« Je suis venu vous parler de la chose la plus importante pour tous : l’espoir ». C’est sur ces mots que François Bayrou a lancé son meeting, ce dimanche 25 mars au Zénith de Paris.
Mais avant de passer au résumé de mon après-midi Orange, un petit fact-checking de rigueur : le Zénith, j’y étais dimanche pour François Bayrou, mais j’y étais aussi samedi soir pour Bénabar. Après le meeting, je me suis approchée du personnel pour connaître la capacité de la salle. Coup de pot, je tombe effectivement sur un employé du Zénith. Verdict : pour Bénabar, il y avait 6 300 personnes (c’est facile à compter grâce aux billets d’entrée). Pour François Bayrou, une partie de la fosse était colonisée par une boîte à journalistes, des gradins étaient occupés par les caméras et les projos, donc on tournerait plus aux alentours de 5500 personnes – au maximum, 6 000 personnes dans la salle.
Venons-en au déroulement du meeting. Contrairement à Villepinte où les membres de l’équipe UMP se sont succédés à la tribune, au MoDem, tout le monde est présent sur scène et le micro passe rapidement de l’un à l’autre. A part Jean Lasalle, Philippe Douste Blazy et Marielle de Sarnez, les autres sont relativement peu ou pas connus, preuve que l’on n’a pas besoin de stars internationales (assujetties à l’ISF) pour cautionner un projet présidentiel. Suggestion de slogan pour le MoDem : « On n’a pas de stars, mais on a des idées ! »
Ces “chauffeurs de salle” adressent la foule en deux phrases maximum pour expliquer leur engagement pro-Bayrou. Davantage qu’acquise, la salle est conquise à l’Orange ; chaque prise de parole suscite un tonnerre d’applaudissements plus assourdissant que le précédent. Lorsque le maître de cérémonie annonce Douste-Blazy, il ne le nomme pas, mais il annonce « En effet ! », le fameux « Enéfê » des Guignols de l’Info. Et Philippe Douste-Blazy, en prenant la parole, joue effectivement sur sa marionnette des Guignols à plein régime : « Enéfê nous allons gagner ! ». La foule est en délire.
Délire que François Bayrou calmera violemment dès ses premières phrases, en parlant de la mort de son père, de son enfance difficile, de la retraite misérable que sa mère a eue avant de mourir (elle aussi). AMBIANCE !
Bon ne soyons pas de mauvaise foi : François Bayrou cherche à ré-humaniser le débat politique. Il veut qu’on arrête de parler de chiffres et de dossiers, de réformes et de débats comme s’il s’agissait de concepts immatériels. Derrière ces concepts, il y a des hommes et des femmes, des individus, des histoires, parfois des souffrances.
Aujourd’hui, le candidat du MoDem est venu nous parler d’espoir, et son discours a oscillé entre le drame de notre situation actuelle et l’espoir qu’il entretient et nous insuffle pour l’avenir. Son discours a duré un peu moins de deux heures, ce qui est très long pour un discours (à titre de comparaison : une heure pour Nicolas Sarkozy à Villepinte, 20 minutes pour Mélenchon à la Bastille).
Ce discours, je n’en ai pas perdu une miette, mon carnet à la main. Je notais avec une frénésie telle que j’ai cru qu’à tout moment, ma voisine allait me tapoter sur l’épaule pour me dire qu’il n’y aurait pas d’interro à la sortie du meeting, que je pouvais me détendre. Je vous livre mes impressions : je suis sceptique.
Je suis sceptique parce que j’ai relevé plusieurs contradictions dans le discours ; si des pro-Bayrou passent dans les parages et veulent répondre dans les commentaires, je les lirai avec beaucoup d’attention.
François Bayrou nous explique en début de discours que la bonne nouvelle de la crise que nous traversons est qu’elle n’a pas de causes étrangères ou extérieures, contrairement à ce que nous disent les autres candidats. Les causes de la crise sont exclusivement franco-françaises, la crise est la conséquence de mauvaises décisions ou l’absence de décision. En conséquence, nous pouvons tout à fait renverser la vapeur en prenant les bonnes décisions pour notamment enrayer la dette. Il est vrai que François Bayrou avait déjà soulevé ce problème, dès 2007. Il faut reconnaître qu’il n’a pas été écouté.
Or pendant son discours, lorsqu’il énumère thème par thème les points d’action et les mesures qu’il promet de prendre, il faut attendre le thème de l’Europe pour l’entendre affirmer qu’il faudra adopter au niveau européen l’obligation d’équilibre des comptes publics, faire inscrire dans les constitutions la “règle d’or”, le tout dans une discipline collective de gestion des comptes et des finances publiques. Donc les solutions à la crise ne viennent pas tout à fait de nous, mais un peu des 27 pays de l’Union Européenne ?
Ce type de contradiction – ou plutôt d’annonces que je perçois comme contradictoires – se retrouve en plusieurs points de son discours et me laisse perplexe (liste non exhaustive) :
– La volonté de plafonner l’imposition sur le revenu à 50% (au lieu des 85% prônés par le Parti Socialiste) et ce au motif de promouvoir les grandes réussites en France, de ne pas brider l’équivalent du “rêve américain”, ce modèle du self-made man où tout un chacun peut, à son initiative et à son mérite, devenir une fortune de demain. Une position qu’il illustre en disant ne pas vouloir qu’on écrive “Interdit de réussir” sur la porte de la maison France. Ok, mais quelques minutes plus tard, il promet de « mettre un terme aux écarts entre les plus hauts et les plus bas salaires de l’entreprise ».
Pourquoi les millions amassés par un chef d’entreprise seraient plus scandaleux que ceux amassés par un chanteur ou un footballeur ? Le chanteur vend des disques, il vend un produit, son argent ne tombe pas du ciel ; le chef d’entreprise fait travailler des milliers de personnes, ses décisions engagent le job de tous ses salariés, sa rémunération peut se comprendre… Mais le spéculateur ? Le footballeur ? Voilà, je reste sur ma faim.
– Il annonce un gouvernement restreint, “moins de vingt ministres”, mais annonce également la création d’un ministère de l’Egalité – ce dont je me réjouis à titre personnel, mais n’est-ce pas là l’exemple typique du ministère “symbolique” dont un gouvernement peut se passer ? D’autant que les lois qu’ils annoncent sur l’égalité homme/femme existent déjà (parité, égalité des salaires) elles ne sont pas ou mal appliquées, mais elles existent.
– Il dit vouloir faire des économies sur le fonctionnement de l’Etat, réduire le nombre de députés à 400, mais en parallèle, une loi viendrait modifier le scrutin des élections législatives pour garantir une meilleure représentativité des minorités : dès 5% des voix, elles seraient représentées.
– Il invoque Toulouse, parle d’unité nationale, de refus des sectarisme, de laïcité, mais lorsqu’il aborde la question de la diversité, il défend les langues et cultures régionales et le statut particulier de l’Alsace Moselle, où le Concordat s’applique toujours, en dépit du principe de laïcité (loi de 1905).
– Il fait du “produire en France” un pilier de son programme, alors qu’il est le candidat le plus européen. Il invoque les réformes budgétaires qu’il faut entreprendre au niveau européen, mais lorsqu’il s’agit de la sauvegarde des emplois et du niveau de vie, la solution passerait prioritairement par la production sur le territoire français ?
Toute une partie du discours a été consacrée à l’école, allant dans le détail jusqu’à mentionner le nombre maximal d’heures de cours dans une semaine de collégien (28 !), le retour de l’enseignement de l’Histoire en Terminale S et l’accent qui doit être mis sur la chronologie dans tous les cours d’Histoire.
En résumé…
Beaucoup de “bon sens” dans ce discours, de mesures qui devraient (devront !) figurer à l’agenda des ministres respectifs du futur gouvernement – peu importe sa couleur.
Je m’étonne d’entendre de la part de ce candidat qui refuse les alliances électorales, un discours qui présente un véritable programme de ministère (Education Nationale, Affaires Européennes, Ruralité), qu’il aurait peut être pu promouvoir, du moins en partie, s’il avait lié avec les partis de gouvernement les alliances nécessaires pour jouir d’une représentativité parlementaire suffisante ; suffisante pour peser en commission ou pour entrer au gouvernement, par exemple.
Entre Droite et Gauche, entre France et Europe, entre idéalisme et pragmatisme, François Bayrou veut tracer une voie médiane de lucidité, de justice, de vérité, sans diviser, sans heurter. Il veut rassembler au delà des différences, il préfère la conciliation au compromis.
Mais le compromis n’est-il pas le seul lien possible entre idéalisme et pragmatisme ? Ne sont-ils pas, par nature, irréconciliables ?
Je laisse à chacun/e le soin de se faire une opinion en lisant le discours de François Bayrou sur son site de campagne, bayrou.fr
… Mince, avec tout ça j’ai raté le meeting de Nicolas Dupont-Aignan à la salle Equinoxe, à Paris.
Zut.
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Les Commentaires
Awwwww.... <3
isco: isco: isco: YOU ROCK ('fin...YOU DISCOO) isco: isco: isco:
[MESSAGE A LA REDAC] Non mais faut pas me laisser en liberté avec un open bar de smileys, J'suis OBLIGEE d'abuser ! Smiley-addict quoi !