Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… et féministe par certains aspects ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur rapport à l’argent et de leur organisation financière en couple ou en solo. Aujourd’hui, c’est Marguerite qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Marguerite
- Âge : 35 ans
- Métier : Éducatrice spécialisée au sein d’une association
- Salaire net après prélèvement à la source : 1 550 € par mois
- Lieu de vie : Un appartement de 44 m2 dans une petite ville
- Famille : sa fille de 3 ans et leur chat
Les revenus de Marguerite
Marguerite est éducatrice spécialisée pour la même association depuis plusieurs années. Au quotidien, elle accompagne des demandeurs et demandeuses d’asile ainsi que des personnes réfugiées. Son salaire s’élève à 1 550 € mensuels.
« Je ne m’estime pas bien payée au vu de l’emploi que j’occupe et du coût de la vie qui ne cesse d’augmenter. Je suis mère seule et mes revenus couvrent mes charges mensuelles, je ne peux pas vraiment me faire plaisir avec ce que je gagne.
Je ne pense pas être pauvre, je me dis qu’il y a pire. Mais parfois, j’ai honte car je n’ai pas le même niveau de vie que la plupart de mes amis qui sont soit en couple (avec deux salaires), soit sans enfant (avec moins de dépenses). »
Pour augmenter ses revenus, elle envisage de changer de secteur d’activité :
« Je ne vois pas d’évolution possible : le social, ce n’est pas le genre de secteur où on peut demander une augmentation ! »
Son salaire est complété par environ 140 € de prime d’activité, 100 € de pension alimentaire versée par la CAF – le père de sa fille ne participant pas aux frais – et une allocation de garde d’enfant de 560 € par mois.
En tout, elle gère donc un budget de 2 358 € chaque mois.
Se séparer d’un homme violent
S’il y a quelques années, Marguerite avait une épargne sur laquelle se reposer, sa rencontre avec le père de sa fille a eu pour effet de dégrader fortement ses finances :
« Avant de le rencontrer, je me débrouillais seule financièrement. Mais sa précarité a eu un gros impact sur mes finances lorsque j’étais avec lui (RSA, dettes CAF, frais voiture…), ce qui a entraîné une dégringolade de mon épargne.
Je l’ai quitté en urgence suite à des violences, et j’ai eu beaucoup de difficultés à retrouver un logement. Depuis, j’ai eu du mal à remonter la pente financièrement. Aujourd’hui, j’ai rééquilibré ma situation, mes découverts bancaires sont moins importants qu’avant, mais je peine à mettre de côté. »
Les dépenses de Marguerite
Marguerite a la garde à temps plein de sa fille, son père ayant un droit de visite et d’hébergement un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.
Chaque mois, sa dépense la plus élevée est assignée au mode de garde de sa fille : celle-ci est prise en charge par une assistante maternelle, ce qui lui coûte 659 €. À ce titre, elle touche une allocation CMG de 559 €, laissant 100 € mensuels à sa charge.
Vient ensuite son logement, qu’elle a eu de grandes difficultés à trouver après s’être séparée de son ex-conjoint :
« J’ai peiné à retrouver un logement en pleine période de COVID. Au vu de mes revenus et du prix des loyers, il m’a fallu 6 mois pour qu’une conseillère immobilière me fasse enfin confiance. Je n’ai pas pu accéder à autre chose qu’un T2, en rez-de-jardin d’un immeuble récent.
L’appartement fait 44 m2 et nous n’avons qu’une chambre, qui est pour ma fille. Je dors dans le salon sur un clic-clac. »
Pour cet appartement, elle paie un loyer de 506 € par mois. Mais après avoir constaté cette difficulté à se loger, elle a envisagé une autre option :
« Ce mois-ci (juin), je vais signer l’acte authentique du terrain que j’achète pour mon projet de construction, dans une ville où l’immobilier était plus accessible, et où je travaille. Je me suis rendu compte que le remboursement de crédit immobilier n’allait me coûter que 70 € de plus que mon loyer, donc autant investir ! La construction va commencer en juillet 2022. »
Côté courses, son panier mensuel moyen lui coûte environ 300 €, principalement dans des supermarchés discounts ou à proximité :
« Dans mon caddie, j’ai surtout des produits alimentaires. Épicerie salée et sucrée avec de longues dates de conservation, surgelés, beaucoup de laitages pour ma fille, produits pour les animaux et produits d’entretien, plats préparés pour les repas du midi à mon travail…
J’essaie de faire au maximum des courses utiles et nécessaires, et j’aimerais réduire ces dépenses. Mais parfois, quand je ne me sens pas bien, je peux faire des achats alimentaires « compulsifs » (biscuits, friandises, chocolats…).
J’ai acheté peu de produits frais cette année, car je n’avais pas beaucoup de temps pour faire la cuisine, mais je compte m’y remettre à la prochaine rentrée. »
Marre de dire « Je ne peux pas, j’ai pas le budget »
Pour se déplacer, Marguerite débourse 286 € chaque mois. Cela comprend un abonnement SNCF à 126 € par mois, ainsi que 160 € d’essence pour se déplacer en voiture, un budget qui baissera après son déménagement :
« Une fois que mon logement sera construit, je serai beaucoup plus proche de mon lieu de travail et je compte m’y rendre en vélo : plus d’abonnement SNCF, et les frais d’essence baisseront considérablement. »
Ses factures courantes pour l’eau, l’électricité et la taxe aux ordures ménagères représentent 90 € sur son budget mensuel. Elle dépense environ la même chose (92 €) pour ses abonnements internet, son forfait mobile ainsi que des abonnements à Netflix, Spotify, Salto et Google Drive. Ses assurances pour son logement, sa voiture et son prêt immobilier représentent 96 € par mois.
Enfin, ses frais fixes comptent 14 € de redevance TV lissés sur l’année, et 16 € de frais bancaires. Elle rembourse aussi aussi 40 € pour un un PC acheté en plusieurs fois, et pour l’avance sur le prêt de son futur logement.
Elle compte en moyenne 60 € de sorties par mois pour elle et sa fille, ainsi que d’éventuels restaurants. De manière générale, elle doit se priver de plaisirs ou de sortie avec ses amis :
« Quand on me propose des sorties, j’essaie de ne pas refuser, mais cela peut rapidement impacter négativement mon budget. Après, je culpabilise, en me disant que j’aurais pu faire l’effort de me priver. Et quand je refuse, je suis triste de ne pas partager ces moments avec mes amis. J’en ai marre d’être dans le discours « désolée, je ne vais pas pouvoir, je n’ai pas le budget ».
Elle se réserve par ailleurs 30 € par mois de budget pour les cadeaux ou jouets à sa fille.
Le rapport à l’argent de Marguerite
Au gré de sa relation avec le père de sa fille, Marguerite a pu se retrouver avec des découverts élevés qu’il lui a fallu du temps pour combler :
« Pendant plusieurs années (surtout la période vécue avec le père de ma fille), je pouvais être à découvert entre 500 et 700 € par mois. Après la séparation, j’ai petit à petit rebouché mon découvert.
Aujourd’hui, il arrive que je sois dans le négatif de 100 ou 200 € en fin de mois. Mon but est de ne plus en avoir, mais ça prend du temps. Le plus difficile est l’après-période de noël, où je me retrouve systématiquement à découvert. En général, les 5 ou 6 mois qui suivent servent à remonter tout ça ! »
Pour tenir son budget, elle fait attention à toutes ses dépenses, et calcule à l’euro près :
« J’ai allégé mon budget de tout ce que je pouvais. Avant je voyageais beaucoup, maintenant je n’en fais plus, j’ai enlevé la télé de mon logement pour pouvoir baisser mon abonnement box et ne plus avoir à payer les prochaines redevances télé…
Pour l’électricité, j’ai changé mon mode de vie pour faire des économies : je débranche systématiquement tous les appareils électriques dont je ne me sers pas, et les rebranche seulement quand je les utilise. Et en hiver, je ne mets presque plus le chauffage électrique, ou alors au minimum pour maintenir une température ambiante de 18-19°. Sinon, je chauffe uniquement la chambre de ma fille en hiver. Ces méthodes m’ont permis d’économiser environ 20€ sur chaque facture mensuelle d’électricité. »
« En cas de coup dur, ma mère est là pour m’aider »
En cas de coup dur, Marguerite peut compter sur l’aide de sa mère, qui lui a transmis des valeurs importantes sur les questions d’argent :
« Ma mère nous a inculqué de belles valeurs. Elle nous a toujours appris à travailler, être indépendants, faire attention à notre argent, à s’assurer une stabilité.
Elle m’aide énormément. Par exemple, elle peut nous proposer (à ma fille et moi) de partir en vacances ensemble et c’est elle qui paye les plus grandes dépenses. Cela lui fait de la peine de nous voir nous priver, moi et ma fille. Elle m’a aussi aidé quand j’ai eu de gros coups durs (ex : accident de voiture et véhicule irréparable). Elle peut me proposer de me prêter de l’argent que j’essayerai de rembourser quand je pourrai. Quelques fois, elle fait l’impasse sur le remboursement, mais je nourris toujours l’espoir que je lui revaudrai ça !
Toute son aide est difficile à accepter pour moi, car j’ai 35 ans, et que je rêve de pouvoir me débrouiller seule. »
L’épargne de Marguerite
Chaque mois, Marguerite essaie d’épargner entre 50 et 100€ pour avoir une petite sécurité au cas où :
« En cas d’imprévu financier, je peux être amenée à piocher dans mon épargne rapidement. J’avais réussi à économiser environ 2 300 € en cas de tuile, mais dernièrement, j’ai dû payer une facture et un acompte pour mon projet de construction. Maintenant, il ne me reste plus que 1 400 € d’épargne. »
Elle a aussi ouvert un compte bancaire pour sa fille, pour l’aider à sa majorité :
« Je fais des virements mensuels de 20 € sur un compte pour elle, depuis sa naissance. J’ai calculé que cela permettra d’atteindre 4 320 € quand elle aura 18 ans, et ainsi payer son permis de conduire par exemple. J’espère pouvoir augmenter les versements quand j’aurai plus de revenus. »
Pour l’avenir, elle compte tout d’abord devenir propriétaire de son logement :
« Mon projet est de voir l’aboutissement de la construction de mon logement, et y vivre avec ma fille me permettra de me dire que j’ai au moins ça à moi. Si tout s’écroule, on aura quand même un toit sur la tête. »
À long terme, elle envisage aussi de changer de métier, quand sa situation sera stabilisée :
« J’ai envie d’améliorer ma situation financière ces prochaines années pour assurer un avenir à ma fille, à ses envies.Pour cela, il faudrait que je change de travail.
J’ai hésité à me lancer dans une formation en lien avec le web et devenir auto-entrepreneur ; mais pour le moment, la prise de risque me fait trop peur. Sûrement parce que je crains de traverser une période encore plus précaire. Et avec tout ce que j’ai engagé à côté (crédit immobilier), je me dois d’être responsable et préfère attendre que cela se tasse pour envisager un changement de vie professionnelle. »
Merci à Marguerite d’avoir répondu à nos questions !
Si jamais vous souhaitez commenter cet article, rappelez-vous qu’une vraie personne est susceptible de vous lire, merci donc de faire preuve de bienveillance et d’éviter les jugements.
Pour participer à la rubrique, écrivez à [email protected] avec une petite présentation, nous vous répondrons avec la marche à suivre !
Crédit photo : Pexels / Pixabay
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Tiens, par ex, pour la nourriture, perso, je suis végétarienne et j'ai un potager, et je récupère gratuitement les fruits et légumes jetés de l'épicerie bio de ma ville, je viens de faire 6 pots de confiture d'abricots bio comme ça, alors tout le monde doit faire comme moi alors
J'ai pas d'enfant, c'est la plus grosse économie, du coup, on doit suivre mon exemple?
Faut pas être aussi jugeante sur la situation finançière des gens. et lui demander de se priver des rares plaisirs, c'est cruel