Le 17 novembre 2020
Le genre de l’horreur explore les pires recoins de l’humanité : ses plus sinistres manies, ses plus affreuses lubies, ses plus infects désirs…
Art cathartique ? Art malsain ? Les partisans des deux écoles s’affrontent depuis les débuts du genre. Ce qui est certain c’est que les films d’horreur, si tant est qu’ils ont joui d’un peu de publicité, connaissent généralement un beau succès. Succès qui sait souvent s’inscrire dans le temps.
Il n’y a qu’à voir L’Exorciste qui, près de 50 ans après sa sortie, continue de faire glapir les foules lors de rediffusions au cinéma ou à la télévision ! Plus récemment, on note les audiences extraordinaires des volets de la saga Conjuring, ou celles également conséquentes de Paranormal Activity.
Si Conjuring est un film à gros budget, certaines autres productions, bien plus modestes, savent également s’attirer les faveurs du public…
Megan is Missing, qu’est-ce que c’est ?
Megan is Missing est une création de l’Américain Michael Goi, qui suit deux adolescentes que tout oppose. Megan est l’une des filles les plus populaires de son lycée, alors qu’Amy est plutôt discrète et ne suscite guère l’attention de ses camarades. Elle est toutefois souvent moquée pour sa virginité et sa timidité (ça nous manque pas le lycée bordel).
Si les amis de Megan passent leur temps à dénigrer Amy, Megan n’en a cure. Envers et contre tout, elle la défend, et fait en sorte que sa meilleure amie soit aussi invitée aux soirées.
Un soir, après que Megan et Amy ont été au cinéma, Megan est enlevée par un certain Josh, avec qui elle discute depuis quelques jours sur Internet. Deux semaines plus tard, c’est Amy qui disparaît.
Sa caméra est retrouvée quelques temps après dans une poubelle, et ce qu’elle contient est absolument abject…
Le succès des found footages
Le found footage, c’est ce concept consistant à vous faire croire que le film que vous visionnez est en fait une bande vidéo qui a été trouvée. Il capture généralement la fin de vie des propriétaires de la caméra.
Le genre naît dans les années 1970-80 avec notamment Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato, avant de se populariser dans les années 2000 avec Le Projet Blair Witch de Eduardo Sánchez et REC, le film espagnol de Jaume Balagueró et Paco Plaza.
Le found footage a eu le vent en poupe pendant une bonne dizaine d’années, et il n’y a rien d’étonnant à cela ! En effet, il est intéressant du point de vue du spectateur, qui a l’impression de vivre l’intrigue au plus près des personnages, d’être quasiment avec eux. En plus, l’aspect « fausse véracité » peut brouiller les pistes cérébrales, et accroître la sensation de flippe.
Il est aussi et souvent un projet rentable du côté des fabricants, auxquels le film coûte généralement peu cher.
Ainsi, pendant des années, on a soupé matin, midi et soir des found footages, jusqu’à écœurement. Tant et si bien qu’il nous est manifestement arrivé d’en rater certains, nous qui sommes pourtant très au fait de toutes les sorties estampillées « horreur », considérant ce genre comme un vivier sous-estimé de merveilles.
Nous sommes donc passé à côté du controversé Megan is Missing, une fiction à petit budget sortie en 2011. Neuf ans après avoir été interdit en Nouvelle-Zélande, ce film fait aujourd’hui fureur sur la Toile, après que plein d’adolescents en ont parlé sur TikTok.
Megan is Missing, un TRÈS mauvais film d’horreur
On en a vu, des mauvais films. On doit même avouer qu’on trouve un certain plaisir à les regarder.
Mais Megan is Missing
ne fait pas partie de ces doux nanars qu’il fait bon voir en se moquant d’un doigt encore humide de crème glacée : Megan is Missing appartient à la catégorie des mauvais films devant lesquels on est mal à l’aise.
D’abord parce que bordel… c’est mal joué ! À l’exception de Rachel Quinn qui campe Megan, tout le casting est effroyable.
Cette fiction semble avoir été tournée, montée et jouée par des étudiants fauchés. Rien ne va, de la qualité de l’image (qui à l’extrême rigueur pourrait participer au charme du produit entier) à la mise en scène, passablement ridicule. Dès les premières minutes, la qualité du film fait grincer des dents.
Qu’à cela ne tienne, on n’est pas snob au point d’arrêter un film juste parce qu’il est laid. Une fois qu’on s’est habituée à l’idée de froncer les paupières pour parvenir à déceler des images, c’est autre chose qui gêne dans Megan is Missing…
Megan is Missing et son traitement des violences sexuelles
Lors de sa sortie, Megan is Missing (dont l’intrigue est fictive) a été interdit en Nouvelle-Zélande. L’Office of Film and Literature Classification, une organisation chargée de l’évaluation de la censure et de la classification des films, jeux vidéo et publications en Australie, a expliqué dans un communiqué de presse cité le 15 novembre par le magazine Entertainment Weekly :
« Le film dépeint des violences sexuelles sur mineures à un degré tel, et d’une telle manière, que le mettre à disposition serait préjudiciable pour le bien du public. »
En effet, le vrai problème du film tient dans son sujet, et pire encore dans le traitement de celui-ci.
Dès le début, Megan is Missing filme des ados, dont Megan et Amy, à une fête. Les garçons y sont les rois, les filles des objets ; lorsque celles-ci ne peuvent pas payer les 10€ de rigueur pour la teuf, l’un des gars leur balance :
« Ici, tout le monde paye. Tu n’auras qu’à me tailler une pipe tout à l’heure. »
Et ça n’est que le début.
Ensuite, les filles sont harcelées sexuellement, humiliées, et réifiées. L’une d’entre elles se prend même un coup en plein visage alors qu’elle vient de repousser un type qui se frottait contre sa jambe.
Vous l’aurez compris, l’horreur ici ne revêt pas la forme d’un montre à écailles, mais bien une simple apparence humaine. L’horreur ici, ce sont les hommes.
Et on a aucun souci avec ça ! Si le film prenait partie contre ces violeurs et harceleurs en puissance, on aurait trouvé le film intéressant.
Ce qui gêne, dans Megan is Missing, c’est que la caméra se contente de se la jouer voyeuriste sans apporter d’explication à son projet. Le film ressemble donc à un projet amateur créé par un pervers avide de mettre des images sur ses fantasmes tordus.
Et plus la fiction déroule son intrigue, plus elle verse dans l’abominable spectacle de la torture sexuelle, dans le torture porn (très mal fait par ailleurs). Un choix de mise en scène qui n’est jamais critiqué, que ce soit par la morale du film ou par un autre procédé scénaristique…
Nous tenons à le répéter : ce sont des scènes de torture. Fictive, certes, mais bel et bien des scènes de torture. De viol, de maltraitance physique et psychologique. Les mots ne sont pas exagérés.
Megan is Missing devient viral sur TikTok
Alors que ce tout petit film était tombé dans les méandres de l’oubli, il renaît désormais grâce — ou à cause de — TikTok. En effet, ces derniers jours, plusieurs utilisateurs de la plateforme se sont filmé en train de réagir à un film selon eux « traumatisant ».
Twitter s’y met également, puisque quelques 55 000 tweets ont récemment été consacrés au film d’horreur.
« J’ai vu “Megan is Missing” quand j’étais vraiment jeune et je voulais juste dire… C’ÉTAIT PUTAIN DE TRAUMATISANT, PENDANT DES ANNÉES JE NE VOULAIS PAS QUITTER MA MAISON ET J’AVAIS PEUR DE LAISSER SORTIR MON PETIT FRÈRE ET MA PETITE SŒUR »
« “Megan is Missing”, bordel… j’ai fini hébétée, à fixer mon mur en ayant envie de supprimer tous mes comptes sur les réseaux et de ne plus jamais y revenir »
De notre côté, on ne qualifierait pas Megan is Missing de terrifiant ni de traumatisant, mais de maladroit et mal traité.
L’hyper-sexualisation de personnages censés avoir 14 ans peut-être considérée comme une volonté du réalisateur à mettre en garde son public contre la violence des hommes, même très jeunes, et contre les pédocriminels. Elle peut aussi être considérée comme un délire pervers.
À l’heure où on vous parle, le hashtag #MeganIsMissing a en tout cas atteint les 70 millions de vues et ne compte pas s’arrêter là puisque tous les médias américains le décrypte,t.
Le réalisateur, Michael Goi, a publié une vidéo sur son compte TikTok pour s’excuser auprès de tous ceux qui ont été traumatisé par le récent visionnage de son film.
Il précise que selon lui, il vaut mieux « ne pas regarder Megan is Missing au beau milieu de la nuit ». Il précise également :
« Si vous voyez les mots “Photo n°1” apparaitre sur votre écran, vous avez environ quatre secondes pour éteindre le film, si vous êtes déjà un peu en panique, avant de commencer à voir des choses que vous n’avez peut-être pas envie de voir. »
Trop tard : pour beaucoup d’utilisateurs TikTok, le mal est déjà fait !
En clair : on trouve ce film mauvais, problématique et dangereux, mais il a en tout cas pour mérite de relancer le débat sur ce qui est ou non montrable à un public.
Ce qui est certain, c’est que son réalisateur n’aurait jamais pensé voir sa notoriété (salement ?) éclater si longtemps après avoir façonné le plutôt problématique et sincèrement très mauvais Megan is Missing…
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Les Commentaires
Alors aux hommes qui commettent ce genre d'horreurs ? Ah, à part un message d'impunité, je ne vois pas. Aux parents et aux adultes peut-être ? Surveillez vos filles, elles sont constamment en danger.
Je ne commente pas les qualités du film car ce n'est pas le sujet de mon commentaire, ni sur le fait de filmer des horreurs commises par des êtres humains, c'est le propre d'une partie du cinéma d'horreur, mais plutôt sur le message que ce film contiendrait. Cela dit, même si je repense encore à cette scène finale qui pour moi est le comble de l'horreur, mon souvenir est vague donc je manque peut-être quelque chose.