Grande nouvelle : le ministre de la Santé Olivier Veran a annoncé cette semaine des mesures pour permettre aux personnes vivant sous le seuil de pauvreté d’avoir accès à des masques gratuits.
Alors que le port du masque est devenu obligatoire dans les espaces publics clos, la question du budget alloué à cet achat n’a pas tardé à se poser pour les personnes les plus modestes.
Qui peut bénéficier de masques gratuits ?
Les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire – un dispositif qui fusionne la CMU-C et l’ACS (l’aide au paiement d’une complémentaire santé) – recevront ainsi gratuitement des masques par la Poste. D’après les statistiques de la complémentaire, fin janvier 2019, un peu plus 1,6 million de personnes étaient couvertes par l’ACS et 5,6 millions par la CMU-C.
L’aide financière permettra également à 2 millions de Français porteurs de vulnérabilité (diabète, immunodépression, etc.) de faire rembourser leurs masques chirurgicaux par l’Assurance maladie, dans la continuité de ce que des communes et centres d’action sociale avaient déjà mis en œuvre.
En parallèle de cette aide, la région Ile-de-France a annoncé vouloir distribuer à la rentrée aux 500 000 lycéens deux masques lavables en tissu.
Ces mesures sont loin d’être obsolètes puisque la crise et le coronavirus touchent plus durement les personnes déjà en situation de précarité.
La crise sanitaire touche particulièrement les personnes les plus pauvres
Le président de l’association UFC Que Choisir estime à plus de 200€ par mois le « budget masques » d’une famille de 4 personnes, sur la base de 3 masques à 0,70cts par jour.
Mardi, Emmanuel Macron s’était opposé à une proposition de certains députés de rendre les masques gratuits pour tous, arguant que « l‘État n’a pas vocation à payer des masques pour tout le monde tout le temps ».
Une étude relayée dans Le Monde a mis en évidence une réalité crue mais malheureusement évidente : en France, le coronavirus a plus tué dans les villes pauvres
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D’un côté, les trois quarts des communes du territoire français considérées comme les plus riches connaissent un excès moyen de mortalité, dû au Covid-19, de 50 % pour l’année 2020. De l’autre, dans le quart des communes les plus pauvres, il atteint 88 %.
Pour les chercheurs, deux facteurs expliquent cette surmortalité : la promiscuité dans les logements et leur surpeuplement, ainsi que les métiers exercés par les populations touchées, très en lien avec le public (caissiers, policières, infirmiers, aides-soignants, agents de sécurité, etc.).
Sur le forum de Rockie, une lectrice détaillait il y a quelques jours le système D que des élèves de son collège ont mis en place, faute d’être suffisamment équipés :
Les 6ème et les 5ème (les premiers à avoir pu revenir au collège sur la base du volontariat) ont eu 3 masques par élèves. Quand le retour à l’école a été rendu obligatoire, il n’y a rien eu. Donc les fratries dont un petit frère ou une petite sœur était déjà revenue au collège ont pu se partager les masques (et encore 3 par fratrie c’est peu, vu que nous avons des familles en générale de 3/4)… Donc la plupart des élèves avaient un masque en papier qu’ils gardaient au maximum.
Le masque est un des remparts les plus efficaces contre la propagation du virus. Mais mal porté ou réutilisé sans lavage, il devient quasiment inutile.
Par nécessité, de nombreuses personnes en situation de précarité se retrouvent dans l’obligation de réutiliser des masques qui ne sont pas prévus pour cet usage et mettent leur santé ainsi que celles des autres en danger.
Le débat sur le remboursement des produits de première nécessité n’est pas nouveau. Ces dernières années, il s’est par exemple cristallisé autour des protections hygiéniques qui ne bénéficient d’aucune prise en charge par l’État alors qu’une personne sur deux est menstruée.
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Que des masques soient envoyés aux personnes les plus pauvres sonne donc comme une bonne nouvelle mais pose une question cruciale : au-delà de la complémentaire de santé solidaire, comment repérer les gens qui ont le plus besoin de ces équipements ?
Comment identifier les personnes les plus pauvres dans le pays ?
Alors que de nombreuses personnes en situation de précarité sont en dehors des radars de l’Etat parce qu’elles n’ont pas sollicité d’aides sociales, sont sans emploi ou sans formation, comment leur donner accès à ce produit de première nécessité ?
Dans la Foire aux questions liée au port du masque obligatoire dans les lieux clos publiée sur le site du ministère de la Santé, le gouvernement annonce qu’il s’appuiera également sur « les contacts habituels des associations d’aide aux plus vulnérables ».
Mais quid des jeunes de moins de 25 ans qui ne sont accompagnés par aucune structure parce qu’ils n’ont pas connaissance de leurs droits ? Quid des étudiantes boursières qui devront reprendre le chemin de l’université ou de l’école en septembre ? Quid des freelances qui sont très durement touchés par la crise économique et le gel de certaines activités ? Quid des personnes dont on demande encore des revenus de leurs parents alors qu’elles sont émancipées ?
En France, la précarité se traduit par une multitude de situations qui ne sont pas toujours visibles dans les fichiers de l’État.
Malgré le travail colossal d’accompagnement qu’elles abattent déjà, les associations qui agissent au quotidien auprès de ces publics ne perçoivent que la partie émergée de l’iceberg.
Il n’est donc pas à exclure que si la crise dure, nous assistions à un renforcement de l’isolement des hommes et des femmes les plus démunies, contraintes à éviter des déplacements dans les transports en commun ou dans des espaces clos.
Une chose est sûre : cette crise sanitaire et économique est un terrible révélateur des inégalités sociales qui touchent le pays, particulièrement dans les territoires en dehors de la métropole.
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