est une œuvre émouvante, simple et en cela intemporelle, même si son traitement des échanges virtuels rend sa forme résolument moderne. On y trouve des questions éternelles, fondatrices : la place de chacun•e dans le monde qui l’entoure, la solitude, le besoin profondément humain de créer et d’entretenir des liens sociaux… parfois contre vents et marées. Il sort ce 10 décembre 2014 au cinéma, et je vous le conseille !
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