Souvenez-vous, c’était au beau milieu du printemps 2010 et le peuple français – tous âges confondus – se mettait à acheter compulsivement des tee-shirts à rayures à la mode marine. En même temps. C’est bien simple : j’avais l’impression d’être chez moi partout, les pêcheurs du Bassin d’Arcachon étaient devenus des prescripteurs de tendance, les rayures dominaient le monde.
C’était un phénomène encore plus effroyable qu’en hiver 2009, lorsqu’on a bien cru que le Saint Graal de l’année serait la veste officier (et puis finalement : non). Et je ne te parle même pas de la malédiction du sabot pour l’été qui s’annonce…
Tu me vois venir : qu’est-ce qui nous pousse à aller dans le sens de la tendance ? Quel est le truc qui se met à squatter insidieusement nos esprits pour que l’on se réveille un matin en se disant que bordel, on se mettrait bien un petit short en jean grungy sous la dent, là ?
C’est la faute à la socié… au conformisme !
Je vais te dire, et ne hurle pas : le conformisme. Celui-là même qui lie tous les groupes d’appartenance. Et ne viens pas me crier l’argument de l’originalité, si l’on est l’original de quelqu’un, on est aussi toujours le conforme d’un autre
. Tu l’as compris : tout est une question de groupe d’appartenance. La mèche de cheveux noire est à l’emo ce que les espadrilles sont aux bobos pendant l’été.
En d’autres termes, nous sommes tous des cibles d’influence, tous soumis à des pressions sociales qui ne sont pas forcément explicites et qui nous poussent à ajuster nos opinions et attitudes (que celle qui ne s’est jamais dit « les spartiates me boudinent les pieds et me font un bronzage strié certes, mais quand même : c’est joli » me noie dans du Petit Gervais fraise-banane). Et nous finissons quasi-inéluctablement par céder à l’appel du conformisme, à la fois pour éviter le conflit et ne pas être rejeté par la majorité, nous dit Asch (chercheur en psychologie sociale de son état).
Le conformisme selon l’expérience de Asch
Pour preuve : en 1951, le chercheur réunit huit personnes dans une même salle pour les soumettre à une expérience sur la perception visuelle (comparer la hauteur d’une ligne tracée sur un carton avec trois autres lignes présentées sur un deuxième carton – déterminer celle des trois qui était semblable à la première)…
Chaque individu donnait sa réponse à haute voix à tour de rôle. Parmi eux, sept « complices » du chercheur chargés de donner une réponse fausse, et un individu « naïf » ignorant tout de la procédure. La finalité : observer comment ce sujet-là allait réagir alors que toutes les personnes autour de lui affirmaient un fait qui contredisait sa propre perception de la réalité. Les résultats furent édifiants : 77% des individus se rangent au moins une fois du côté de la majorité, et un individu sur trois émet systématiquement une réponse conforme à celle du groupe. La pression sociale pourrait bien nous faire affirmer « 2+2=1 », autrement dit, pour peu que notre entourage le dise aussi. Tu vois pourquoi la lancée du sabot sur le marché est une petite mort annoncée ?
Finalement, la vraie question at the end of the day, c’est surtout de savoir si c’est si grave, tout ça. Oui, peut-être que nous nous collerons tous des canotiers sur la tête, des spartiates aux pieds, tout ceci agrémenté d’une robe nude qui nous donnera l’air aussi affable que Morticia Adams. Peut-être qu’emportés par l’engouement général, nous avons tous regardé de près ou de loin les performances des Bleus pour le Mondial. Peut-être même que nous chantons tous du Lady Gaga sous la douche, mais ne jurons que par Courtney Love en public. Peut-être que se rendre compte de notre conformisme nous aidera un peu à dédramatiser.
Ce que je voulais surtout vous dire, c’est que si je prévois de me délecter des aventures Secret Story, c’est pas vraiment moi, c’est le conformisme.
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