D’aussi loin que je puisse fouiller dans ma mémoire, je me suis toujours masturbée.
Je me masturbe depuis la petite enfance
Il paraît que les bébés peuvent commencer à se tripoter dans le ventre de leur mère.
Personnellement, mes premiers souvenirs de toucherie remontent à l’âge de 3 ans.
Des images très floues, alimentées par ce qu’a pu me raconter ma mère, toujours hilare quand il s’agit d’évoquer mes sessions de masturbation publique, devant toute l’assistance du repas dominical.
Un peu comme un tonton qui va faire la sieste après le café, il semblerait que j’avais tendance à me caler sur un canapé non loin de la table familiale pour me frotter sur un coussin.
Ma génitrice m’expliqua que ce n’était pas une activité à pratiquer devant tout le monde, et je crois que le message est tout simplement passé, en parallèle de mon apprentissage de l’intimité et de la pudeur.
J’ai continué à me masturber presque chaque soir, pendant toute mon enfance, mais dans mon lit. Toujours sur le ventre, en appuyant mon pubis contre un oreiller, parfois avec ma peluche dalmatien.
Paix à son âme.
Se masturber de façon instinctive
J’ai donc des orgasmes depuis l’âge de 3 ans.
Quand je parle avec mes copines qui n’ont jamais essayé de se masturber, qui n’ont pas ressenti de plaisir à le faire ou qui n’ont jamais connu l’orgasme, je suis toujours un peu désemparée.
J’ai développé ma technique de masturbation à un âge où l’on ne vit que dans le moment présent, et où cette activité n’est pas consciemment sexuelle.
Je n’ai pas été influencée par le porno (monde où toutes les meufs semblent kiffer l’auto-pénétration digitale), ni par une quelconque norme sociale, comme l’injonction à jouir.
Je me touchais 3 minutes (voire moins), j’arrivais à l’orgasme, j’étais détendue, point. Tout s’est fait au feeling, sans aucune intellectualisation.
Je serais incapable d’expliquer à quelqu’une une « technique » pour parvenir au même résultat.
Aujourd’hui, mon mental prend plus de place : il m’est arrivé de me masturber en regardant du porno, en fantasmant dans ma tête, en disant des choses qui m’excitent à haute voix.
Mais pendant l’enfance et l’adolescence, cette activité était pour moi purement mécanique et instinctive. Comme se faire éternuer en se chatouillant la narine.
Je ne suis pas la seule à me masturber
Vers l’âge de 10 ans, j’ai commencé à piger vaguement que je faisais un truc sexuel, qui s’approchait de ce qu’on appelait « faire l’amour », et je me disais que j’avais inventé une technique révolutionnaire pour les célibataires.
Malgré cette prise de conscience, je n’ai jamais ressentie de la gêne ou de la honte à me masturber.
Tant que cela restait dans le secret nocturne de ma chambre, je ne voyais pas où était le mal. Je n’en parlais à personne, et personne ne m’en parlait.
Mais un jour au collège, nous avons piraté le mail d’un copain et utilisé son adresse pour écrire un message à sa crush de l’époque.
Nous pouffions de rire devant l’ordinateur et chacun y allait de sa prose. Une copine a pris un air pensif pour dicter :
« Je t’aime tellement que quand je pense à toi… je me masturbe. »
« Masturbe » ??? J’étais en sixième et je n’avais jamais entendu ce mot. Je l’ai cherché dans le dictionnaire en rentrant chez moi et j’ai pu lire à peu près :
« Fait de se toucher les parties génitales dans le but de procurer du plaisir sexuel. »
Ah, ok. Donc je ne suis pas la seule à avoir trouvé la technique.
En approfondissant mes recherches, j’ai compris que le pic de plaisir qui « terminait » mes sessions s’appelait « un orgasme ».
Un mécanisme que je maîtrisais, c’est le cas de le dire, sur le bout des doigts. Jusqu’à ce que ma vie sexuelle à deux ne commence.
Pourquoi je ne jouis pas en couple ?
J’étais très enthousiaste à l’idée de coucher avec quelqu’un.
L’adolescence était passée par là, j’avais les hormones en folie et j’étais très excitée par la perspective de découvrir cette nouvelle activité d’adulte, qui avait l’air fort plaisante.
À 16 ans, je me vantais éperdument d’avoir fait l’amour avec mon copain, alors que, soyons honnêtes, le sexe en lui-même était bof.
Je n’étais pas assez à l’aise avec mon corps pour vraiment apprécier les cunnis, et les mecs de moins de 20 ans sont rarement des experts dans le domaine, disons-le.
La pénétration… Moui, c’est assez surcoté ça, en fait, non ? Je m’ennuyais vite, même si je prenais un certain plaisir à voir mon partenaire kiffer.
Partenaire qui fut remplacé par un autre, puis un autre, et un autre… Toujours le même schéma de baise pas très engageant pour moi, alimenté par un manque de communication certain.
Je n’osais pas guider mes partenaires, encore moins leur expliquer comment je me masturbais et ce qui aurait pu me faire jouir. (QUE. TU. ME. TOUCHES. LA. CHATTE. BORDEL !)
Au bout de quelques années de pratique, et de rares orgasmes-surprises, je m’étais faite à l’idée que je ne jouirai pas en couple.
Ce qui était quand même chelou, puisque seule, je pouvais toucher au but en quelques minutes seulement !
Comment jouir en couple ?
J’ai fini par comprendre que je ne recevais tout simplement pas la stimulation adéquate lors de mes rapports sexuels, et qu’il allait falloir que je réclame ma part de plaisir.
Je me suis toujours masturbée sur le ventre, par frottements et pressions sur le gland du clitoris. Mon corps avait pris l’habitude jouir de cette manière.
Il me fallait reproduire une stimulation semblable lors des rapports, m’entraîner à jouir d’autres manières et/ou à guider clairement mes partenaires.
J’ai creusé les trois pistes.
J’ai essayé de me masturber de différentes façons, en stimulant davantage le vagin ou dans d’autres positions, ce qui a pris un peu de temps mais donné de bons résultats.
Plutôt que de me frotter frénétiquement à un coussin, je pouvais maintenant jouir sur le dos, en utilisant seulement mes doigts, ce qui était à mon sens plus présentable devant un partenaire.
J’ai aussi commencé à me toucher pendant la pénétration, à guider la main de mon partenaire, à demander des sessions de touchage de vulve.
Les statistiques de mes orgasmes à deux sont ainsi bien remontées.
20 ans après ma première branlette, j’ai également testé et approuvé les sextoys clitoridiens.
Une stimulation de l’espace telle que les vibrations la procurent peut rendre accro. Avec l’accoutumance, l’humain parait un peu fade en comparaison… je limite donc leur usage !
Ce que j’ai appris avec la masturbation
La masturbation, qui était si naturelle pour moi, m’a permis de comprendre que le sexe à deux n’avait lui rien d’instinctif.
La différence quand on fait l’amour avec quelqu’un, c’est qu’il n’est pas dans notre corps.
Enfin si, parfois. Mais il ne peut pas ressentir ce que l’on ressent.
Il est obligatoire de communiquer pour que chacun puisse prendre du plaisir.
Le désir de jouir à deux m’a aussi poussée à faire évoluer mes pratiques de masturbation. J’ai exploré d’autres techniques et arrêté le porno pour m’ancrer davantage dans la réalité de mes ressentis.
J’ai consciemment redécouvert mon corps, et noué un nouveau rapport, plus réfléchi et plus érotique, à la masturbation, longtemps restée une formalité héritée de l’enfance.
Cette exploration m’a permis de mieux comprendre les mécanismes du plaisir et d’ainsi pouvoir en donner plus à mon partenaire.
Je suis devenue un peu plus sélective sexuellement. Les amants qui n’ont pas le temps pour me faire jouir sont vite recalés, sauf quand je sens qu’il y a un espoir de les former un peu.
Je ne cherche pas l’orgasme à tout prix dans une relation sexuelle (j’ai vécu tellement longtemps sans !), mais il y a un juste milieu entre jouir à tous les coups et avoir l’impression que notre propre plaisir est totalement optionnel.
Aujourd’hui je n’ai AUCUNE honte à me masturber devant un partenaire qui m’aurait laissée pour morte à deux doigts de l’orgasme.
Et si jamais il veut reprendre les choses en main, je suis là pour lui montrer comment !
À lire aussi : Pourquoi les femmes se masturbent-elles moins que les hommes ?
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Les Commentaires
Mais j'étais un peu triste en lisant ça "Plutôt que de me frotter frénétiquement à un coussin, je pouvais maintenant jouir sur le dos, en utilisant seulement mes doigts, ce qui était à mon sens plus présentable devant un partenaire."
Parce que ce genre de pensées, je n'arrive pas à m'en défaire complètement (dès fois oui, mais la plupart du temps non). Et ça m'empêche justement d'être totalement épanouie durant l'acte. Cette idée qu'il faut rester "présentable", alors que ça devrait être du lâcher-prise.
Cette impression qu'il faut toujours être un minimum en représentation. Et que, quand j'oublie, je me retrouve à demander à la fin si c'était pas trop à mon ami.
Et le pire c'est que ça vient clairement d'une intériorisation de ce que doit être une femme au lit, parce que j'ai jamais eu de remarques type : "oui effectivement c'était bizarre" .