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À Maryville, deux adolescentes violées, deux agresseurs impunis

Deux adolescentes ont été violées à Maryville il y a près de deux ans. Les crimes sont, depuis, restés impunis.

Maryville est une petite ville du Missouri, très largement mise en lumière depuis le 12 octobre 2013, jour où un article de fond publié dans le Kansas City Star a révélé le plus de détails et d’informations sur une histoire tragique.

Cette histoire, justement, est une histoire de viol. Mais il prend, dans le cadre de celle de Maryville, une ampleur sordide, digne de l’intrigue d’un bon thriller. Les informations ci-dessous, sauf précision, viennent de l’article mentionné ci-dessus du Kansas City Star.

Le 7 janvier 2012, Daisy Coleman et une amie à elle, âgées respectivement de 14 et 13 ans, faisaient une pyjama party à deux chez la première. Après avoir bu l’alcool planqué dans un placard de la chambre, elles ont toutefois décidé de « faire le mur » et d’aller rejoindre Matthew Arnett, un joueur de football de 17 ans à qui Daisy avait envoyé des textos toute la soirée.

Il est venu les chercher en voiture avec un de ses amis pour les emmener chez lui où avait lieu une soirée avec le gratin populaire de son lycée. Une soirée dont Daisy n’a pas beaucoup de souvenirs : quand elle est arrivée, on lui a demandé de se dépêcher de boire le grand verre d’alcool qu’on lui tendait, puis de faire la même chose avec le second. Et ensuite, le trou noir : l’adolescente ne se souvient plus de rien.

Le lendemain matin, c’est Melinda, sa mère, qui l’a trouvée, en culotte et t-shirt, complètement gelée et à peine consciente devant la porte d’entrée de la maison. Lorsqu’elle l’a déshabillée pour lui faire prendre un bain dans le but de la réchauffer, elle a remarqué les marques rouges qu’elle avait au niveau du pubis.

Lorsque la police est arrivée à l’hôpital où Daisy avait été emmenée, le fil de la soirée a pu être reconstitué grâce à l’amie de l’adolescente. Cette dernière, qui n’a pas bu chez Barnett, a été violée par un mineur de 15 ans dont le nom n’est pas révélé par le Kansas City Star puisque son cas a été pris en charge par la justice. Quand elle est revenue au milieu des convives, Barnett et ses amis les ont ramenées chez Daisy.

L’interrogatoire et la collecte de preuves

Le même jour, Matthew Barnett et ses amis ont été interrogés au bureau du shérif. Barnett a alors avoué avoir eu des relations sexuelles avec Daisy et avoir été conscient qu’elle avait bu de l’alcool, mais répétait que les rapports étaient consentis.

Il n’a finalement pas été accusé de viol sur mineur : la loi en vigueur au Missouri ne parle de viol sur mineur que si la victime a moins de 14 ans et/ou l’agresseur plus de 21. Toutefois, selon cette même loi, on parle de viol quand la victime a consommé de l’alcool et n’est pas en état de faire savoir son consentement ou son refus.

Mais les faits sont gravissimes : en plus du viol, Daisy a été laissée par des températures très basses devant chez elle, ce qui aurait pu être mortel. De plus, son viol par Matthew Barnett a été filmé avec un iPhone par un troisième mineur de 17 ans ; l’agresseur de la plus jeune des victimes l’a avoué aux autorités.

Après ces interrogatoires, la police a récolté des preuves sur les lieux (téléphone, dont celui qui avait servi à filmer la scène, sous-vêtements, couverture…). Pour autant, le procureur n’a pas jugé qu’il y avait suffisamment de preuves pour prouver que les relations sexuelles n’étaient pas consenties par Daisy et son amie.

Une plainte perdue d’avance ?

Au-delà du rejet du dossier par le procureur, un élément de l’affaire rend toute l’histoire un peu plus sordide encore : peut-on estimer que l’influence notable de la famille de Matthew Barnett a joué dans cette décision ?

C’est la question qui est sur toutes les lèvres depuis que l’affaire a éclaté au grand jour, au point que des rumeurs parlent de coups de téléphone émis pour faire pression. Pour la mère de la plus jeune des victimes, c’est clair : l’affaire aurait eu des conséquences bien différentes si les deux adolescentes avaient été originaires de Maryville.

Car Matthew fait partie d’une des familles les plus influentes de Maryville et est le petit-fils d’un ancien député républicain. Alors dans la petite ville, les gens ont fini par choisir leur camp : Daisy et sa famille n’étant là que depuis trois ans, un grand nombre d’entre eux ont, semble-t-il, préféré tourner le dos aux Coleman.

Pire : Daisy a été l’objet de commentaires insultants sur les réseaux sociaux (« elle l’aurait cherché ») avant d’être virée de son équipe de cheerleaders. Deux semaines plus tard, sa mère fut licenciée de son travail.

Souhaitant connaître la raison sur son licenciement, elle est allée voir sa patronne avec un micro caché dans ses vêtements. Pour se faire entendre dire que l’idée qu’elle puisse se lancer dans des poursuites judiciaires « stressait » l’équipe.

Son ancienne supérieure, contactée par le Kansas City Star, a par ailleurs déclaré être liée à la famille de l’un des adolescents présents à la soirée et que ça compliquait ses liens avec Melinda.

Dans ce contexte de harcèlement et/ou de mépris, Daisy et un de ses frères ont changé d’école, faisant un long trajet chaque jour pour se rendre en cours. Après avoir longtemps refusé de déménager, Melinda a finalement décidé de quitter la ville pour retourner vivre à Albany, où les Coleman résidaient auparavant.

Une fois réinstallée, elle a mis sa maison de Maryville en vente. Trop tard : en avril dernier, cette résidence brûlait dans d’étranges circonstances et la cause de l’incendie n’est toujours pas déterminée.

Justice sera-t-elle faite ?

Depuis, Daisy est en thérapie. Elle a fait deux tentatives de suicide, a été admise plusieurs fois à l’hôpital et a passé un mois et demi dans un centre pour jeunes en difficulté.

De son côté, la plus jeune des adolescentes a décidé de sortir de l’ombre et de révéler son identité : dans une interview pour Al Jazeera America, elle explique, aux côtés de sa mère, le déroulement de cette nuit-là. Paige Parkhurst, puisque c’est son nom, a eu pendant longtemps des difficultés à dormir seule et souffre toujours de flashbacks et de cauchemars.

Pour que justice soit faite à Maryville, les Anonymous ont décidé d’agir. Dans un communiqué, repris dans la vidéo ci-dessous, ils demandent une enquête immédiate et lancent l’opération #OpMaryville sur les réseaux sociaux.

Ce qu’ils dénoncent, ce n’est pas seulement les agissements des deux adolescents coupables de viols : c’est le comportement de toute une ville (« Nous nous demandons comment les habitants de Maryville arrivent à trouver le sommeil »).

https://www.youtube.com/watch?v=UpJ7CUolF7M

Si justice sera faite, avec la pression internationale sur les réseaux sociaux, on ne le sait pas encore. Ce qu’on sait, en revanche, c’est que deux familles ont souffert. Que deux victimes doivent se reconstruire après ce qu’elles ont vécu cette nuit du 7 janvier 2012, mais aussi qu’elles doivent se remettre de l’acharnement qu’elles ont subi.

Impossible d’imaginer la douleur supplémentaire causée par le fait que les agresseurs ne sont pas punis pour leurs crimes. Que celles qui sont punies, ce sont les victimes.

Depuis quelques heures, on sait déjà qu’un procureur spécial a été nommé pour reprendre le dossier. Un pas de plus vers une condamnation ?

N’empêche. Après Steubenville, après Amanda Todd, après Rehtaeh Parsons et encore bien d’autres affaires moins médiatisées mais tout aussi dramatiques, on est en droit de se demander quand les choses vont changer, et à quel moment on pourra enfin se regarder et se dire que la culture du viol, enfin, est en train de perdre en puissance.


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Les Commentaires

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Avatar de Noctys
21 octobre 2013 à 13h10
Noctys
Je suis désolée de vous le dire, les filles, mais il n'y aura que le violence pour résoudre ce genre de violence. J'ai été élevée dans un contact masculin, comme un mec, je travaille avec des mecs et je constate qu'ils ne respectent que la force. Il ne leur viendrait jamais à l'idée de mettre la main aux fesses d'un autre mec, pas tant pour ne pas "passer pour un pédé" que parce qu'ils y risqueraient un coup de poing en pleine gueule.
Hors contecte culturel, les mecs s'en prennent aux nanas parce que c'est facile et ça, c'est quelque chose que PERSONNE ne veut admettre - ça choque dans notre belle "civilisation". Ils s'en prennent aussi aux mecs plus faibles, aux handicapés, aux minorités etc. bref à tous ceux qui ne leur font pas peur. Et leurs victimes renvoient la violence sur plus faible qu'elles parce que ça soulage. Pas besoin d'avoir fait 5 ans de psycho pour comprendre ça, c'est du bouc émissaire en plein, écraser l'autre pour se décharger de ses responsabilités, de la peur, de l'angoisse. C'est primal et à ce niveau-là, le raisonnement ne fait pas grand chose. Jusqu'à présent, on n'a trouvé aucune culture qui ne pratiquait pas ce genre de comportement.
En ce qui concerne le contexte culturel, pour casser la culture du viol, je suis également au regret de vous dire qu'il faudrait réinstaurer la censure. Depuis la libéralisation de la pornographie dans mon pays (la Belgique), je ne peux que constater sa dégringolade vers le sordide et la violence: on est passé, pour dire net, de la bite apparente au rapport avec claques sur les fesses et crachats dans la gueule, du missionnaire au sandwich brutal avec turlutte après sodomie (bonjour l'hygiène), tout ça en une vingtaine d'années. Ce sera quoi dans 10 ans? Des snuffs? Quand des pays comme la Suède en arrivent à penser à réinstaurer la censure tant la porno culture déforme les idées des ados et mènent à des viols, c'est qu'il y a vraiment quelque chose de tordu au royaume du fantasme. Or, on ne peut pas rêver voir le monde du porno s'auto-réguler pour le rendre plus respectueux de la femme, c'est contradictoire et on a vu le résultat de l'auto-régulation dans le secteur bancaire (on devrait dire self-control)(au fond, sexe et fric, même combat: on laisse la raison au vestiaire quand il s'agit d'en obtenir)
Une société DOIT imposer certains standards, de la courtoisie à la propreté en passant par le respect d'autrui. Ça ne naît pas spontanément, c'est toujours imposé et ça implique toujours une restriction de choix et de droits. Maintenant, il y aura toujours des Ardisson pour inviter des Rocco Siffredi, grand explorateur anal qui, lui, interdit ses films à ses propres enfants. Le voir dans une pub anti-porno pour les jeunes, c'est bien, mais le paradoxe serait risible s'il n'y avait pas tant de victimes à la clé.
Et combien parmi nous écoutent du rap, en dépit de leurs textes scandaleux incitant à la haine des femmes, à la violence et au viol?
Enfin, et là c'est le grand sujet tabou, il y a la part, énorme, de la religion dans la culture du viol. Parce qu'à seriner à des mâles aux hormones volatiles que les femmes sont inférieures et doivent se soumettre à Mr Penis, il ne faut pas s'étonner des dégâts, du slut shamming etc. Mais là, tout de suite, levée de boucliers des défenseurs de la liberté de culte - c'est si facile de condamner des idéologies politiques et d'oublier que la religion en est une, et idéologie, et politique. On interdit bien certains textes mais on laisse prêcher le sexisme, l'intolérance, le racisme, l'homophobie sous prétexte de religion.
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