La Marche aurait pu n’être qu’un hommage. Un film à caractère historique, en somme. On aurait pu le passer à nos enfants, à leurs enfants, et leur parler de ce temps lointain et d’une ère révolue, où le racisme était une réalité en France.
Moi-même, je n’étais pas née en 1983. Je n’avais que peu entendu parler de cette fameuse Marche avant ces dernières semaines. Mais en regardant ce film, l’histoire des marcheurs m’apparaît douloureusement familière. Le racisme contre lequel ils se sont battus, celui qui menait à ces tragiques faits divers qui ont nourri l’indignation et contribué à grossir les rangs des marcheurs, ces « faits divers » émaillent toujours notre actualité.
On s’est demandé, ces dernières semaines si « la France raciste » était de retour. Si c’est à la France des Marcheurs qu’on fait référence en parlant de « la France raciste », j’ai bien peur qu’elle n’ait jamais changé.
L’équipe du film avec de gauche à droite : M’Barek Belkouk, Olivier Gourmet, Vincent Rottiers, Lubna Azabal, Jamel Debbouze, Tewfik Jallab, Hafsia Herzi, Charlotte Le Bon et Nader Boussandel
« 30 ans plus tard, certaines de leurs revendications sont toujours d’actualité »
Ce constat clôture le film, et sonne comme une accusation. Quand est-ce que l’injustice qui a fait marcher des gens pendant 3 mois, qui a rassemblé spontanément 100 000 personnes entre Bastille et Montparnasse le 3 décembre 1983, a cessé de nous indigner ? Quand est-ce que cette France-là a cessé d’élever la voix ? A-t-elle jamais été entendue ?
Entre interrogations et revendications identitaires, certaines répliques du film résonnent cruellement d’actualité.
« Laisse les Français, ils sont chez eux ».
Les mêmes, sans doute, qui auront cherché à se faire tout petits lorsqu’un fameux débat sur « l’identité nationale » menaçait de les montrer du doigt. Comme s’ils étaient les intrus au banquet tricolore, comme s’ils avaient moins leur place dans ce pays qu’ils ont aidé à construire. Comme si leurs patronymes ou leurs clochers étaient une critique des nôtres, comme s’ils étaient moins légitimes à revendiquer leur place acquise dans la Maison France ?
Car n’en déplaise aux quelques-uns que cette vérité continue de déranger : ils sont la France autant que vous.
On aurait pu les croire disparus, et pourtant, il a suffit d’une Ministre noire pour qu’ils fassent surface (déjà avec Rama Yade), ceux qui s’imaginent garants et gardiens de « valeurs » qu’ils habillent de la noblesse des « traditions » comme pour les rendre immuables, souveraines. Comme si cet artifice suffisait à déguiser leur haine et leur peur de la différence.
« Il ne faut pas s’habituer au racisme. Jamais. »
C’est pourtant sa meilleure arme. Banalisation, habitude, que ce soit par peur, par mépris ou par haine, quand le racisme a fini de nous indigner, c’est que nous sommes en train de reculer, en tant que société.
1983 et 2013 ont tant en commun. Déjà, cette crise, qui mine et qui divise, qui complique notre tâche parce que c’est difficile de penser au bien-être de l’autre quand on se bat contre son propre mal-être. Et ils en profitent, ceux qui vous vendent des miracles qui tiennent sur un tract électoral ou une affiche de campagne. Ils vous promettent des lendemains qui chantent dans un bel unisson d’entre-soi, de « bons Français ». Les mots changent, les discours évoluent, mais les idées restent.
« Le coeur des Français s’est fermé. On leur répète à longueur de journée que c’est la crise, le chômage, la précarité. »
1983-2013, même combat.
Une blessure ouverte
1983, les Marcheurs rendaient hommage aux victimes des crimes racistes dans les villes qu’ils traversaient. En 2013, le racisme ne tue plus (autant), mais il continue de faire des victimes
. Et chacune d’entre elles rallonge d’un peu plus le chemin qu’il nous reste à parcourir, ensemble, jusqu’à atteindre cette place de la Nation.
La Marche aurait pu n’être qu’un hommage historique à un combat désormais révolu. Au lieu de cela, ce film librement inspiré de l’histoire des Marcheurs Permanents remue le couteau dans une plaie toujours béante, infectée par « la crise » mais gangrénée par notre indifférence.
Pourtant le sursaut est possible. Reconnaissons au Printemps Français le mérite de fédérer contre lui. C’est finalement un excellent moyen de construire son identité, que de se définir par opposition à l’autre. Merci aux sifflets anti-républicains et aux insultes racistes proférés par des enfants, l’innocence même pourtant, dans notre inconscient collectif.
Merci à vous de nous avoir donné les clés pour définir notre identité nationale : celle qui nous rassemble, en dépit de nos différences, envers et contre votre mépris.
Nous, la France, sommes tous ceux qui avons la volonté de « faire France », envers et au-delà de toutes nos différences. Black, Blanc, Beur, Pédé, Catho, Musulman, nous avons la volonté de vivre ensemble, et cette volonté transcende nos différences. Nous sommes la France du discours d’Eva Joly pendant la campagne présidentielle.
Les bâtisseurs de France, par Toma
1983-2013 : leurs pas résonnent encore
Suite aux appels lancés sur les réseaux sociaux par des militants d’extrême-droite, des personnes étaient présentes pour huer copieusement le Président de la République lors des commémorations du 11 novembre, du centenaire de la Grande Guerre.
Dès le lendemain matin sur I-télé, Marine Le Pen rebondissait opportunément sur l’apparente impopularité du Président pour faire valoir son analyse politique. Dans quelques mois, la campagne pour les élections municipales de 2014 battra son plein, et la présidente du Front National ne cache pas ses ambitions. Combien de mairies espère-t-elle emporter ? « Le plus possible », affirme-t-elle.
En 1983, la Marche était passée à Dreux, première municipalité à voir une alliance RPR-FN emporter la mairie (Jean-Pierre Stirbois, alors secrétaire général du FN, devient maire-adjoint en charge de la sécurité).
Les Marcheurs Permanents de la la Marche contre le racisme et pour l’égalité avaient atteint Paris le 3 décembre 1983. Partis à 17, à l’arrivée ils étaient 100 000. Décembre 2013, 30 ans plus tard, leurs pas résonnent encore. Et l’écho de leurs voix peine à se faire entendre. Il ne tient qu’à nous d’amplifier le message, nous, la France Fraternelle. 1983- 2013 : pas à pas, on avance.
Les médias et l’Histoire l’ont surnommée « Marche des Beurs », mais il suffit de voir le film pour comprendre à quel point cette marche citoyenne fut mal surnommée. C’était un mouvement civique, contre le racisme, portée par des citoyens.
La Marche sort ce 27 novembre. À voir absolument, avec vos nièces et vos neveux, avec vos tontons racistes et vos amis Facebook « décomplexés », vos parents et vos grands-parents pour qui ces réflexions appartiennent sans doute au passé. Un film cruellement d’actualité sur le racisme, un problème honteusement actuel.
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Les Commentaires
Il y a deux semaines je suis allez au festival de sarlat et j'ai pu voir en avant-première Fruitvale Station, une super film traitant d'un fais divers qui s'est passé en janvier 2008 en Amérique, il traite du racisme et il m'y a fait penser.
Puis je me demande comment on peut être aussi haineux, il est claire que dans les rues, on a tendance a se faire emmerder par des banlieusards (mot de mamie mais vous comprenez l'image) donc j'imagine que ça nourrie la haine de certains mais franchement, ce ne sont pas eux les vrais responsables, c'est surtout la société. Les gens deviennent tlmt haineux qui vont gueuler le jour du 11 novembre a Paris, réclamant "la France aux francais" alors qu'ils ne respectent même pas ceux qui l'ont défendus et qui on donner leurs vies pour elle durant 1 guerre mondiale. Tout ça n'a pas de sens et témoigne de l'absurdité du racisme.
Et pour finir en beauté, la BA de Fruistave Station nan sérieux il vaut le coup