Mère Lachaise
Jim Morrison, Molière, Chopin, Jean de La Fontaine, Musset, Balzac, Alain Bashung… ; le Père Lachaise doit sa notoriété aux célèbres hommes qui y sont enterrés. Pourtant, le cimetière abrite un grand nombre de femmes illustres que la journaliste Camille Paix remet en lumière avec un beau livre génial, Mère Lachaise.
Publié chez Cambourakis, ce beau livre illustré par les soins de l’autrice – dont on vous conseille de suivre le compte Instagram @mèrelachaise – contient 100 portraits déterrant notre matrimoine funéraire. Et le concept est aussi brillant que son contenu. Page après page, on embarque dans une balade éclectique, et évidemment féministe, explorant les chemins de traverse d’un lieu que l’on pensait pourtant bien connaitre.
On y retrouve des figures renommées comme l’avocate Gisèle Halimi, la résistante Marie-Madeleine Fourcade, la femme de lettres Colette, les actrices Annie Girardot, Anna Karina et Simone Signoret ou encore les artistes Edith Piaf et Maria Callas. Mais c’est aussi l’occasion d’entendre parler de la féministe Nelly Roussel (1878-1922) qui, face à l’injonction d’enfanter, appela en 1920 à « la grève des ventres ».
De la photographe Gerda Taro (1910-1937), icône antifasciste, dont les funérailles furent suivies par des milliers de personnes, et dont la postérité finit dans l’ombre de son compagnon, Robert Capa. De l’acrobate Madame Saqui (1786-1866), qui traversa la Seine sur une corde tendue au niveau du Pont Royal et continua ses activités de funambule jusqu’à ses 76 ans. Ou de la pilote automobile Camille Du Gast (1868-1942) qui fut la première française à participer à une course en 1901. Toutes furent illustres en leur temps et Camille Paix leur rend ici la visibilité dont elles ne devraient pas avoir été privées. Un livre hommage décalé, aux dessins délicats, dont on peine à se détacher, mais qui peut aussi se picorer, portrait après portrait. Pour ne rien gâcher, on trouvera à la fin de l’ouvrage une carte du cimetière qui permet de retrouver facilement toutes les tombes des femmes évoquées.
*Mère Lachaise, 100 portraits pour déterrer le matrimoine funéraire par Camille Paix, Cambourakis, 224 P., 19 €.
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Les gens sont beaux
Voilà un concentré de douceur. Et le premier album jeunesse de Baptiste Beaulieu, médecin généraliste et romancier dont on connaît déjà les talents de conteur d’humanité.
Avec Les gens sont beaux, paru aux Arènes cet automne, il signe une ode aux corps, à tous les corps, qui rappelle combien ces derniers n’ont pas vocation à être façonnés par le regard de la société. Porté par les joyeuses illustrations à l’aquarelle de Qin Leng – dont on avait déjà pu apprécier le coup de crayon tendre dans un autre super album paru chez le même éditeur cet automne Une famille c’est une famille, tout simplement de Sara O’Leary – l’album met en scène un petit garçon et son grand-père, un ancien médecin.
« Quand j’étais docteur, je peux te dire que j’en ai vu des corps ! Des tordus, des blessés, des noirs, des blancs, des maigres, des gros. Les corps vont toujours avec une histoire » aime-t-il à raconter. Avec son petit-fils, ils partent alors pour une balade durant laquelle ils croisent Hakim, vieux monsieur au dos tordu, mais surtout ancien carreleur et meilleur ouvrier de France qui a pavé tout l’hôpital de la ville. Mais aussi Maryline, si malmenée et humiliée au travail qu’elle en a développé d’énormes plaques rouges qui la démangent. Ou Rebecca, harcelée lorsqu’elle était jeune et qui « s’est mise à manger pour mettre plusieurs épaisseurs entre elle et eux, pour les tenir à distance ». Papou, lui-même, porte d’ailleurs une cicatrice sur le visage, qui effraie parfois les enfants, tandis que Yaya, la grand-mère, camoufle chaque jour les taches blanches qui parsèment sa peau noire, souvenir malheureux des crèmes qu’elles mettaient dans sa jeunesse pour tenter de se blanchir. En bref, conclut le grand-père, tout le monde a des cicatrices, le problème, c’est que l’on n’ose pas raconter nos blessures qui guérissent pourtant mieux quand on les partage que quand on les cache.
Certains pourraient sûrement reprocher à cet album, qui clame que la beauté est partout, de trop verser dans les bons sentiments. Mais autant vous dire que par les temps qui courent, on est très heureux d’imaginer des enfants (à partir de 5 ans) lire ce genre de texte poétique, juste et lumineux. Et encore plus de savoir que le livre est déjà un succès, avec plus de 15 000 exemplaires écoulés. À offrir sans hésiter !
*Les gens sont beaux, par Baptiste Beaulieu et Qin Leng, Les Arènes jeunesse, 32 P., 16,90 €.
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Les 1000 livres qui donnent envie de lire
Que vous soyez calé(e) en livre ou plutôt novice, adepte de romans grand public ou féru(e) de grands textes classiques, jeune ou vieux : cette anthologie est pour vous. Et elle est bluffante.
Car avec Les 1000 livres qui donnent envie de lire (Glénat), Sarah Sauquet, professeure de français, nous offre un panorama, certes subjectif, mais surtout éclectique, de littérature mêlant culture classique et populaire. On y trouve aussi bien Mary Higgins Clark qu’Orhan Pamuk, Guillaume Musso que Bret Easton Ellis, Katherine Pancol, Balzac, Céline, Jay Asher ( l’auteur de 13 reasons why) ou Amélie Nothomb. Ici pas de trace d’invisibilisation des autrices de tous temps avec, notamment, Simone de Beauvoir, Colette, Virginie Despentes, Christine de Pizan, Maryse Condé, Flora Tristan, Sally Rooney, Tatiana de Rosnay ou encore Delphine de Vigan. Chacun des 1000 textes présentés fait l’objet d’une réelle chronique, aussi accessible qu’affutée d’où jaillissent de nombreuses références à des séries, films, musiques, artistes… L’ensemble est fort joli, amplement illustré, organisé autour de grands thèmes – les livres qui font voyager, rire, réfléchir, qui réconfortent ou font grandir – et ponctué d’entretiens ou de focus qui aèrent l’ouvrage. C’est LE cadeau parfait pour tout le monde qui ne servira pas seulement à faire joli chez vous et condense la bibliothèque d’une vie. Effet waouh garanti !
*Les 1000 livres qui donnent envie de lire, par Sarah Sauquet, Glénat, 301 P., 39,95 €
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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