Il est « le monstre qui se cachait au vu et au su de tous. »
C’est ainsi que Rolling Stone titre son enquête sur le chanteur Marilyn Manson, pour laquelle les journalistes ont réalisé plus d’une cinquantaine d’interviews pendant neuf mois.
Elle passe en revue la carrière toute entière d’une des rock stars les plus controversées d’Amérique, qui depuis quelques années est visée par une douzaine d’accusations de viols, de violences conjugales et d’agressions sexuelles, notamment de la part de plusieurs anciennes compagnes, comme l’actrice Evan Rachel Wood. Accusations que l’artiste nie avec véhémence.
Il avait notamment affirmé que ces dénonciations sont « d’odieuses manipulations de la réalité » et que ses relations « ont toujours été entièrement consenties et partagées » :
« Peu importe comment — et pourquoi — certaines choisissent de tordre le passé, c’est ça la vérité. »
Marilyn Manson
Cette nouvelle enquête de Rolling Stone vient s’ajouter aux précédentes investigations. Elle permet de voir sous un autre jour les outrances grandiloquentes et les provocations dénonçant le puritanisme américain de Marilyn Manson. Le personnage qu’il s’est créé pour la scène semble loin d’une fable artistique.
Séquestration
L’une des accusatrices, Ashley Walters, ancienne assistante du chanteur, a raconté pour la première fois que Marilyn Manson l’enfermait dans ce qu’il appelait la Bad Girls’ Room, une pièce entièrement insonorisée dans son appartement de West Hollywood.
Il ne s’en cachait pas, selon elle : « Il en parlait en blaguant, en se vantant. » En effet, des traces existent jusque dans la presse, qui ne relevait étonnamment pas le problème à l’époque : Marilyn Manson parlait sans complexe de cette petite pièce dans cette interview en 2011 pour V Magazine.
Début 2021, la chanteuse Phoebe Bridgers avait raconté cette anecdote sur une autre pièce particulièrement terrifiante de sa demeure :
« Je suis allée chez Marilyn Manson quand j’étais ado avec des amis. J’étais une grande fan. Il a parlé d’une pièce dans sa maison comme de la chambre à viol, j’ai pensé que c’était juste son horrible sens de l’humour de membre de fraternité. J’ai arrêté d’être fan. »
Phoebe Bridgers
Des proches de Brian Warner, nom légal de Marilyn Manson, racontent un rapport aux femmes malsain : il enregistrait ses conquêtes pendant des relations sexuelles et diffusait les bandes ou menaçait de viol une femme après un canular téléphonique avec son ami le bassiste Jeordie White — lui aussi accusé de viol par une ex-compagne.
L’enquête rappelle aussi que les paroles de ses chansons racontent déjà toute sorte de violences, et cultivent des références, parfois sous couvert d’humour, portées sur le viol.
Un personnage qui suscite encore la peur
Tout était-il déjà sous nos yeux ? Le mélange de fascination-répulsion pour le personnage de scène a-t-il contribué à nous faire détourner le regard pour ne retenir que l’artiste et son œuvre et ne pas voir l’homme et ses agissements ?
Les journalistes de Rolling Stone se sont aussi entretenus avec celles et ceux qui restent fidèles à Marilyn Manson et qui prennent sa défense. Mais l’enquête précise aussi que certaines personnes ne sont pas encore prêtes à parler de ce qu’elles ont vécu et souhaitent protéger leur santé mentale.
L’actrice Esmé Bianco, une de celles qui accusent Marilyn Manson, conclut l’article :
« Parce que ses victimes se sont sentis complètement honteuses et qu’elles n’ont pas compris ce qui leur arrivait avant qu’il ne soit trop tard. Il en parlait au monde entier et personne n’a essayé de l’arrêter. »
Esmé Bianco
Comme un appel à mettre un terme à l’omerta sur les agissements de Brian Warner — et l’impunité auto-déclarée de Marilyn Manson.
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Crédit photo : Andreas Lawen, Fotandi, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
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