Avec certains livres, il y a des histoires qui se créent parfois, bien avant qu’on ne les ait véritablement entre les mains…C’est le cas de Yaxin the Faun, pour moi. Cela remonte à au moins un an, j’étais encore libraire et au détour d’un livret présentant la collection Métamorphoses chez Soleil, qui ne fait que des merveilles, je me retrouve nez-à-nez avec un cerisier en fleur, et un petit faune.
Je n’ose imaginer la tête que j’ai fait à ce moment-là, un truc genre des yeux écarquillés et pleins d’étoiles comme une petite fille devant une baguette magique en plastique avec des plumes et des paillettes dans un magasin de jouets, des yeux qui disent « c’est troooop beaaaau ». Bref, en deux secondes, sans savoir de quoi ça parlait vraiment, ni rien, j’aimais déjà Yaxin the Faun d’un amour incommensurable.
De longs mois plus tard, après avoir bavé ici et là sur les extraits qui m’étaient dévoilés (par exemple sur le blog de l’auteur, mais aussi sur la page facebook de Barbara Canepa, qui dévoile au fur et à mesure toutes les merveilles qu’elle va publier, chez Métamorphoses et VenusDea), voici que j’ai Yaxin entre les mains.
Parfois quand on aime à distance, on fantasme, on a trop d’espoir, et on est déçue. Mais cette fois-ci du moins, c’est tout le contraire. Yaxin the Faun est encore plus beau, encore plus poétique et encore plus délicieux que tout ce que j’aurais pu imaginer. Je le regarde et j’ai envie de lui faire des câlins, de ce genre de câlins qui ne fonctionnaient qu’avec notre doudou préféré. Un câlin qui réconforte et qui rend la vie plus belle.
C’est l’histoire d’un petit faune et de son amitié avec un magicien. C’est l’histoire d’une enfance curieuse, d’un apprentissage. Ce sont des questions, des mystères, des découvertes. Manuel Arenas a créé tout un monde plein d’onirisme et d’enchantement, dans lequel on se perd avec délice. Yaxin, c’est un voyage, un beau rêve, un moment précieux.
Et Manuel Arenas a très gentiment pris le temps de nous en dire un peu plus, sur la (très jolie) naissance de Yaxin, mais aussi sur son parcours, et sur lui. Un immense merci à lui.
Bonjour, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous ? Qui vous êtes, votre parcours…
Bonjour ! Je m’appelle Manuel Arenas, je suis originaire des Asturies, une région du Nord occidental de l’Espagne. Je suis né par accident à Bruxelles en 1966, j’y suis retourné quelques années plus tard pour les études, c’est pour cela que le français est, d’une certaine façon, un peu ma deuxième langue maternelle.
Comme la plupart de mes collègues en bande dessinée, je suis autodidacte ; c’est la lecture compulsive de BDs dès la tendre enfance qui m’a donné l’envie de dessiner, et, c’est la combinaison de cette passion avec mon intérêt pour le cinéma qui m’a conduit très vite à vouloir en faire mon métier. Au milieu des années 80 j’ai abandonné les études pour être engagé dans un studio de dessin animé bruxellois, c’est ainsi que j’ai appris mon métier, sur le tas, par l’expérience directe sur plusieurs productions ; apprenant les bases dans les différents départements avant de me spécialiser dans le design et le story-board.
Pendant ces premières années dans l’animation, j’ai fait plusieurs tentatives en bande dessinée qui se sont toutes mal terminées, chaque expérience étant une déception artistique et personnelle, en ce temps-là je ne possédais tout simplement pas encore la maturité nécessaire pour répondre aux exigences qu’être un auteur de bande dessinée demandent.
C’est dans le cinéma d’animation que je me suis épanoui artistiquement. J’ai eu la chance d’enchaîner durant les derniers 20 ans, de nombreux long métrages et des séries de télévision à travers le monde; ce qui m’as permis d’accumuler une formidable expérience et d’avoir l’opportunité de voyager énormément, surtout dans toute l’Europe. C’est ainsi que j’ai rencontré ma future épouse en Allemagne, pendant la production d’un film à Hambourg.
L’envie de produire une bédé ne m’avait jamais quitté, envie à chaque fois postposée par manque de temps et surtout par manque d’idées suffisamment intéressantes pour tenir sur la durée souvent très longue qu’implique la fabrication d’une histoire graphique.
C’est en 2004 que le déclic c’est produit, que j’ai trouvé ma raison d’exister comme auteur de bandes dessinées. Je me suis mis à remplir des moleskines avec les idées d’univers personnels faites d’un mélange de croquis et de poèmes. En 2005, dans l’explosion des blogs, je créais «Yaxin the Faun» qui me permettait une certaine expérimentation et aussi la visibilité sur la toile de ce processus de création. Très vite, j’ai eu plusieurs éditeurs intéressés dans une possible publication de mon univers virtuel, pour finalement publier un premier livre dans la collection Métamorphoses chez Soleil grâce au soutien fanatique de Barbara Canepa. Maintenant j’essaie de mener les deux carrières (éditoriale et cinématographique) de front, ce qui est très stimulant même si ce n’est pas de tout repos.
Comment est né Yaxin ?
Yaxin est le résultat de la conjugaison d’un certain état d’esprit professionnel et d’un événement aussi insolite comme peux l’être un simple rêve.
Mon poste de production designer ou de story-boarder dans le cinéma d’animation se situe toujours bien en amont d’une production, au tout début du processus de création, ceci implique la lecture de dizaines de scénarios… à force, on finit par voir tous les trucs de scénariste pour cacher le manque d’originalité quand ce n’est pas tout simplement le manque de talent. C’est le côté pervers de l’industrie que d’imposer des schémas narratifs souvent éculés, constitué pour la plupart d’automatismes et d’une même suite de clichés… on finit par avoir l’impression de lire un même roman dans lequel seuls les noms des personnages et des lieux changent. Vers 2004, à force de travailler sans relâche, en enchaînant film après films, une certaine lassitude s’était installée et le besoin impérieux de faire autre chose que mon travail pour l’industrie de l’animation.
Je me suis mis à explorer d’autres concepts narratifs, Goethe disait : « La poésie, c’est un sentiment sur une image », cela m’a donné l’idée de combiner dessin et poésie basés sur une structure similaire aux albums de musique rock.
Cette même année, j’avais fait un superbe rêve dans lequel j’étais un faune qui assistait, sur une plage, à la naissance de son fils : le faune Gabriel… quelques jours plus tard, ma femme m’annonçait qu’elle était enceinte ! C’était comme un signe du destin… J’ai toujours aimé les mythologies, la cosmogonie des faunes, des sirènes, sphinx, gorgones et autres centaures m’ont toujours fait rêver mais j’avais besoin d’une idée originale pour pouvoir m’exprimer au travers de ces personnages. Mon petit faune de fils m’a permis de faire cela sous forme de poèmes graphiques… Yaxin était né !
Comment s’est passé le travail sur Yaxin ?
Yaxin est voulu comme un univers visuel en expansion et multi-médias, ce qui me donne la liberté d’interprétation sous formes de pages-poème, de livre, d’illustrations mais aussi en film. Pendant plus de 2 ans, j’ai développé ce monde, j’ai créé les lieux et les nombreux personnages qui le peuplent. J’ai commencé a dessiné plusieurs planches qui se voulaient des sortes de haïkus graphiques et d’autres pages très psychédéliques, pendant ce temps, j’avais demandé au scénariste et ami Dimitri Vey d’écrire le scenario pour un possible film d’animation autour du faune Gabriel. Le moteur de mon travail étant l’inspiration, le rendement est aléatoire et je n’avais aucun problème à prendre les choses comme elles venaient. C’est ainsi que cela a commencé, sans aucune sorte de pression extérieure.
Quand l’opportunité de publier deux albums chez Métamorphoses s’est présentée, ma première préoccupation fut de savoir par quoi commencer dans tout ce que j’avais déjà fait et quelle pouvait être la meilleur façon d’introduire pour un large publique le monde si particulier de Yaxin et ses personnages. L’aide de Dimitri Vey fut décisive, après de nombreuses réunions de travail, Dimitri, en bon scénariste, apportât une fine structure dramatique, une sorte de fil rouge qui tout au long des 2 livres relierait les différents moments de base qui permet d’appréhender Yaxin. Par la suite, pendant que je dessinais les planches, Dimitri travaillait les textes pour leurs donner la forme poétique que je souhaitais et surtout leurs conférer cette ampleur que l’on peut ressentir en lisant ce premier Canto .
Je pensais terminer le premier livre en 6 ou 7 mois de travail, mais, suite à de nombreux soucis de santé, la production demandât le triple du temps.
Avez-vous fait des recherches pour créer cet univers magique dans lequel évolue Yaxin, ou bien vous êtes-vous simplement laisser porter par votre imagination ?
Non, je n’ai pas fait beaucoup de recherches, Yaxin est avant tout l’expression de toute une série de sentiments et d’idée qui me sont personnelles. J’ai reçu une éducation classique, je connais les différentes mythologies d’Europe et d’Asie ; je connais quasi par cœur les récits classiques comme l’Iliade et l’Odyssée que j’adore, ainsi que les tragédies classiques de la Grèce antique. Tout cela est évidemment une belle source d’inspiration mais mon idée de base pour les faunes est plus philosophique qu’archéologique : j’ai imaginé mes faunes comme une vrai race humanoïde, à l’instar des elfes de Tolkien, avec une vie sociale et culturelle, avec une histoire, un passé… Les faunes de Yaxin ont très peu à voir avec ces créatures lubriques et cornues classiques qui passent leurs journées a courser de jeunes nymphes à demi nues.
Avez-vous de nouveaux projets ?
J’espère publier d’autres livres dans l’univers de Yaxin, en commençant par le Canto II. Je voudrais trouver un éditeur qui puisse me donner les moyens de travailler à l’adaptation bédé du « Romeo & Juliette » de Shakespeare dans sa version texte intégral …ce ne sont pas les projets qui manquent sinon le temps pour les réaliser qui me fait souvent défaut.
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