Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… et féministe par certains aspects ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur rapport à l’argent et de leur organisation financière en couple ou en solo. Aujourd’hui, c’est Maodana qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Maodana
- Âge : 39 ans
- Métier : Sans emploi salarié, en création d’une micro ferme
- Revenu mensuel : 931 € par mois (679 € de RSA et 252 € d’allocations familiales)
- Lieu de vie : Une caravane sur un terrain prêté — officiellement domiciliée au centre d’action sociale de sa commune.
- Famille : son fils de 13 ans, sa fille de 5 ans en garde alternée, 8 poules, un coq, 17 poussins, un bouc, un chevreau, une chèvre.
Les revenus de Maodana
Maodana est en train de créer sa micro-ferme, et aspire à l’autonomie alimentaire et énergétique. Elle a mis en culture 300m2 de terrain pour des légumes et des petits fruits, et vend déjà quelques œufs et du lait de chèvre, dont elle réinvestit le gain dans de la nourriture pour les animaux.
Elle n’a pas d’emploi et ne touche pas de chômage. Ses revenus se composent d’un revenu de solidarité active de 679 € par mois, et d’allocations familiales de 252 € par mois. En tout, elle gère donc un budget de 931 € mensuels.
Si l’entretien de sa micro-ferme, de son terrain et de son potager n’est pas une tâche salariée, elle n’en est pas moins du travail pour Maodana, qui explique :
« C’est sûr que je ne suis pas riche d’argent et que si je devais comparer mes revenus avec ma quantité de travail par semaine, je me trouverais très mal payée. Mais je m’estime heureuse, je me débrouille.
Beaucoup de gens pensent que je profite du RSA, de l’État, que je suis une assistée, et souvent, je leur réponds que je fais bien plus d’heures de travail qu’eux pour des revenus mensuels bien inférieurs ! »
Le rapport à l’argent de Maodana
Il y a trois ans, Maodana a décidé de quitter le salariat. Un choix qui l’a amenée à s’interroger sur ce qu’elle avait envie de faire ensuite, et surtout, sur la manière dont elle souhaitait vivre :
« Ça n’a pas de sens pour moi de travailler pour quelqu’un, donc il a fallu que je réfléchisse à ce que j’avais le plus envie de faire pour vivre sans travailler. Être au RSA toute ma vie n’est pas une option : je me sers du RSA pour pouvoir mettre en place tout ce qui me permettra de m’en passer un jour, c’est aussi simple que cela.
Elle cultive un rapport à l’argent minimaliste. Pour elle, il est important de savoir se contenter de peu, et de pouvoir nouer des liens de solidarité autour de soi. Un rapport assez éloigné de celui que lui ont inculqué ses parents :
« Mes parents en voulaient toujours plus. Ils travaillaient beaucoup pour avoir de l’argent, et ensuite, ils dépensaient de l’argent en loisirs pour compenser le fait qu’ils n’étaient pas très disponibles pour nous, leurs enfants.
Moi, j’ai décidé de faire tout autrement. Je préfère être à la maison tous les jours, passer du temps avec mes enfants et les habituer à vivre avec peu d’argent, mais en cultivant les rapports humains. J’essaye de leur montrer qu’on peut faire du troc avec les gens, se rendre des services et passer du bon temps ensemble sans dépenser beaucoup. »
Un mode de vie avec lequel elle se sent bien plus en accord, et qui la rend heureuse. Elle s’estime très chanceuse de pouvoir vivre ainsi, avec des journées au rythme de ses animaux et de ses cultures :
« Le réveil sonne à 8h, puis il faut aller ouvrir les trois poulaillers et donner de l’eau et du grain à tout le monde. Ensuite, c’est l’arrosage du jardin. Je cultive des pommes de terre, des carottes, des haricots, des courgettes, quelques fruits… Le tout, en permaculture. C’est principalement pour notre consommation à la maison !
Ensuite, je travaille à mon autonomie : il faut couper du bois pour la cuisine, en stocker pour l’hiver, mais aussi faire divers aménagements du quotidien. Hier, par exemple, j’ai remonté un four à pizza en argile que j’avais fabriqué, avec une cheminée et deux petits feux derrière le four pour pouvoir y faire chauffer d’autres choses. Avec des amis, on a construit un petit abri pour mettre tout ça.
Il y a toujours des choses à faire. Récupérer l’eau de pluie, fabriquer un filtre pour purifier l’eau de vaisselle avant de s’en servir pour le jardin, entretenir le terrain, débroussailler…
Quand le soleil se couche, il faut rentrer les poules, et réarroser le soir quand les journées sont très chaudes. Je fais aussi beaucoup de récup, des choses que je réutilise où que je donne aux gens qui en ont besoin. »
Pour elle, il est capital de pouvoir s’organiser pour vivre selon ses moyens, plutôt que de chercher à consommer toujours plus :
« On est dans une société où on a tellement pris l’habitude de consommer, on a tellement besoin de plus, de mieux, qu’on a oublié comment s’organiser pour ne pas avoir besoin de plus d’argent. S’organiser pour avoir besoin de moins, ça permet d’être riche de ce qu’on a. Ça nous pousse aussi à chercher des solutions et à s’entraider, à ne pas avoir peur de demander des coups de main, de faire du troc, de pratiquer le prix libre. »
Les dépenses de Maodana
Maodana et ses deux enfants vivent à la campagne, sur un grand terrain qu’elle cultive. La famille loge dans deux caravanes (l’une pour elle et sa fille, l’autre pour son fils de 13 ans), et une cabane qui sert de cuisine, salon et salle de bains. Ce logement ne lui coûte rien : elle ne l’habite pas en échange d’argent, mais en échange de services comme l’entretien des lieux ou le débroussaillage.
« Je donne des œufs, du lait de chèvre et des légumes au propriétaire. Je m’estime chanceuse de pouvoir vivre sur ce terrain sans échange d’argent pour cela. »
Ses factures s’élèvent à 60 € par mois pour l’eau, l’électricité, les ordures ménagères et sa connexion internet actuelle.
« J’ai l’eau, l’électricité et internet à disposition, je paie ce que je consomme. Je cuisine uniquement au feu de bois que je trouve sur place, et je me chauffe au feu de bois l’hiver. »
Elle compte aussi 20 € par mois de frais fixes pour son abonnement téléphonique et celui de son fils, ainsi que 10 € mensuels d’abonnement internet pour son ancien logement, et 44 € d’assurance pour son véhicule.
Ses frais bancaires ne lui coûtent rien :
« Je n’ai pas de chéquier par choix, j’ai choisi une carte bleue et un compte sans découvert autorisé, comme ça je ne suis jamais à découvert, je fais avec ce que j’ai. »
Elle rembourse 50 € par mois sur six mois à un ami qui lui a avancé la somme nécessaire à acheter des chèvres :
« J’ai acheté les caprins à deux avec un voisin. Ils sont en garde alternée : un mois chez lui, un mois chez nous. »
« Je vise l’autonomie alimentaire »
Pour elle et sa famille, Maodana estime dépenser 100 € par mois en courses alimentaires
« Je bénéficie des restos du cœur une fois par semaine. J’achète aussi des légumes à la ferme la plus proche. Je fais du troc avec des voisins qui ont des surplus de légumes. Nous mangeons peu de viande, mais je vais bientôt tuer des poulets et pour le conserver autrement qu’avec un congélateur (qui nécessite de l’électricité), je vais faire du confit de poulet.
Nous mangeons aussi quelques légumes du potager. Pommes de terre, radis, fèves, carottes, fraises, pommes, salades, plantes sauvages comestibles…
Ma fille étant allergique au gluten, je dois lui acheter des produits qui coûtent cher en magasin bio ou grandes surfaces. »
Pour nourrir ses poules et ses chèvres, elle compte 150 € mensuels de budget. À terme, elle vise l’autonomie alimentaire et énergétique.
Ses déplacements en voiture lui coûtent 120 € de carburant par mois. Par ailleurs, elle estime dépenser 30 € de frais de garde par mois pour ses enfants. Elle n’a pas de machine à laver, et paie donc 40 € par mois pour la laverie.
« Je n’ai pas vraiment besoin de loisirs »
Maodana compte 100 € de budget loisirs par mois, mais elle confie ne pas en avoir beaucoup :
« Je n’ai pas vraiment besoin de « loisirs » car mes activités quotidiennes me comblent de joie, j’aime ce que je fais tous les jours et je ne ressens pas le besoin de dépenser de l’argent en loisirs. »
La plupart de ses craquages sont d’ailleurs liés à son activité de ferme… et à la cigarette :
« J’aimerais arrêter de fumer du tabac pour ne plus avoir à dépenser de l’argent dans un truc qui me ruine la santé pour rien ! Sinon, mes “craquages” financiers sont en lien avec mes activités sur la micro-ferme, s’il faut acheter des trucs pour les animaux ou le potager. Parfois, je craque aussi pour faire plaisir à mes enfants.
Il m’arrive de dépenser sans compter pour investir sur la ferme et à la fin du mois, vers le 25 je n’ai plus un centime. Mais j’arrive toujours à trouver des petits boulots par le bouche-à-oreille pour avoir un peu de sous en attendant mon RSA qui tombe le 5. »
En tout, elle compte des dépenses d’environ 789 € par mois. Elle réinvestit la majeure partie de ce qui lui reste dans la micro-ferme.
Les économies de Maodana
Chaque mois, Maodana met 20 € sur le compte de son fils, pour qu’il puisse passer son permis plus tard ou s’acheter un véhicule. Chaque année, à partir du mois de juillet, elle met la même somme de côté pour offrir des vacances à la montagne à ses enfants.
« C’est juste pour payer le gazole car je fais de l’échange de maison, ce qui me permet de ne pas payer de location. »
À l’avenir, elle espère devenir complètement autonome « sans avoir besoin de RSA ou de salaire » :
« Nous allons prendre, avec mon voisin, quelques chèvres de plus et faire du fromage. L’année prochaine, je voudrais planter encore plus de plantes aromatiques et médicinales et construire un séchoir à plantes pour les faire sécher et vendre des plantes sèches pour les tisanes. J’aimerais aussi faire des sirops avec ces plantes et des confitures. Je vais également planter plus de petits fruits (framboisiers, cassissiers, groseilliers, myrtilliers…) pour en faire des confitures.
Ensuite, un jour, quand les enfants seront grands, j’aimerais avoir un âne un jour et une carriole pour me déplacer avec mon âne et ne plus avoir besoin de véhicule à moteur. »
Merci à Maodana d’avoir répondu à nos questions !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Si l'intolérance au gluten de sa fille a été diagnostiquée par un médecin, a-t-elle prévenu la CPAM pour que ce soit enregistré sur son dossier ? Ça lui permettrait de demander le remboursement d'une partie des aliments sans gluten à la CPAM grâce au formulaire prévu à cet effet. Soit elle a un smartphone et elle pourrait alors passer par l'application ameli pour remplir le formulaire électronique soit elle pourrait appeler le 3646 pour demander qu'on lui envoie le formulaire papier.