A la base, je suis complètement fan de Masterchef. N’y connaissant rien en cuisine, c’est l’occasion pour moi de voir des quasi-professionnels réaliser des plats alléchants et de m’inspirer de leur carpaccio de Saint-Jacques à la cardamome, au gingembre et au poivre de Sechuan pour finalement me contenter d’un gratin de pâtes au saumon.
J’aime Masterchef pour voir de l’esprit de compétition affûté par un désir de faire plaisir à la personne qui goûtera les plats, animé par l’envie de gagner afin d’obtenir les 100 000 euros nécessaires pour monter le restau de leurs rêves. Quand on sait combien il est difficile d’obtenir un prêt à la banque lorsqu’on n’est pas étudiant, on trouve ça beau de voir le rêve d’une infirmière ou d’une mère de famille débordée se réaliser.
Si l’émission est donc traditionnellement réservée aux adultes, une version enfantine a été mise en place pour coller à l’ambiance de Noël qui veut que, depuis deux semaines, les moins de 12 ans soient rois (à tel point qu’il n’est pas rare dans les téléfilms diffusés depuis un mois de voir des adultes se regarder dans les yeux et se demander très sérieusement « Et toi, dis, tu crois au Père Noël ? ». Mais quel est le feuque dans ce monde ?). Faisant fi de mon aversion pour les enfants (famille mise à part, bien sûr), c’est avec joie que je me suis installée devant ma télé hier, à 20h50.
Je me disais tout simplement que ce serait l’occasion de me réconcilier avec des petits nain-nains dont la passion est la cuisine. De me rabibocher avec des enfants qui m’apprendraient, contrairement à leurs aînés, des recettes à la hauteur de mes capacités culinaires et de mon compte en banque.
Il n’en fut rien. Il n’en fut tellement rien que j’ai failli me ligaturer les trompes avec une aiguille à tricoter et du fil de fer, et je vais vous expliquer pourquoi.
Des enfants qui ont une passion d’adulte
Des enfants passionnés de cuisine ? C’est génial. Des enfants passionnés tout court ? MAIS C’EST SOUPEUR ! J’aurais rêvé, à leur âge, de savoir comment occuper mes week-ends et mes soirées une fois les devoirs pour l’école finis. J’aurais aimé avoir le feu au corps pour une activité manuelle et être consciente, à 10 ans seulement, que je voulais en faire ma vie.
Masterchef Junior accueillait donc dans ses ateliers des mômes âgés de 9 à 13 ans extrêmement doués pour la tambouille. Tellement doués que je ne serai pas surprise s’ils devenaient sous-chefs dans un restaurant trois étoiles avant leurs 15 ans. Car si au niveau déco, c’est encore un peu hésitant, les petits avaient des habitudes culinaires de grands. Ils savaient poêler du foie gras, cuire du chevreuil, associer les saveurs avec brio. Fou. Pourtant s’ils ont bien failli m’arracher des larmes et s’ils m’ont une fois de plus fait réaliser que la cuisine est un art comme les autres, ils m’ont bien pété les ovaires.
"Raaaah, mais je t'avais demandé une OMELETTE, François-Xavier !"
Des enfants avec des manières d’adulte.
La télé a-t-elle créé des monstres ? Hier, j’ai vu des candidats âgés entre 9 et 13 ans tellement stéréotypés que j’ai pu sans problème les ranger dans des cases bien définies : il y avait Jean, le p’tit mec simple et bosseur (mon poulain et, accessoirement, le grand gagnant de la compétition). Clara, la petite femme, maniaque et maniérée. Jérémy, hyperactif et – j’ai honte de le dire car ce n’est qu’un enfant mais – extrêmement agaçant, avec des manières d’Eric Zemmour des bacs à sable. Enora, la petite benjamine trop choupitrognon. Flavie, drama queen et première de la classe. Nina, le calme et la grâce incarnés. Valentin, le bon vivant relax et Elliot, le nonchalant-défaitiste (l’équivalent de Karim dans la version adulte).
A les regarder évoluer en cuisine et intervenir face caméra, je me suis dit que ces enfants avaient complètement assimilé tous les codes communicatifs de la télé. Le problème ? Ces codes sont créés par des adultes pour les adultes. Ainsi, j’ai pu voir hier comment les enfants d’aujourd’hui (et précisément, ceux choisis par TF1 pour faire de l’audience) réagissaient à :
>> L’enthousiasme : les mains rassemblées comme pour une prière sous le nez et les sourcils relevés au maximum pour signifier l’excitation. Variante : seul face à la caméra, l’enfant tape sa main droite dans sa main gauche deux fois en disant « là, faut y aller ».
>> L’angoisse
: une main coincée dans les cheveux, le candidat prend une grande inspiration avant d’expirer en gonflant ses joues au maximum.
>> Le désarroi : Le candidat expire en gonflant ses joues au maximum, la tête penchée d’un côté, avant d’ouvrir grand ses bras, d’attendre quelques secondes et de les faire retomber avec force. Il a tout raté son sabayon. Variante : crier « oh nooooon » en secouant la tête et en faisant un facepalm.
Des enfants qui donnent des réponses d’adulte
Les candidats de Masterchef Junior manquaient donc cruellement de spontanéité dans leur body language. Est-ce que ça veut dire que TOUS les enfants sont comme ça ? J’en sais rien, je n’en connais que trop peu. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas qu’au niveau des expressions corporelles et faciales que les mini-candidats m’ont fait penser à des ersatz d’adultes : y avait aussi la façon dont ils parlaient. Florilège :
– La bûûûche, j’aime pas trop, c’est louuuurd… (Flavie, 10 ans, faisant traîner ses voyelles et courbant le dos sur « lourd »)
– J’ai mis mon coeuuuur, j’ai tout mis là-dedans ! (Jérémy, qui a bien digéré tous les gimmicks des candidats adultes de l’émission).
– Faut que je saisisse ma chance et que je leur donne du plaisir. (Elliot, 13 ans, altruiste et apprenti hédoniste).
– J’en ai rêvé toute ma vie de cette finale. (Flavie. MAIS T’AS 10 ANS !)
– Ça doit pas être loin du plus beau jour de ma vie en fait. (Jean. MAIS T’AS 10 ANS !)
"Papa. Maman. Votre purée de carottes manque de pep's. Faites-moi quelque chose de plus gourmand. Genre des pâtes au ketchup épicé."
Tout ceci manquait de spontanéité, mais ce n’est certainement pas de la faute des chefs en herbe : ils ne font que reproduire ce qu’ils voient dans leur émission préférée à la télévision. En outre, si le gain hier soir n’était pas de nature pécunièèèère, le reste de l’émission était absolument identique à la version traditionnelle (éliminations, compétitions, pression).
Jacques Martin, reviens avec ton Ecole des Fans : les enfants y venaient certes souvent poussés par leurs parents, mais ils parlaient comme ils le faisaient dans la vie et surtout, en ressortaient contents et tous gagnants.
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Les Commentaires
Certes tu mangeais surment - moi aussi d'ailleurs la même chose que mes parents mais ça n'allait pas plus loin, on se pose pas la question si ce n'est pour le refuser,
mais avec ces petit chefs ce n'est vraiment pas naturel - l'enfance c'est l'insoucience, c'est l'equivalent de petit coréens qui jouent la guitare flamenca comme des pros, pour moi chez ces enfant de masterchef, l'obsession ne s'est pas fait toute seule, c'est sûr qu'il y a eu de la pression du côté des parents. C'est pas sain, -- encore je ne cherche pas à contredire - c'est juste une opinion personnelle, chacun le prends à sa manière