Cette semaine, le nouveau podcast hebdomadaire Le seul avis qui compte, dans lequel Kalindi chronique sa mauvaise humeur ciné, parle du film Eiffel. L’article ci-dessous est une retranscription du podcast.
Dans la vie, il y a certaines vérités dont je n’arrive franchement pas à me remettre. Par exemple : le fait que Carlito soit le fils de Guy Carlier ou qu’Elsa Pataky soit sortie avec Michael Youn avant de se marier à Chris Hemsworth.
Et puis il y a certaines vérités dont je ne suis malheureusement même pas surprise qu’elles existent.
L’histoire derrière le film Eiffel, par exemple, ne me surprend pas le moins du monde et c’est bien dommage, car s’il y a bien un domaine dans lequel j’aimerais voir mon cynisme contrarié, c’est le cinéma…
La Tour Eiffel, une histoire subjective de désamour profond
Avant de râler sur le film, faut savoir déjà que moi, la Tour Eiffel, c’est pas un sujet qui me passionne, d’autant plus qu’en bonne parisienne je passe devant sans même la regarder.
Pour moi, la Tour Eiffel évoque deux supplices :
- Le premier, c’est quand à 8 ans ma mère m’a forcée à la monter à pieds alors que tout ce à quoi j’aspirais à l’époque c’était de manger des sacs de bonbons chez Gloups en lisant Tom-Tom et Nana.
- Le second c’est bien sûr Tinder, puisque 48% des hommes considèrent qu’il est séduisant de poster un selfie d’eux où on voit que leur front, avec la Tour Eiffel en fond.
Désolée pour ce pauvre Gustave, mais moi sa tour m’évoque une séance de sport non-consentie et des chauves à lunettes de soleil qui essaient de me ken.
Aussi, je peux pas dire que je sois une amatrice de la première heure des biopics. Disons même que je peux pas blairer ça.
Donc un biopic sur le gars qui a créé la Tour Eiffel, sur le papier c’est vraiment un pensum pour moi.
Eiffel, une plastique irréprochable
Mais comme il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis, je suis quand même allée voir Eiffel et ce pour deux raisons principales.
La première s’appelle Emma McKay, la seconde Romain Duris. Plaisir de voir ces deux comédiens dans ce qui ressemblait d’après la bande-annonce à une fresque épique sur l’ambition, sur l’amour, et sur l’ambition qui freine voire empêche l’amour.
Et la bande-annonce disait vrai ! Eiffel, c’est un récit flamboyant, qui oscille subtilement entre fiction et réalité grâce à une belle écriture et à la superbe réalisation de Martin Bourboulon.
Là-dessus, rien à redire : Eiffel, est un spectacle à la hauteur des 300 mètres de la Tour, dont les lumières et les effets-spéciaux entre autres ont coûté la modique somme de 26 millions d’euros.
Dommage qu’ils n’aient pas pensé à investir 4€ dans l’éthique — mais j’y reviendrai plus tard. Quoi qu’il en soit le résultat est là : à l’écran, c’est beau à couper le souffle.
Mais malheureusement, ça ne suffit pas.
Les dessous d’Eiffel : une sale affaire pour son autrice
Derrière ce projet splendide, il y a un cauchemar : celui de Caroline Bongrand, une écrivaine de 53 ans, qui se trouve être la scénariste du film.
Je vous la fais courte : Caroline a travaillé des années sur ce projet, en supportant qu’on essaie en permanence de l’évincer de l’affaire ! À commencer par Luc Besson, qui a sans aucune gêne aucune proposé à Caroline de carrément signer son histoire à elle de son nom à lui. Et seulement de son nom à lui.
Finalement c’est Martin Bourboulon qui s’est vu confier le projet — et qui est lui non plus pas le dernier des culottés puisqu’il a tenu à ce que l’autrice reste une femme de l’ombre en la tenant à l’écart de ce qui était, rappelons-le, son projet à elle.
Résultat, Caroline Bongrand n’a réussi qu’une fois à aller sur le tournage d’Eiffel, et lorsqu’elle s’est présentée à Romain Duris, il ne savait même pas qui elle était.
Premier point noir sur la face du long-métrage, dont j’aurais aimé que la morale soit à la hauteur de la plastique.
Et ça n’est malheureusement pas le seul.
L’écart d’âge problématique des acteurs d’Eiffel
L’autre problème majeur étant que le film choisit de donner dans le male gaze en formant à l’écran un couple composé d’un vieux beau (pardon Romain, je t’aime) et d’une jeune femme qui pourrait être sa fille.
Car Romain et Emma ont quelques 22 ans d’écart !
D’aucuns diront que l’acting, comme l’amour paraît-il, n’a pas d’âge, sauf qu’ici l’histoire vient toquer à la porte pour cause de foutage de gueule. Parce que dans la réalité, Gustave Eiffel et Adrienne Bourgès n’avaient que 12 ans d’écart !
Cette différence notable est donc symptomatique d’une société malade qui veut qu’une femme — et dans ce cas-là une actrice — passée 30 ans est bonne à jeter à la poubelle, et qu’on continue de filer des rôles de trentenaires voire de quarantenaires à des femmes qui femmes qui ont 20 ans.
Je vous invite à écouter le dernier numéro du podcast Affichées, qui parle justement d’âgisme au cinéma avec deux actrices : Catherine Pifareti et Marina Tomé.
Eiffel cumule donc non pas un, mais deux poncifs misogynes. Parce que finalement, pourquoi choisir ?
Que les machos se rassurent, le sexisme a encore de belles heures devant lui !
Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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