Au sommet du Partenariat pour un Gouvernement ouvert, cette COP21 de la démocratie, j’ai fait des rencontres toutes plus intéressantes les unes que les autres. Et parmi elles, il y avait Mélina et Steven.
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Ils sont partis pour un grand tour de France un peu spécial pour « réconcilier le citoyen avec sa nature politique, et le politique avec sa nature citoyenne ». Je leur ai posé quelques questions pour en savoir plus sur cette aventure.
À 30 et 32 ans, Steven et Mélina se décrivent tous deux comme des citoyens engagés sur les plans à la fois personnels et professionnels.
Steven a par exemple travaillé cinq ans avec l’ONG Aide et Action, sur des questions d’éducation. Quant à Mélina, elle traverse une période de transition qui a fourni l’occasion de se lancer dans ce projet :
« Je suis urbaniste et je travaille sur des questions de mobilité, donc on est engagés pour essayer de réduire la pollution, développer le vélo. Dans notre quotidien on essaie de consommer en conscience, donc ça structure un peu notre vie.
Comme mon travail a fermé, on a voulu en profiter pour s’intéresser aux gens qui essaient de provoquer un renouveau démocratique. »
Pourtant la politique — et ne mentez pas derrière votre écran, je sais bien que vous cliquez moins sur LaPrimaire.org que sur la dernière licorne lumineuse (bon peut-être pas vous si vous êtes là, c’est bien, continuez) — ce n’est pas un sujet sexy. Mais pour Steven c’est un levier d’action essentiel.
« Pour atteindre le maximum de citoyens possible c’est un des moyens les plus efficaces, parce que les personnalités politiques sont en charge de « la cité ».
Donc c’est le moyen de faire bouger les choses en masse d’où notre intérêt pour la démocratie participative. »
« S’engager en partant en camion, c’est une belle expérience »
Ils se sont donc lancés dans un grand road-trip avec pour mot d’ordre principal la démocratie participative, comme l’explique Mélina.
« On cherche à rencontrer les personnes qui font ce lien entre politique et citoyens […] On est partis de Bretagne,dans un camion aménagé, ce qui nous permet d’être beaucoup plus flexibles. […]
On est partis des Nuits Debout parce que c’est au moment où elles émergeaient partout qu’on a pris la route. »
Durant ce parcours, le duo tient un blog sur lequel ils recensent les initiatives qu’ils rencontrent en chemin et qui compilera à terme les interviews vidéos des acteurs rencontrés au fil de leurs étapes.
Mélina raconte d’ailleurs les premiers arrêts qu’ils ont effectué et notamment Trémargat :
« C’est une petite commune où il y a un café et une épicerie qui ont été rachetés par la mairie. Il y a un ou deux salariés pour le café et tout le reste ce sont des volontaires qui chaque jour se relaient pour animer ces espaces.
On est arrivés le dimanche soir, c’était l’assemblée générale de l’association et on voyait qu’il y avait plein de monde, c’était chouette ! Alors que les villages alentour sont entrain de mourir avec des panneaux « À vendre » partout, les voisins viennent dans cette commune pour se nourrir, boire un café, etc. »
S’engager, c’est possible partout
L’intérêt de la démarche, c’est donc aussi de montrer qu’
il est possible de participer à ce grand mouvement à sa petite échelle ! C’est notamment ce que voulait Steven :
« Quand on s’est intéressés au sujet on a vu tout ce qui se développe depuis Paris avec notamment tout ce qui est Civitech — c’est-à-dire faire participer les citoyens à travers des plateformes numériques. »
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« On voulait aller hors des sentiers battus même si on a commencé par deux communes dont les médias avaient déjà parlé, avec Saillans après Trémargat.
C’est une petite ville où un groupe de citoyens s’est aperçu qu’il y avait un projet de supermarché dont il n’avaient pas été informés. […] Ils ont décidé de le faire capoter en mobilisant les citoyens.
Ils ont réussi leur coup et aux élections municipales suivantes ils ont présenté une liste de citoyens, et leur programme c’était :
« On n’a pas de programme, on vous propose une méthode : c’est vous qui allez le co-construire avec nous, une fois élus. On sera une équipe à la mairie et on va mettre en place d’autres instances du type Conseil des Sages et c’est vous qui allez construire avec nous la politique de la ville. »
C’est ici qu’on en arrive à la notion centrale de leur projet : les porteurs de liens, qui sont comme Mélina l’explique « les personnes qui travaillent sur comment changer le jeu politique et démocratique ».
« Il y a des outils qui se développent pour ça car on est quand même 60 millions c’est compliqué de donner la parole à tout le monde, et il y a des gens qui s’intéressent à ces sujets, des animateurs, facilitateurs. »
« Sourire dans la rue, c’est déjà s’engager ! »
Mais alors pour s’engager chacun à sa manière, concrètement, il faut faire comment ? Je mentionne l’enquête Que du bonheur qui indique qu’il y a 55% des jeunes qui souhaitent contribuer à la construction de la société de demain, sans savoir comment s’y prendre, et Mélina m’explique qu’elle a d’ailleurs participé à l’enquête :
« Nous à la base on voulait s’intéresser surtout à ces 55% qui veulent savoir comment faire. Il y a plusieurs degrés d’engagement, il faut faire un travail sur soi, comme lire une presse indépendante, agir dans son quotidien !
Par exemple réfléchir quand on achète un vêtement d’où il vient, comment il a été produit, pareil sur l’alimentation. Après il y a aussi l’engagement dans des associations où il existe toutes les thématiques. »
Steven renchérit en parlant d’un autre niveau d’engagement :
« Il y a ensuite l’engagement politique à proprement parler, dans des associations, des mouvements, des partis, des think-tanks… un think tank c’est une organisation qui se réunit pour penser à un programme politique et influer sur les décisions.
Et une de nos interrogations c’est pourquoi il n’y a pas un lobby citoyen dont le but est de redonner toute sa parole au citoyen motivé pour s’engager en politique ? Tout le monde peut participer à cette réflexion, même sur des forums comme sur madmoiZelle par exemple.
L’intérêt c’est qu’on frotte toutes nos idées les unes aux autres pour pouvoir avancer ! »
Concrètement, des initiatives essaiment partout
Et ils sont loin d’être à court d’idées à mettre en place ou à proposer dans votre environnement direct. Mélina raconte par exemple l’expérience intéressante à laquelle ils ont assisté dans une école :
« C’est une sorte de parlement de classe […]
C’était assez marrant de voir ce jeu démocratique se mettre en place : chacun peut faire des propositions sur tous les sujets, pour régler un problème qui a eu lieu à la récréation et sur lequel on se dit qu’il y a peut-être une règle à mettre en place, ou des projets d’exposés sur les araignées. […]
Ça sensibilise les enfants à la prise de parole, au fait qu’ils sont légitimes à avoir un avis, à faire des propositions. »
Pour Steven, c’est de « l’éducation par le faire » :
« Ça change tout parce que si on n’est pas intéressé, c’est souvent qu’on voit la politique uniquement comme les institutions […] et ça, pardon mais c’est chiant !
Et donc ça existe aussi en entreprise ! Il y a beaucoup de gens qui voient arriver les millenials, et la hiérarchie verticale ce n’est plus possible avec notre génération. Donc ça arrive souvent d’avoir des outils de démocratisation qui se mettent en place. […]
C’est comme ça qu’on arrive à l’impact et qu’on s’aperçoit qu’on se sent vachement mieux dans l’entreprise maintenant qu’on prend les décisions tous ensemble ! »
Avancer petit à petit
En décrivant comment les habitants de Saillans se sont mobilisés sur un travail quasi journalistique, Steven m’explique qu’il distingue trois niveaux d’action.
« Le premier c’est l’information, sensibiliser. Il faut mettre les informations à disposition du public.
Le deuxième c’est comment on crée une adhésion à l’engagement. Il faut proposer un espoir. Ce qui nous fait nous mobiliser et donner de notre temps c’est le fait d’avoir une espérance qu’il y a quelque chose de meilleur qui se construit. […]
Et puis le troisième c’est comment on donne plus de temps au citoyen pour pouvoir agir car aujourd’hui quand on va chercher ses enfants à l’école, on rentre on mange, on se douche on se couche… comment on peut s’engager ?
Ça passe par la diminution du temps de travail, le revenu de base, ça passe par des incitations fiscales à l’engagement citoyen… Le pouvoir politique a son mot à dire c’est pour ça qu’on veut le faire plier pour qu‘il permette au citoyen motivé de s’engager. »
Alors qu’ils s’apprêtaient à repartir pour l’Espagne où ils voyagent en ce moment, autant pour des raisons logistiques telles que la température plus clémente lorsqu’on vit en camion que pour y découvrir d’autre initiatives comme Podemos, Mélina tient à dire que ce tour de France a vraiment été l’occasion de se rendre compte que l’engagement est loin d’être au point mort :
« Partout où on est allés il y a un tissu associatif super dense. On ne le voit pas forcément en tant que touriste, lorsqu’on ne fait que passer, mais si on s’y intéresse on voit très vite que ça existe. »
Et finalement je laisse le mot de la fin à Steven parce que c’est vraiment ce qu’il faut retenir :
« Osez pousser la porte ! »
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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