Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant, et par certains aspects féministes. Dans notre nouvelle rubrique Règlement de comptes, des femmes viennent éplucher leur budget, nous parler de leur organisation financière en couple et de leur rapport à l’argent. Aujourd’hui, c’est Margaux qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom d’emprunt : Margaux
- Âge : 27 ans
- Métier : Actuellement au chômage (elle monte un projet agricole), adjointe au maire, et gestionnaire de gîte et de chambres d’hôtes
- Revenu mensuel : 3.740€ à deux (lissés à l’année)
- Famille : Son mari, deux chats, deux chiens et deux chevaux. Margaux et son mari sont childfree, ils ne veulent pas d’enfant.
- Lieu de vie : Une grande maison à la campagne dont elle a hérité, avec un gîte attenant
Les revenus de Margaux et de son mari
Après un BTS agricole, Margaux a longtemps travaillé dans la grande distribution, en tant que serveuse dans les rayons traditionnels. En 2017, elle a trouvé un emploi dans un syndicat agricole. Elle y a passé trois ans, avant de le quitter pour se lancer dans une création d’entreprise. Aujourd’hui, elle touche donc une allocation chômage à hauteur de 899€ par mois.
« J’ai quitté un emploi stable ( CDI) et bien rémunéré ( 16€/heure) pour le saut dans l’inconnu : je compte m’installer comme agricultrice à partir du printemps 2021. »
En parallèle, elle exerce un mandat d’adjointe au maire dans son village de 500 habitants, pour lequel elle touche une prime de 225 € par mois, qu’elle dépense en partie dans des frais liés à l’exercice de cette fonction : divers abonnements à la presse locale, par exemple.
Elle touche aussi un revenu issu de la location du gîte attenant à la maison familiale dont elle a hérité et de deux chambres d’hôtes, dont les bénéfices varient selon les saisons, mais qui lui rapportent environ 900€ par mois.
En moyenne, son revenu net mensuel s’élève donc à 2.040€ par mois, et elle s’estime très chanceuse d’être propriétaire de son logement.
Son mari, quant à lui, est fonctionnaire et gagne 1.700€ par mois.
L’organisation financière du couple
Après six ans de vie commune, Margaux et son compagnon se sont mariés en septembre 2020 avec un contrat de séparation des biens : pour eux, il est très important d’avoir des comptes à part, au cas où.
« Nous avons fait ce choix car nous savons que, même si tout va bien dans le meilleur des mondes quand on s’entend bien, il était essentiel de pouvoir assurer nos arrières en cas de séparation ou de décès. Pour le monde extérieur, ça peut paraître très “cruel”, mais lorsque l’un de nous achète ou investit dans quelque chose, il met la facture à son nom et uniquement le sien pour faciliter le partage. »
Au quotidien, ils ont des comptes séparés dans deux banques différentes. Ils ont un compte commun, qui a servi aux préparations de leur mariage, mais ne s’en servent pas au quotidien.
Chacun gère des charges différentes liées à leur mode de vie. Margaux s’occupe des dépenses liées à la maison, et son mari paie les courses alimentaires pour eux et pour leurs animaux de compagnie, ainsi que leurs loisirs. Avec ce fonctionnement, leurs dépenses sont réparties assez équitablement.
« J’avais fait un tableau sur plusieurs mois pour observer si notre mode de fonctionnement était égalitaire, et il l’est à 50€ près suivant les mois. Il nous convient donc à tous les deux. »
Les dépenses de Margaux et de son mari
La maison et son entretien sont une source de dépenses assez élevées pour le couple. Margaux ayant hérité des deux tiers de la maison, elle ne rembourse pas de crédit pour sa propriété, mais prend en charge les travaux qui y sont nécessaires, et rembourse pour cela un prêt à hauteur de 178€ par mois.
Du côté de son mari, un crédit de 478€
mensuels lui permet de racheter le dernier tiers de la maison au frère de Margaux, et d’en être propriétaire aussi.
Les charges liées à la maison sont financées par les revenus de la location saisonnière, gérée par Margaux. Elle explique :
« Historiquement, toutes les charges attenantes à la maison étaient prélevées sur le compte de la location saisonnière. Nous avons gardé ce système, et cette activité-là me permet de payer les charges. Je paie donc l’électricité, l’eau, le chauffage, Internet, les impôts fonciers et taxe d’habitation, les assurances, l’auxiliaire ménagère… »
En plus de ces crédits, leurs frais mensuels liés à la maison s’élèvent à environ 500€, soit un sixième des revenus du ménage. Le deuxième poste de dépense le plus élevé est celui des courses alimentaires, que son conjoint prend en charge entièrement, et qui comptent pour 400€ de leurs dépenses mensuelles.
Côté loisirs, Margaux et son mari ne se restreignent pas
Pour leurs loisirs personnels aussi, Margaux et son mari font comptes à part. Cette amoureuse de l’équitation dépense pour ses deux chevaux (une jument assez âgée, qui broute tranquillement dans son pré, et un cheval de sport, avec lequel elle fait de la compétition et qui engendre un peu plus de frais) environ 200€ par mois en matériel d’équitation, en plus des 100€ d’alimentation et de vétérinaire qu’elle prend déjà en charge.
Elle raconte aussi craquer souvent pour de petites dépenses : du maquillage, des vêtements…
Les loisirs qu’ils partagent comme les restaurants ou les cinémas étant à l’arrêt à cause de la situation sanitaire, son conjoint dépense peu de ce côté-là. De nature plus économe, comme le raconte Margaux, il est cependant passionné par les voitures et ses frais d’assurances pour ses véhicules sont assez élevés : 68€ par mois. Le couple aimerait réduire ces dépenses, notamment en prenant le temps de faire des devis, et de prendre des rendez-vous avec des assureurs pour trouver la solution la plus avantageuse.
De manière générale, Margaux explique être assez attentive aux bonnes affaires, mais avoir un mode de vie assez simple.
« Je suis globalement toujours à l’affût des moyens de diminuer les charges, ce qui fait que nous pouvons nous faire plaisir sans trop nous priver. Nous avons un mode de vie assez simple, qui n’appelle pas vraiment aux grosses dépenses : le fait d’être à la campagne nous tient assez éloignés des frais de plaisir un peu “superflus” comme les livraisons de nourriture, ou le shopping dans les gros centres commerciaux. »
*En rouge, les dépenses de Margaux, en bleu, celles de son mari
Au sein du couple, des rapports très différents à l’argent
La jeune femme raconte avoir un rapport très différent à l’argent de celui de son mari, notamment sur la question de l’épargne. Elle qui n’épargne plus depuis qu’elle est au chômage, mais réussissait, quand elle était salariée, à mettre de côté une centaine d’euros par mois, n’économisait que pour réinvestir dans des projets à court ou moyen terme.
« Généralement, j’épargne si j’ai un projet d’investissement derrière. Pour moi, de l’argent bloqué sur un compte— sachant qu’en plus ça ne rapporte plus rien aujourd’hui — ne sert pas à grand-chose. Il est plus utile dans la rénovation des peintures, des menuiseries, de nouveaux appareils électroménagers, ou des travaux de home staging. En ce moment, j’aimerais bien m’offrir un vélo électrique, j’essaie d’épargner pour ça ! »
Son conjoint, à l’inverse, est plutôt du genre fourmi : il dépense peu et épargne beaucoup. Cela dit, l’argent n’a jamais été un sujet de disputes ou de cachotteries pour le ménage.
« Nous parlons facilement d’argent, ce n’est pas un sujet tabou. Et surtout, nous avons un système égalitaire ou personne ne paie plus que l’autre. Il n’y a pas non plus de complexe autour de qui gagne le plus…
Comme nous avons nos comptes séparés, nous partons du principe que chacun fait ce qu’il veut avec son argent, tant que la situation financière du couple n’en pâtit pas. Il voit bien les nouveaux tapis de selle qui s’accumulent dans ma sellerie… Mais l’accepte ! »
La reconversion de Margaux, un gros poste de dépenses
La question de la création d’entreprise de Margaux m’a interpellée : comment organise-t-elle et prend-elle en charge ce changement de mode de vie, sans épargne ni partage des charges avec son conjoint ? Revenant sur ce choix, elle m’explique :
« L’opportunité de me lancer à mon compte s’est offerte à moi plutôt par hasard. Je n’avais donc pas du tout mis d’argent de côté en prévision ! J’ai rencontré des agriculteurs qui partaient à la retraite, mais souhaitaient louer leur ferme plutôt que la vendre.
La situation me convenait parfaitement : je n’avais pas besoin d’acheter, et donc d’investir énormément d’argent. À la location, je devrais payer environ 4.000€ par an de fermage, pour un bail de 18 ans, et nous verrons ensuite ! Je n’ai que le matériel à acheter, et quelques travaux à faire. En effet, je transforme cette ancienne exploitation bovine en exploitation équine. Le projet global devrait me coûter 130.000€. »
Pour financer ce projet, elle explique avoir recours à un prêt familial en plus d’un prêt bancaire.
« J’ai la grande chance que ma maman m’aide à financer environ la moitié du projet avec un prêt familial : je n’aurai que 70.000€ à emprunter à une banque, l’autre partie étant remboursée, sans intérêts, à ma mère, à hauteur de 2000€ par an. Elle a le même rapport à l’argent que moi : pour elle, c’était inutile d’avoir autant d’argent de côté sur un compte. Autant l’investir dans un projet qui ferait travailler du monde, et créerait de nouvelles choses ! »
Dans ce projet, elle est soutenue avec enthousiasme par son partenaire, qui est impatient de pouvoir l’aider en dehors de ses heures de travail. Mais comme pour le reste de leurs dépenses, tous les emprunts et achats sont séparés, et donc au nom de Margaux !
Merci à Margaux d’avoir répondu à nos questions !
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