Liam Engle est une belle personne. Forcément. Parce qu’il est le réalisateur de MECS MEUFS, un court-métrage de fiction dans lequel Bob, un homme moyen qui se désole que « les femmes ne draguent pas »… se retrouve propulsé dans une autre dimension, où les rôles sont inversés.
« On est traités comme du bétail »
Dans cette réalité pas très gaie, ce sont les hommes qui ne « draguent » pas. Et pour cause, ce n’est pas tous les jours drôle d’être un homme, surtout quand, comme Liam, un ami de Bob le déplore, « on est traités comme du bétail »…
En une dizaine de minutes, c’est tout un prisme de la « drague » qui se déroule sous nos mirettes, jusqu’au moment où Bob se rend compte que ce n’est absolument pas de la drague.
À mon sens, il y a beaucoup de justesse dans MECS MEUFS, notamment parce que certains aspects de la vie quotidienne apparaissent comme anecdotiques pour certains, alors que pour d’autres, c’est vraiment la plaie : Liam n’a pas envie d’être juste vu comme un objet sexuel, alors que pour Bob « c’est dommage de se priver ».
Liam et Bob vivent donc une même situation mais seul l’un des deux en souffre, tout comme certaines femmes vivent très mal le harcèlement de rue, alors que d’autres peuvent le percevoir comme flatteur.
Pour autant, le harcèlement de rue est révélateur d’un système de pensée bien plus large et n’est que la partie émergée de l’iceberg, la plus supportable. En revanche, lorsque Bob se fait agresser sexuellement par ses amies, qu’il connaît et apprécie, on est plutôt sous l’eau avec le reste de l’iceberg…
J’ai tendance à râler facilement lorsque la fiction cherche à parler des femmes en mettant en scène une agression sexuelle (râler fait donc partie de mon quotidien, parfaitement). Mais, pour une fois je trouve que l’agression sert bien le propos du réalisateur.
Par contre, je t’avoue que j’aurais bien aimé un passage un peu plus long sur le harcèlement de rue, qui est légèrement survolé. De la même façon, à aucun moment le personnage n’est traité différemment à cause de son poids, alors qu’on imagine aisément qu’une femme de la même corpulence essuierait des insultes dans la rue (vive la double peine !) (non).
À lire aussi : Louis C.K. parle des grosses dans Louie (et remporte un Emmy)
En revanche, pendant l’agression, s’il se défend verbalement, Bob ne tente pas de se dégager physiquement (le passage en question est à partir de 9:12 minutes)…
« Mais pourtant il est carrément plus fort que les trois filles qui ne sont pas bien grandes ni très épaisses ! Alors, hein pourquoi il ne se défend pas d’abord ? »
(Bonjour, faites connaissance avec mon Joffrey Baratheon interne, alias mon moi-troll)
À lire aussi : Et si Joffrey Baratheon était le vrai gentil de « Game of Thrones » ?
Cet argument (de merde) a été utilisé à travers les âges pour amoindrir la responsabilité de l’agresseur. Car si la victime ne se défend pas, c’est qu’elle en a un peu envie, forcément. Non ?
Non ! Pas du tout, même. Entre l’effet de sidération et le déni (entre autres mécanismes psychologiques), il n’y a probablement pas d’arguments plus faux que celui-ci. Agresser quelqu’un c’est prendre l’ascendant sur cette personne, ce que montre très bien la vidéo.
À lire aussi : « Majorité opprimée », un court-métrage percutant
Dernière petite critique : je trouve la chute humoristique un peu facile. Ce n’est selon moi pas nécessaire, et ça n’apporte rien au propos du réalisateur, même s’il s’agit de finir « sur une note légère ». Mais comme nous l’a signalé Cantor Métrique sur le forum (merci à elle!), Liam Engle a apporté des précisions sur cette fin ambigüe :
Il faut imaginer que Bob va maintenant se rendre compte que c’est pas si facile d’être gay non plus…
Pour autant, ce court-métrage reste une petite pépite qui vaut largement la peine d’être regardée et partagée.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Y'a quand même plusieurs passages qui me dérangent:
- Au début du film, je trouve que les filles ne se montrent pas plus agacées que ça de la drague lourde de certains hommes, elles ont plutôt l'air de trouver ça fun. Alors que non, ça ne l'est pas
- Les deux hommes qui se tripotent dans les wc : ça m'a surtout fait penser au bon vieux cliché "les homosexuels ils sont super portés sur le sexe"...
- Idem pour la drague de la fille à l'accent wesh: comme si tous les mecs lourds venaient de la té-ci... (cliché rebonjour)
- le fait qu'on passe du harcèlement de rue "directement" au viol: quid du sexisme ordinaire?
- la scène des regards entre Bulle et son ami/victime: là, j'ai pas compris l’intérêt de cette scène, ça m'a surtout fait penser aux clichés des films romantiques américains (=>"ils se voient, le temps s'arrête, l'amour est là"