Quelle chance, en une année, j’ai eu l’occasion de voir non pas un mais bien deux nouveaux films d’un de mes réalisateurs favoris. Après Ma Vie avec John F. Donovan en mars, Xavier Dolan revient ce 16 octobre 2019 avec son tout nouveau film Matthias et Maxime, après l’avoir baladé au Festival de Cannes, qui avait boudé son précédent film hollywoodien.
Comment se passe donc le retour aux sources de Xavier Dolan ? Voici mon avis, mais va donc vite t’en faire ta propre idée au cinéma dès demain, lectrice !
Matthias et Maxime, de quoi ça parle ?
Matthias, Maxime, Rivette, Frank, Shariff et Brass sont amis depuis toujours.
Alors qu’ils sont en vacances dans le chalet des parents de Rivette, la sœur de ce dernier insiste pour que Matthias et Maxime participent à son court-métrage amateur.
Ils doivent alors s’embrasser pour contenter la cinéaste en herbe.
Mais ce baiser, apparemment anodin, déclenche pourtant une remise en question des sentiments et des préférences des deux jeunes hommes, et va venir bousculer leur amitié de longue date juste avant le départ de Maxime en Australie.
Matthias et Maxime : un retour aux premières amours de Xavier Dolan
Après un tour en France avec Juste la Fin du Monde et à Hollywood avec Ma Vie avec John F. Donovan, Xavier Dolan revient à ses origines canadiennes et retourne filmer le Québec, tandis qu’il reprend aussi du service devant la caméra, comme dans ses premiers films (J’ai tué ma mère, Les Amours imaginaires).
Eh oui, car Dolan est acteur avant tout ! Ce sont d’ailleurs ses cachets d’enfant comédien qui lui ont permis de se payer sa première réalisation, J’ai tué ma mère.
Ça ne pouvait pas me faire plus plaisir de retrouver le Dolan que j’aime tant !
Retour aux sources
La photographie de Matthias et Maxime est un véritable hommage à ce pays magnifique qu’est le Canada.
Des plans entiers louent la beauté de l’avalanche de couleurs qui envahit le paysage à l’annonce de l’automne, et de ces routes droites qui semblent s’enfoncer infiniment dans la forêt dense de l’été indien (j’espère que tu as Joe Dassin dans la tête).
C’est dans cette douce nostalgie que s’inscrivent les premières séquences du film, qui montre les vacances que se paient cette bande de potes dans un cottage canadien, où se tournera la scène de baiser enflammé entre Matthias et Maxime.
Matthias est mis très mal à l’aise par cette scène, qui paraît pourtant anodine.
Pour se défouler, il part nager dans l’eau noire si typique de la région des grands lacs, et cette scène longue et magnifique m’a coupé le souffle.
Le personnage et la nature ne font qu’un, et le silence qui accompagne les mouvements du corps sculpté de l’acteur Gabriel D’Almeida Freitas vient crier cette déclaration d’amour de Xavier Dolan à son pays natal.
Retour au jeu d’acteur
Xavier Dolan joue ici le rôle de Maxime, que je n’ai pas senti comme le rôle principal. S’il n’est pourtant pas un personnage secondaire, il reste le support du questionnement de Matthias sur ses sentiments.
Si Dolan redevient acteur, il revient cependant plus humble. Il raconte de nouveau son histoire, celle d’une relation mère-fils aussi conflictuelle qu’aimante.
Mais c’est comme s’il avait un tout petit peu décalé la caméra, ou peut-être agrandi le champ, pour se concentrer sur d’autres thèmes qui l’entourent.
Si Matthias et Maxime est un retour aux sources du jeune réalisateur, c’est aussi un film qui montre une certaine maturité du cinéaste.
Les beaux rôles de Matthias et Maxime
Dolan a une manière de filmer ses acteurs qui relève de l’amour et de l’admiration. Une fois encore, il sublime ses comédiens en leur accordant des rôles complexes et forts.
Xavier Dolan parle de masculinité dans Matthias et Maxime
Il m’avait habituée aux rôles de mères à couper le souffle dans
Mommy par exemple, ou avait joué avec la frontière entre masculin et féminin dans Laurence anyways.
Mais comme l’indique le titre, Matthias et Maxime, Dolan donne à son film deux premiers rôles masculins.
Matthias et Maxime sont deux jeunes hommes, qui font partie de la même bande de potes depuis des années.
Elle est constituée également de Rivette, le mec gay assumé, joué par la véritable révélation qu’est Pier-Luc Funk, Frank (Samuel Gauthier), Shariff (Adib Alkhalidey) et Brass (Antoine Pilon).
Et il parle de cette amitié entre mecs, qui n’est pas toujours facile, comme Mymy et Fab l’ont remarqué après de nombreux épisodes du podcast The Boys Club sur la masculinité.
Ça se charrie sur des sujets sensibles de peur de mettre des vrais mots sur les maux, ça se bat pour montrer qu’on a de la testostérone plein les biceps, et ça ne sait pas se dire qu’on s’aime, même avant le départ en long voyage de Maxime en Australie, une occasion qui s’y prêtait pourtant amplement.
L’amitié entre ces mecs cache parfois une forme de gêne, dont Matthias est la première victime.
Mal à l’aise dans sa relation avec sa copine, avec Maxime, et surtout avec lui-même, ce ne sont pas les mots de Matthias qui l’étouffent.
Il s’agit d’un personnage taiseux, terrifié par l’introspection, et dont les actions et les regards trahissent une véritable incapacité à accéder à ses émotions.
Un film drôle plein de répartie
Mais Matthias et Maxime, c’est aussi un film très drôle. Il faut dire que Dolan sait aussi bien écrire les dialogues comiques que dramatiques.
Et en revenant au Québec, Dolan revient aussi au québécois.
Depuis des années je vante les mérites cinématographiques de cette langue qui mêle le français à l’anglais avec vélocité pour un rendu fluide et dynamique.
Ses dialogues imagés et tranchants doublés de références à la pop culture m’ont rendue hilare à maintes reprises.
Il grossit aussi les traits de certains personnages secondaires, notamment féminins, toujours avec beaucoup d’amour.
Je pense notamment à la mère de Matthias, Francine, incarnée par Micheline Bernard. Elle et ses amies gloussent et se moquent des jérémiades de leurs enfants, tout en restant très tendre avec eux.
La sœur de Rivette, réalisatrice du film amateur dans lequel Matthias et Maxime s’embrassent langoureusement, est un cliché ambulant de la jeunesse instagrammable dont Dolan s’amuse gentiment.
Son frère, Rivette adopte plutôt un humour sarcastique, qui le propulse à mes yeux au rang de meilleur personnage du film.
Une nouvelle facette de Dolan à travers Matthias et Maxime
En sortant de la projection de Matthias et Maxime, je n’ai pas ressenti ce chamboulement, comme pour Mommy ou Juste la fin du monde, qui me laissait muette pendant de longues minutes.
J’avais la sensation d’avoir bel et bien vu un film de Dolan, j’ai eu bien des frissons, mais je n’ai pas pleuré ou été secouée par l’émotion.
Pour autant, je suis bien loin de penser que ça soit un « mauvais » Dolan (si ça existe !).
Une intrigue un poil survolée ?
Si j’ai eu l’impression de survol de l’intrigue, c’est parce que Dolan a pris du recul sur ses personnages.
Il va moins les chercher, est moins dans l’intrusion, et préfère les regarder évoluer sans faire de commentaire.
Certains aspects, je pense notamment à la tâche de vin de Maxime, sont évoqués mais pas fouillés.
C’est tout simplement un film plus humble, plus contemplatif, et finalement, je crois que j’aime assez cette nouvelle corde à l’arc de Dolan, qui semble savoir se renouveler même quand il traite de ses thèmes habituels.
Le silence au cœur de l’histoire
Matthias et Maxime est tout en mouvement, plein de vie, de cris et de rires.
Cependant, c’est bien le silence et les non-dits qui sont au cœur de l’histoire.
Surprenant pour Dolan, qui remplit d’habitude les vides de musiques ultra pop. Ici, la bande-originale est toujours aussi prenante, mais bien plus discrète.
Alors certes, le film s’étire et peut paraître long, mais c’est une nécessité pour illustrer et expliquer par quels états passent les deux personnages principaux.
Je me suis alors retrouvée dans la position des personnages : un peu perdue, à me demander quelle tournure les événements allaient bien pouvoir prendre.
Je suis sortie un poil frustrée de la projection, mais je crois que cette frustration me plaît, avec le recul.
Alors, as-tu envie de voir le film de Xavier Dolan maintenant, lectrice ?
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