Coup de com’, mauvais poisson d’avril, ou pied-de-nez indécent à la crise sociale actuelle ? Vendredi 31 mars, Le Parisien a provoqué un tollé en révélant que la Secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, Marlène Schiappa, serait en Une du magazine Playboy le 8 avril « dans le cadre d’une longue interview de 12 pages portant essentiellement sur la liberté des femmes mais aussi le féminisme, la politique et la littérature » a précisé son cabinet, non sans ironie, à nos confrères du HuffPost.
Une polémique qui éclipse le scandale du Fonds Marianne
Outre le choix de magazine, qui interroge évidemment pour ses valeurs rétrogrades et sexistes (drôle d’endroit pour un entretien sur les droits des femmes), c’est le timing de la polémique qui interpelle, alors que viennent de sortir deux enquêtes de L’Oeil du 20 heures et du magazine Marianne sur la gestion opaque de l’argent du Fonds Marianne, créé par Marlène Schiappa elle-même, en 2021.
Fondé suite à l’assassinat de Samuel Paty, avec pour mission de soutenir les associations luttant en ligne pour les valeurs républicaines (entendre contre le cyber-djihadisme), le fonds Marianne aurait alloué 335 000 euros à une association sportive dont les missions ne correspondent pas aux critères de financement, comme le détaillent nos confrères de Challenges :
L’association, menée par Mohamed Sifaoui, connu pour ses prises de position sur les sujets de laïcité, se défend en arguant avoir été à l’initiative d’une initiative nommée Ilaïc, aux résultats peu probants : quelques dizaines de vues pour ses 13 vidéos YouTube. En réalité, selon l’enquête, l’argent public semble avoir servi à hauteur de 120 000 euros à rémunérer les deux administrateurs de l’association : Mohamed Sifaoui et Cyril Karunagaran.
Challenges.fr, 1er avril 2023, « Fonds contre la radicalisation : des doutes sur l’usage des 2 millions d’euros alloués »
S’agirait-il d’un cas de détournement d’argent public ? Rien n’est exclu, à en croire Le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui a annoncé, dans la foulée, lancer une enquête sur l’attribution de ces fonds. En parallèle, le secrétariat d’État chargé de la Citoyenneté a également saisi l’inspection générale de l’administration, et le ministère de l’Intérieur pourrait effectuer un signalement au Procureur.
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Un coup de pub en pleine crise des retraites
Le gouvernement serait-il en roue libre ? Quelques jours plus tôt, c’est le président lui-même qui accordait un entretien au magazine jeunesse Pif Gadget, s’attirant les foudres (ou les rires, selon les personnes) de la sphère Twitter. Alors que la mobilisation dans la rue ne faiblit pas et dans un contexte très éruptif, ces différentes prises de parole ont du mal à passer.
Et ce, même au sein de la majorité, à en croire les témoignages relayés par plusieurs de nos confrères, dont RTL, qui affirme d’ailleurs que l’exécutif n’était même pas au courant de la parution de cette Une dans PlayBoy. Autre interrogation, le choix de donner la parole à Marlène Schiappa sur ces sujets, plutôt qu’à Isabelle Rome, Ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. L’entourage de Marlène Schiappa défend bec et ongle ce choix, évoquant « une communication disruptive, [qui allie] l’audace et le panache » et assurant qu’ « elle est la seule ministre capable d’aller répondre aux questions d’un magazine comme ‘PlayBoy’ ».
Dans FranceInfo, samedi 1er avril, des députés macronistes étaient prêts à parier sur un évincement prochain de la Secrétaire d’État, s’indignant de ce coup politique. Selon BFMTV, Élisabeth Borne aurait quant à elle recadré la ministre, jugeant son intervention « inappropriée, a fortiori dans la période ».
Rappelons que le 6 avril, deux jours avant la parution prévue de Playboy, se tiendra la 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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