On ne vous apprend rien : 2020 a piétiné la gueule du cinéma à coups de Dr. Martens.
Fermeture des salles, reports de dates de sorties, invisibilisation des petits films, capharnaüm chez les distribs : c’est la merde, guys.
Il est donc plus que jamais temps de rappeler que 2020 a quand même vu naître de petites splendeurs, parmi lesquelles les Bratz Boots bien sûr mais aussi et surtout quelques louis d’or filmiques.
Voilà donc notre sélection des meilleurs productions de l’année.
1917, de Sam Mendes
En 1917, en pleine Première Guerre mondiale, Schofield et Blake, deux caporaux britanniques, sont sur le point d’accomplir une mission suicide.
Ils doivent empêcher un massacre en prévenant d’autres soldats que les Allemands leur ont tendu un piège, et se lancent dans une course effrénée contre le temps et la mort. Course de laquelle ils pensent ne jamais revenir vivant.
S’ouvrent alors les heures les plus longues de leur vie, où chaque minute compte et peut s’avérer fatale.
1917, c’est un coup de baïonnette en plein bide dont il est difficile de sortir sans séquelles et le souffle tranquille.
Un film tourné comme un seul plan séquence, ce qui lui a en partie valu son statut de prouesse technique.
En réalité, il s’agit d’un faux plan séquence, puisqu’il est possible, à plusieurs moments, de déceler des coupes et des trucages.
Si la plupart des médias se sont surtout attardé sur ces chausses-trapes, ce qui a sollicité toute notre attention, c’est davantage la splendeur de la photographie.
On pense notamment à une séquence magnifique, dans une ville d’Ecoust en proie aux flammes, où le rouge et le noir s’embrassent pendant que les hommes s’entretuent.
1917, c’est plus qu’un film, c’est un spectacle à couper le souffle qui n’admet pas l’ennui. Aucune longueur dans cette fiction-réalité efficace où chaque minute, chaque seconde, peut faire basculer le récit dans l’horreur…
On l’a vu quatre fois au cinéma. C’est dire.
L’Adieu, de Lulu Wang
Quand Billi apprend que Nai Nai, sa grand-mère dont elle est très proche, est atteinte d’un cancer, elle quitte New York pour la Chine.
Elle y retrouve le reste de sa famille, pour profiter de leurs derniers moments avec Nai Nai.
Seulement, Nai Nai est loin de se douter que ce sont ses derniers instants avec toute sa famille, puisque selon une tradition familiale chinoise, ses proches ont décidé de ne pas lui avouer qu’elle est mourante.
Le mariage du cousin de Billi est le prétexte tout trouvé pour réunir tout le monde sans éveiller les soupçons de Nai Nai…
Dans la seule bande-annonce du film, vous pourrez lire la phrase « D’après un vrai mensonge ».
En effet, Lulu Wang s’est inspirée de sa propre vie pour tricoter l’intrigue de son film très remarqué et honoré de par le monde par une foultitude de prix, dont celui de Meilleure actrice dans un film musical ou une comédie pour Awkwafina.
Grâce à une réalisation sans fioritures ni effets de manche, Lulu Wang façonne des dialogues naturels dont les contretemps présentent de vrais ressorts comiques.
En somme, L’Adieu soulage les cœurs meurtris, et inscrit Lulu Wang au panthéon des réalisatrices qui font évoluer les codes du cinéma.
Hotel by the River, de Hong Sang-Soo
Un vieux poète, qui loge dans un hôtel au bord d’une rivière invite ses deux fils à l’y rejoindre, sentant qu’il est sur le point de mourir.
Lieu de retrouvailles familiales, l’hôtel est aussi celui d’un désespoir amoureux : une jeune femme trahie par l’homme avec qui elle vivait vient y trouver refuge et demande à une amie de la rejoindre…
Hotel by the River a marqué notre année cinéma par la poésie habituelle de Hong Sang Soo, le créateur merveilleux de dizaines de films sud-coréens dont les superbes Un jour avec, un jour sans
et In Another Country.
Entièrement filmé en noir et blanc, ce long-métrage emmené par Ki Joo-bong, Kim Min-Hee et Song Seon-mi est totalement passé inaperçu auprès du grand public, à tort, car il est sans doute l’une des fictions les plus délicates et exaltantes qu’on ait vues cette année.
Il est toujours temps de se rattraper bien sûr en le louant dès ce soir sur Canal+.
Mignonnes, de Maïmouna Doucouré
L’héroïne de Mignonnes a 11 ans, elle s’appelle Amy.
À la maison, sa vie est loin d’être rose : élevée dans la précarité par une mère très croyante, la préadolescente étouffe entre les murs de l’appartement décrépit où elle n’arrive pas à s’épanouir. Ajoutons à cela le fait que son père va épouser une seconde femme et la faire emménager dans le logement, brisant le cœur d’Amy et de sa mère…
La jeune fille cherche une échappatoire, et trouvera sa bouffée d’oxygène chez les Mignonnes, un groupe d’élèves populaires de son collège qui bossent des chorés de danse en vue d’un spectacle local.
Fascinée par ces filles qui incarnent aux yeux d’Amy une sensualité, une maturité aussi interdites qu’attirantes, l’héroïne s’embourbe dans une amitié mi-libératrice mi-toxique, et initie ses nouvelles copines à des danses bien trop suggestives pour leur jeune âge…
Le sujet complexe de l’hypersexualisation des filles à la préadolescence est au cœur du film ; les dégâts que peut causer l’appropriation de codes sexuels par des enfants qui n’ont pas une éducation suffisante pour prendre la mesure de leurs actions ne sont pas passés sous silence.
Mignonnes est un film féministe sans être donneur de leçons. Il applique l’adage « show, don’t tell » (« montrer plutôt que raconter »), très précieux lorsqu’il s’agit de tisser une histoire.
Au cœur d’une polémique aux États-Unis, le film a joui d’une mauvaise publicité et il nous tient à cœur de corriger le tire à notre petite échelle.
Mignonnes est un film important, non seulement dans son message préventif mais également dans sa réception. Il rappelle qu’il est primordial de voir un film avant de le juger.
À bon entendeur !
Monos, de Alejandro Landes
Au sommet des montagnes colombiennes, une bande d’adolescents vivant en autarcie, coupés du monde, participent à ce qui semble la meilleure colonie de vacances.
Au détail près qu’ils sont armés jusqu’aux dents.
Enfants soldats, ils ont pour mission de veiller sur leur otage, « la Doctora », une américaine séquestrée dans leur camp.
Monos dépeint avec cruauté une adolescence livrée à elle-même, libre, et prisonnière à la fois. La Nature occupe presque la place de personnage principal, offrant des paysages colombiens époustouflants qui ne méritent pas moins qu’un écran géant pour les admirer.
Inédit, animal, le film d’Alejandro Landes révèle d’incroyables jeunes acteurs, repérés en casting sauvage.
C’est sans doute aucun que votre cœur battra au rythme de Monos, qui suit ces adolescents sans foi ni loi dans une nature impitoyable mais puissamment réelle.
L’une des merveilles insoupçonnées de 2020.
Évidemment, on aimerait citer encore mille films, mais la dure loi des sélections nous oblige à un peu de concision. On pense toutefois avec émotion à Drunk, Waves, Relic, Deux, Dark Waters, The Devil All The Time, Petite Fille, Filles de joie ou encore Jumbo, qui auraient tous mérité un petit bout de cet article.
Une tendre pensée pour eux.
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