J’ai lu que plus de 40% des électeurs n’étaient pas sûrs de leur choix. Pourtant, selon certains commentateurs – et la plupart des sondages – c’est déjà plié. Alors j’ai décidé d’aller voir sur le terrain, loin des plateaux télé, ce qui a convaincu les uns ou continu de faire douter les autres…
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Le meeting de Villepinte « Tu verras, c’est comme un concert ! »
En cette fin de matinée, le RER B est clairsemé de voyageurs en transit vers Charles de Gaulle, lestés de leurs valises. Les sans-bagages se partagent entre banlieusards et spectateurs, groupies ou simples amateurs. Le flot compact de ces derniers se déverse à travers le Parc des Expositions, direction la halle 6.
Ce matin, j’assiste au meeting de Villepinte. Mon premier meeting politique.
Question “concerts”, je n’ai pas de groupe favori. J’aime toutes les musiques, plusieurs bandes très différentes, qu’il me plait d’écouter au gré de mes humeurs. Ce dimanche, l’UMP était à l’affiche, partout, sur toutes les affiches, dans tous les médias. Alors pourquoi pas ?
Comme lors d’un giga concert, la foule est dense et les fans de la première heure ont fait des efforts sur le look, arborant T-shirts et accessoires à l’effigie ou aux couleurs du candidat. La salle est immense, en forme de bénitier gigantesque, une scène blanche est posée en son creux comme une perle de nacre au fond du coquillage. Une marée humaine remue, s’impatiente.
Comme dans un concert, le son était beaucoup trop fort à mon goût, j’ai dû sortir les boules quiès. La première partie m’a parue interminable. Les artistes se sont succédés à la tribune, en attendant la star. Les journalistes, perchés sur leur podium, trépignaient d’impatience en vérifiant le cadrage de leurs caméras, ajustant leur maquillage, brossant leurs notes.
Puis, le set s’est animé, la musique d’entrée a enflammé la salle, la foule a rugi d’excitation. Plusieurs dizaines de milliers de personnes partageant la même émotion, l’exprimant simultanément avec une telle ardeur, c’est irrésistible et la vague vous submerge. Je me suis laissée entraîner par leur rythme oubliant que j’étais venue là par hasard et par curiosité.
Et le show a commencé. Comme dans les concerts, les fans de la première heure connaissaient la chanson. Dès que la star entame un refrain connu, les premiers rang lancent les applaudissements, scandent les bis et les slogans. Les “Nicolas Président !” faisaient écho aux “On va gagner !” jusqu’à l’euphorie collective.
Dans les tribunes, loin des premiers rangs, j’ai écouté attentivement le discours du candidat Sarkozy. J’ai pu enfin l’entendre en direct, sans intermédiaire, sans commentateurs susceptibles d’influencer mon analyse, sans critiques risquant d’orienter mon jugement.
J’ai été surprise d’entendre le Président sortant prononcer un discours de candidat, se prévalant si peu de son bilan sans pour autant présenter de véritable programme, de projet de société, consacrant la majeure partie de son discours à “l’Europe”.
Je n’ai pas été surprise d’entendre le candidat prononcer de virulentes critiques à l’égard de son principal adversaire et plus précisément de la volonté de celui-ci de renégocier les conditions du MES (Mécanisme Européen de Stabilité) avant de ratifier le futur traité découlant de cet accord.
J’ai été d’autant plus surprise de l’entendre annoncer lui-même vouloir modifier les accords de Schengen ; que si la négociation ne lui obtenait pas de résultats satisfaisants, il appliquerait unilatéralement ses décisions. Ce mot « unilatéralement » prononcé plusieurs fois est sans commune mesure avec la volonté de « renégocier » prônée par le candidat socialiste, que le Président venait pourtant d’accabler quelques minutes auparavant !
J’ai été surprise d’entendre le candidat commencer plusieurs de ses phrases par « j’ai appris » ou « j’ai compris » à propos de son quinquennat, plutôt que de préférer « j’ai fait », « j’ai accompli ». Comme si ces 5 dernières années avaient été une période d’essai, un coup « pour du beurre ».
Je ne suis pas sortie séduite par ces ritournelles aux allures de déjà vu, déjà entendu. Je n’achèterai sans doute pas l’album. C’est pas ma came. Pour autant, je ne regrette pas d’y être allée. J’ai pu me forger ma propre opinion, sans intermédiaire. J’ai assisté à un grand spectacle. J’ai partagé une Marseillaise avec 40 000 personnes*. Rien que pour ça, l’expérience valait le déplacement.
C’était mon premier meeting politique. Comme lors de mon dernier concert, j’en suis sortie un peu ivre, épuisée émotionnellement, avec une pointe de frustration : c’est déjà fini. A quand le prochain ?
*estimation LOL WTF, je ne suis ni la police ni les organisateurs !
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Les Commentaires
mêmes émotions, même mise en scène.
comme quoi entre la gauche et la droite finalement il y a des points communs.
merci pour cet article qui retransmet parfaitement ce que l'on ressent. en particulier comme on est pris dans l'ambiance, sans pour autant sortir embrigadé.