Mariés au premier regard est une émission diffusée le lundi soir sur M6.
Le concept est quand même saugrenu quand on le découvre pour la première fois : des individus se marient civilement sans connaître leur partenaire, censé être la personne la plus compatible selon d’obscurs tests de personnalité.
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Faute d’outil pour la regarder, je n’avais pas suivi la première saison en 2016.
Qu’est-ce qui m’a du coup amenée à allumer la télévision pour cette nouvelle édition ? La curiosité, et sans doute une pointe de fascination pour l’audace du concept.
Il sonne sensationnel, et j’ai toujours été une happée par les codes marketing. Mariés au premier regard s’attaque à la tradition : le mariage ! La robe blanche ! La pièce montée ! L’ouverture de bal ! Le tonton bourré !
J’adore l’audace, et j’aime surtout voir ce que ces émissions peuvent nous apprendre, alors je me suis lancée.
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Plutôt familière des télé-réalités depuis mon plus jeune âge (le lancement de Loft Story en 2001, j’étais là), je pense pouvoir affirmer être franchement au point sur les différents profils type qui font les belles heures de ces divertissements : il faut généralement de la grande gueule, des gens manipulateurs ou d’autres très fantasques.
Mon œil affûté distingue vite les exagérations, le scénario, et s’amuse des disputes qui sont surtout là pour mettre un peu d’ambiance et satisfaire la soif de récréation du téléspectateur.
Je m’attendais donc précisément aux paillettes, aux confrontations, aux caricatures peut-être aussi. D’ailleurs, l’année dernière, Anouk écrivait un article loin d’être élogieux au sujet de l’émission. Je partais sur des a priori négatifs.
Sauf que j’ai été très surprise.
Des participant•es et non des candidat•es dans Mariés au premier regard
Dans mon analyse, je vais écarter les « spécialistes » qui interviennent, qui n’apportent rien à l’émission si ce n’est des lieux communs voire quelques tonalités sexistes. Intéressons-nous plutôt aux participant•es de l’aventure !
Quand les premiers portraits des futurs mariés sont brossés à l’écran, on ne se retrouve pas du tout face à des candidat•es qui ont pour projet de faire de la télé-réalité leur gagne-pain, en enchaînant les saisons des Anges de la télé-réalité ou des Marseillais vs le reste du monde.
Loin de là !
En un coup d’oeil, ce qui est frappant, c’est la simplicité des futurs époux. Ils sont bibliothécaires, gérant•es de leur société, éducateurs sportifs. Ils vivent ou non encore dans leur famille, avec laquelle ils entretiennent des liens forts. Ils ont leur culture, leur histoire.
Ces individus ne semblent être ni en quête de gloire, ni trop naïfs pour se faire utiliser par un concept voyeur.
Ils ont surtout l’air désabusés, déçus par leur vie affective, nourris par leur passé vraisemblablement douloureux, et finalement, surtout un brin aventuriers.
On se rend vite compte que pour certain•es, la quête de l’amour est une priorité couplée à une souffrance, et que ces participant•es voient dans Mariés au premier regard la possibilité d’expérimenter autre chose, qu’ils n’auraient jamais pu connaître sans l’émission.
Et c’est leur sincérité qui transpire à l’écran quand ils apprennent devant les caméras qu’un ou une partenaire leur a été trouvée.
Qui sommes-nous, de fait, pour juger de leurs démarches et de ce qu’ils entreprennent pour leur bonheur ?
Mariés au premier regard repense les traditions sans les trahir
Mariés au premier regard choque peut-être pour le fait que l’émission s’en prend directement aux « liens sacrés du mariage ».
Oui mais voilà : en 2017, ces liens sont sacrés pour certain•es, mais pas pour d’autres. Et ni un côté ni l’autre n’a raison : chacun mène sa vie comme il l’entend, même si cela consiste à s’approprier les traditions.
Mais il faut apporter une nuance dans le cas précis des candidat•es de Mariés au premier regard, et surtout leur rendre leur sens des responsabilités.
https://twitter.com/thelittledimple/status/927647626945875968
Si la démarche est étonnante parce que le ou la partenaire n’est pas choisi•e pour le mariage, la notion d’engagement est bien ancrée dans l’esprit des participant•es.
Elle n’est pas prise à la légère, loin de là ! En témoignent les crises d’angoisse ressenties et l’émotion très vive au moment de découvrir celle ou celui à qui passer la bague au doigt.
L’union passe même avant l’intimité, avant le sexe.
Et malgré la précipitation de la démarche, des sentiments semblent aussi naître en eux :
Il est aussi très intéressant de voir l’importance accordée à la famille dans le programme : elle est source de soutien comme de pression. Elle essaye d’influer la décision finale ou se montre parfaitement impartiale.
Et cela nous touche nous-mêmes, ou nous agace, bien lotis derrière notre écran.
Ces jeunes trentenaires, nourris par leur culture (notamment télévisuelle), ont ainsi décidé de prendre leur vie en main d’une manière qui peut nous heurter dans nos repères. Qu’est-ce que cela implique ?
Les vrais gens débarquent à la télé
Ces personnes qui s’apparentent finalement à celles de notre entourage étaient à mon sens déjà mise en avant dans des émissions comme Koh-Lanta, L’Amour est dans le pré ou le Meilleur pâtissier.
Ces programmes cherchent à valoriser l’humain avant tout, et à susciter l’attachement des téléspectateurs.
Mais la présence de Madame et Monsieur-tout-le-monde dans des émissions qui remettent autant en question les traditions est particulièrement intéressante.
Elle témoigne d’une mutation de la société, des envies et des rêves d’aujourd’hui, et force à réfléchir sur ce qui construit socialement les gens dans un pays développé comme le nôtre.
À l’heure où le destin est forcé (surtout dans les grandes villes) pour faire de nouvelles rencontres amoureuses grâce aux applications de rencontre, quel est le nouveau conte de fée moderne ?
Quel est le nouveau romantisme propre à la rencontre, quand cela demande surtout d’écrémer les profils Tinder qui ne sont pas sur la même longueur que soi ?
Et si ça n’était pas cette folie de se marier avec celle ou celui que les pourcentages nous présentent comme étant l’élu•e, de l’avoir immédiatement pour soi, sans craindre que la personne n’ait envie que d’un plan cul ?
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Et quelle place accordée à l’accord de sa famille dans notre quête du bonheur ? Peut-on, nous-mêmes, distinguer lorsque celle-ci tente de nous influencer, de la même manière qu’elle essaye parfois d’orienter la décision finale des futurs époux ?
Cette pratique du mariage scientifiques peut paraître autant moderne que terriblement obsolète si on la rattache aux mariages arrangés, alors je ne propose aucune vérité absolue à travers cet article.
Mais le procédé d’identification très fort qui s’opère et les tentatives de bousculer les codes qui régissent nos fonctionnements sociaux depuis tellement longtemps méritent qu’on regarde l’émission avec du recul !
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- L’épisode 3 sera diffusé le lundi 20 novembre 2017 à 21h sur M6
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«Mariés au premier regard» a un problème avec le consentement