Le 27 janvier 2019
J’ai reçu récemment un mail qui m’a rendue triste.
Dans ce message, une lectrice me disait avoir honte de la façon dont elle se masturbe. Elle pensait être la seule femme à employer cette technique et se demandait si elle était normale.
Aujourd’hui, j’ai donc décidé de pourfendre l’injustice en vous présentant cette façon de se toucher dont personne ne parle JAMAIS.
Se masturber en se frottant
Cette façon presque taboue de se masturber, c’est ce que j’appellerais le « frottage ».
C’est le fait de se frotter, habillée ou non, contre quelque chose pour stimuler la partie externe du clitoris.
Bien souvent, les petites filles découvrent la masturbation par ce biais, un peu par hasard, contre un coussin, un oreiller, une peluche, un accoudoir de canapé…
Ce fût le cas pour Louane :
« Je crois que j’ai découvert ça vers mes 8-10 ans, mais je ne comprenais pas tout à fait ce que je faisais.
Autour de mes 13 ans, j’ai eu mes premiers cours d’éducation sexuelle au collège et j’ai commencé à comprendre…
Je sentais que c’était agréable et comme je ne connaissais rien d’autre à cet âge-là, j’ai continué à le faire, jusqu’à me perfectionner. »
En grandissant, le frottage reste souvent la seule technique connue et pratiquée par les femmes qui l’ont découverte enfant, parfois longtemps après le début de leur vie sexuelle.
Alors comment, dans notre société où le sexe est censé être partout, une jeune fille en vient à se demander si elle est normale quand elle emploie une technique de masturbation aussi répandue ?
Pourquoi se frotter est-il tabou ?
Si l’on ne parle que très peu du frottage, c’est d’abord parce qu’il existe un tabou général autour de la masturbation féminine tout court.
On en parle pas aux concernées, et ce n’est pas valorisé ou banalisé comme la branlette masculine, puisque les filles ne sont pas « censées » aimer le sexe et rechercher le plaisir.
Le frottage pâtit ensuite de représentations fausses ou partielles de la masturbation féminine (vous allez me dire que s’il n’y avait pas de tabou à la base, on serait peut-être un peu mieux informées et je vous répondrai : OUI).
Les idées fausses ou pré-conçues concernent surtout le « doigtage », comme le raconte Marie :
« Au collège, j’avais l’impression que les mecs étaient obsédés avec le fait que les filles “se mettent des doigts”.
J’avais fini par penser moi-même que c’était comme ça que toutes les filles se masturbaient et que je n’étais pas normale.
J’avais essayé « pour voir » et les résultats n’étaient vraiment pas probants, en comparaison de me frotter qui me faisait atteindre l’orgasme très vite et à tous les coups.
Encore aujourd’hui, j’ai l’impression que la plupart des hommes pensent que toutes les filles se masturbent en insérant leur(s) doigt(s) dans leur vagin. Je sais maintenant que c’est loin d’être le cas ! »
Cette idée que les femmes utilisent uniquement leurs doigts, de façon externe ou interne, pour se masturber est très répandue.
Elle est entretenue par le porno où les représentations de la masturbation féminine prennent largement leurs racines.
En effet, le doigtage présentent l’avantage d’être beaucoup plus « visuel ». On veut voir de la chatte en gros plan et ce n’est guère possible avec une femme allongée sur le ventre qui se frotte à un coussin !
S’ajoutent à cela les magazines et autres médias, les films et autres objets culturels qui sur-représentent la masturbation à l’aide du jet de la douche et des sextoys…
Et le monde oublie qu’en réalité, il existe autant de façons de se toucher que de femmes.
Le humping, c’est la honte ?
Louane soulève aussi le fait que le frottage ne soit pas vu comme « flatteur » par les femmes elles-mêmes.
Technique considérée comme juvénile, immature, elle implique d’adopter une position et des mouvements parfois bien loin de la représentation sensuelle que l’on se fait d’une femme qui se touche.
Pour le dire clairement, se frotter fait plus ressembler à un yorkshire en rut qu’à une déesse gracieuse du sexe solitaire. C’est exactement ce qui bloquait Marie :
« Avant, je n’osais pas me masturber comme ça devant mes partenaires car je ne me sentais pas en valeur, mais c’était la seule façon de me toucher que je connaissais ! »
En anglais, cette technique est connue sous le terme de humping, et c’est le même mot qui est utilisé pour désigner un chien qui se frotte…
« Je pense que les gens pourraient trouver ça ridicule parce qu’ils pourraient penser qu’on éprouve du désir envers ce à quoi on se frotte. »
Rien de fétichiste pourtant à stimuler son clitoris avec un coussin ou autre !
L’action du frottage est avant tout mécanique. Pour la plupart des femmes qui l’utilisent, le support en lui-même n’est pas excitant.
Est-il plus compliqué de jouir en duo si on a l’habitude se frotter ?
Ce qui est sûr, c’est qu’avec l’habitude, le corps développe ses capacités à jouir selon telle ou telle technique.
Si une femme ne se masturbe qu’avec une seule technique, elle va donc développer des « réflexes orgasmiques » propre à celle-ci.
Le frottage conditionne l’orgasme dans une certaine position (souvent sur le ventre), avec une certaine pression, et uniquement via le gland du clitoris.
Cela peut devenir handicapant car l’action du frottage n’est pas toujours facile à reproduire dans un rapport.
Il est possible de « réutiliser » ses années de humping pendant le sexe, en se frottant contre la cuisse de son partenaire, par exemple, ou en étant pénétrée pendant que l’on se frotte, allongée sur le ventre.
Héloïse s’inquiète de ne pas pouvoir éprouver autant de plaisir à deux que seule :
« Je n’ai jamais eu d’orgasme lors de pénétration avec mes partenaires et ils n’ont jamais su/réussi à m’en donner un.
Le problème est que j’aimerais bien guider mon copain en lui disant de faire plus comme-ci ou cela, mais moi-même je ne sais pas…
Je me suis toujours masturbée en me frottant et cela fait que je ne sais pas comment fonctionne mon corps avec la stimulation digitale. »
Pour étendre sa palette de possibilités, il est possible de tester d’autres techniques de masturbation, dans d’autres positions, avec les doigts, avec du lubrifiant, par stimulation vaginale, anale…
Prendre le temps d’essayer d’autres moyens de se toucher permet de découvrir d’autres facettes de son corps et de s’entraîner à jouir autrement, pour transposer ensuite ses belles compétences dans un rapport à deux.
Il est important de rappeler qu’en matière de masturbation, il n’y a pas de norme.
Comme dans les autres domaines de le sexualité, tout est affaire de préférence, de spectre et de variations. J’espère que cet article permettra de rendre un peu plus visible cette belle diversité.
Et vous, comment vous vous touchez ? Y a-t-il d’autres techniques dont j’ignore l’existence ?
À lire aussi : Et si la masturbation devenait votre anti-stress pour cet automne ?
Crédits photos : Andrea Piacquadio et Ketut Subiyanto (Pexels)
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Les Commentaires
Perso j'ai jamais eu cette image de masturbation avec les doigts, mais du coup je me demandais sérieusement comment les autres faisaient (bon si t'as un pénis tout le monde sait mais pour les autres...).
J'ai commencé assez jeune il me semble, mais je suis infoutu de me souvenir l'âge que j'avais. Par contre c'est pas du frottage en tant que tel, j'utilise mes mains même si y'a pas de pénétration, avec une technique si spécifique que pareil, je peux pas jouir autrement (car je pense atteindre l'orgasme, même si c'est sans doute pas le plus fort qu'on puisse avoir). Sur le ventre aussi, mais jambes écartées contrairement à d'autres, et c'est mes mains qui font pression sur mon clito, mais genre toujours la même main dessus sinon ça fait chelou et tout.
Je me doutais que ça devais conditionner des choses, et ça explique sûrement en partie pourquoi ça a bidé les premières fois où j'ai essayé des trucs avec une tierce personne, et pourquoi me frotter sur sa jambe avait par contre aussi bien marché.
Ceci dit, c'est très con mais je pensais presque que cette façon de se masturber était un signe de lesbienne ou quoi, vu que ça implique pas de pénétration... Oui, je sais, les clichés ^^'
Mais voilà, c'est cool de voir qu'y a pas que moi en tout cas!