Parler d’argent, en France, c’est encore tabou. Pourtant, c’est un sujet passionnant… et féministe par certains aspects ! Dans notre rubrique Règlement de comptes, des personnes en tout genre viennent éplucher leur budget, nous parler de leur rapport à l’argent et de leur organisation financière en couple ou en solo. Aujourd’hui, c’est Manon qui a accepté de nous ouvrir ses comptes.
- Prénom : Manon
- Âge : 29 ans
- Métier : Doctorante en information-communication et freelance en communication
- Salaire net : 900 € d’allocation chômage pour elle, et 1 600 € par mois pour son compagnon
- Vit avec : son conjoint et leur fils d’un an
- Lieu de vie : Dans une petite maison entre campagne et montagne, dans le Vercors
Les revenus de Manon et de son compagnon
Manon est en train de terminer sa thèse en information-communication, qui a été financée durant quatre ans. Aujourd’hui en cinquième année de thèse, elle touche une allocation chômage de 900 € chaque mois.
« En parallèle, j’ai monté mon statut d’autoentrepreneur que je n’arrive pas vraiment à lancer par manque de temps, et je cherche un emploi. Il m’arrive aussi de donner des cours à la fac pour compléter mes revenus, mais les cours sont payés deux fois dans l’année… »
Son conjoint, quant à lui, est serveur en salon de thé et gagne un salaire de 1 600 € nets par mois. Ils perçoivent l’allocation choix du mode de garde de la CAF, mais n’en connaissent pas le montant. Celui-ci est versé en amont à leurs prestataires de garde, et ils paient le restant. Ils ne touchent pas d’autre allocation familiale bien qu’ils y soient éligibles vu leurs revenus actuels :
« Les allocations sont calculées à N-2 [ndlr, sur les revenus perçus il y a deux ans]. Il y a deux ans, on gagnait plus d’argent avec mon conjoint donc on ne touche pas d’argent, alors que c’est maintenant qu’on en a besoin. Et du coup, on y aura droit dans deux ans (quand on sera évidemment excessivement riches… ou pas). »
Pour leur famille de trois personnes, ils gèrent un budget de 2 500 € mensuel. Une somme que Manon estime plutôt dans le bas de la moyenne :
« Je m’estimais dans la moyenne jusque-là (surtout que j’ai eu un salaire à 2 500 € brut pendant 4 ans) mais quand je vois les gens autour de moi, aujourd’hui, je crois qu’on est finalement plus proches du bas de la moyenne !
J’ai essayé de garder le niveau de vie qu’on avait avant mon chômage (ne pas se priver, sortir, manger de qualité…), mais je me rends bien compte que je pioche allègrement dans l’argent que j’avais mis de côté. »
L’organisation financière de Manon et son conjoint
Pour gérer leurs finances communes, Manon et son partenaire ont chacun leur compte séparé. Ils se répartissent les dépenses à l’instinct :
« On a séparé en deux le loyer et les charges, et on paie une voiture chacun (réparation, essence, assurance). Il paie le lait et moi les couches, il paie la crèche et moi la nounou… On est un peu au feeling : comme il gagne plus, il paie un peu plus souvent les courses, et au restau, on fait chacun à notre tour. »
Les dépenses de la famille
Manon décrit ainsi son lieu de vie :
« On vit dans le Vercors une zone entre campagne et montagne. Nous logeons dans une petite maisonnette de 60 m², un deux pièces avec un joli petit jardin.
Avec le petit boy, on a dû aménager le salon en chambre. Alors adieu les apéros, parce qu’il ne faut pas faire de bruit dans la cuisine ! »
La famille est locataire de ce bien, qui leur coûte 650 € par mois :
« Là où on vit, il est devenu impossible d’acheter. Les prix ont augmenté de 250% en 3 ans… On pense donc à quitter ce territoire de mon enfance. »
Ils paient 200 € de factures par mois, qu’ils se partagent à 50/50, pour couvrir leurs charges, leur consommation de fuel pour le chauffage et leur électricité.
Leurs courses alimentaires leur coûtent environ 650 € par mois, sans compter les frais spécifiques pour leur fils. Si Manon a à cœur de tenir compte de la qualité avec du bio et du local, dans la pratique, elle privilégie souvent le prix, puis la praticité :
« On n’a pas vraiment le choix des enseignes, par chez nous. Nous avons un Netto et un intermarché (l’un des plus chers de France, bienvenue en zone touristique). Parfois, je privilégie un chronodrive que je vais chercher en ville (à 40 minutes de route) pour que ça coûte moins cher, ou je demande à des amis qui viennent nous voir de le récupérer.
Sinon, nous avons plein de fermes et de bons produits locaux, alors on se fournit beaucoup chez eux. La qualité est au rendez-vous, et le prix aussi ! Sinon, les légumes du jardin sont une bonne alternative (quand on a le temps de s’en occuper). On s’est aussi abonnés à Hello Fresh pour réduire un peu de charge mentale. »
« J’aimerais réduire le budget bébé, mais c’est impossible »
Pour les frais qui concernent leur fils d’un an, Manon et son concubin comptent un budget d’environ 265 € par mois en tout. Cette somme comprend 55 € de couches (payés par Manon), 60 € de lait (payés par son compagnon), 50 € de vêtements et d’objets de puériculture, et une centaine d’euros de frais de garde.
« Notre fils va deux jours par semaine chez sa nounou, et entre un et trois jours par semaine à la crèche selon les dispos. Mon conjoint paie la nourrice (50 € par mois), et je paie la crèche (entre 40 et 100 € par mois selon les mois). Ces montants sont déjà déduits de l’allocation CMG. »
La doctorante explique qu’elle aimerait pouvoir réduire cette somme, mais qu’elle doute d’y arriver :
« J’aimerais réduire le poste budgétaire bébé, mais c’est de l’ordre de l’impossible ! Et pourtant, je n’achète rien de neuf (merci Vinted). Par contre, je crois que je me ruine en frais de port… »
Les dépenses de Manon
Le couple compte aussi une centaine d’euros de frais d’abonnement par mois pour leur abonnement internet, leurs téléphones et YouTube Premium. Une souscription à la suite Office et à la suite Adobe font monter la note, réglée aux trois quarts par Manon.
Côté frais bancaires, elle paie 10 € chaque mois. À cela s’ajoute sa mutuelle (82 €) et ses frais d’inscription à la fac en tant que doctorante qui s’élèvent à 500 € par an.
Ses frais de transport s’élèvent à 200 € par mois, une somme qui comprend l’assurance de sa voiture et l’essence.
« On est assez loin de tout, alors on utilise beaucoup la voiture, même si on essaie de réduire depuis la folie des prix… J’ai réussi à faire baisser ces frais d’essence suite à l’augmentation en arrêtant d’aller travailler à la fac et en négociant un accès (gratuit) à l’espace de coworking de mon village. »
« J’ai dû appeler une copine pour qu’elle me rappelle ce que je pouvais faire pour moi »
Avec son budget, Manon ne fait pas souvent de folie. Ses craquages sont plutôt de l’ordre du pratique :
« Je crois que mon dernier craquage de folie est d’avoir acheté des chaussures pour mon petit gars qui va bientôt marcher, à 60 €… et elles sont trop petites !
Sinon, j’ai eu l’impression de faire un craquage de folie en allant chez l’esthéticienne. Où en sommes nous ?! »
Les dépenses dites « féminines » lui coûtent environ 15 € chaque mois :
« Mes protections périodiques sont des cups et culottes menstruelles, remboursées par ma mutuelle ! (Merci, merci). Je n’achète pas de produits de beauté, et en ce qui concerne l’épilation… j’y vais tous les 3 mois je dirais, et j’en ai pour 50 € à chaque fois. »
Quant au budget contraception, c’est son compagnon qui le prend en charge quand ils utilisent des préservatifs.
Chaque mois, Manon consacre environ 75 € à ses loisirs et sorties. La plupart de ses loisirs sont peu coûteux : promenades en montagne ou escalade sont très accessibles depuis son lieu de vie.
« Sinon, je fais (ou plutôt, je faisais) beaucoup de travaux manuels. Du tricot, de la couture… J’ai réussi à conserver la couture, et j’y consacre environ 50 € par mois en moyenne.
De manière générale, elle dépense une part minime de son budget pour elle. En atteste cette anecdote qu’elle raconte :
« Il y a 2 semaines, mon papa me donne un billet de 50 € en mode « tiens, c’est pour toi, fais-toi plaisir, c’est pas pour les courses« . J’ai été tellement démunie de pouvoir penser à moi, qu’ils sont toujours bien au chaud dans mon portefeuille. J’ai dû appeler une copine pour qu’elle me rappelle ce que je pouvais faire pour moi ! »
Les économies de Manon
Jusqu’à sa rencontre avec son compagnon, la doctorante explique avoir été très économe :
« J’ai passé mes premières années d’emploi à mettre de côté. Je vivais avec 300 € par mois (hors loyer) quand j’étais étudiante, et j’ai gardé cette habitude quand j’ai commencé à gagner de l’argent.
Je vivais dans un appartement de famille, donc ne payais pas de loyer, et j’ai fait de belles économies. Depuis que je suis en couple, je dépense un peu plus parce qu’on aime beaucoup trop les bières en terrasse ! Aujourd’hui, je suis constamment à découvert (notamment avec les dépenses de bébé), et je pioche dans mes économies… »
À l’heure actuelle, elle témoigne ne rien pouvoir mettre de côté. À l’avenir, ils ont décidé de chercher du travail du côté de la Suisse :
« On a décidé de tenter l’aventure frontalière pour gagner un peu d’argent. Je me suis toujours imaginée avoir un emploi bien rémunérateur, je ne doute pas que je vais en revenir, mais il va falloir se réveiller et se relancer ! »
Crédit photo : Caleb Oquendo / Pexels
Les Commentaires
Au delà des questions de répartition au prorata ou pas (je fonctionne comme ça depuis 27 ans, ce n'est pas parfait, mais cela nous convient. Pas de compte commun, mais un relevé des dépenses communes et un report de ce qui "dépasse" après une petite règle de 3).
Au delà donc, les dépenses du couple de Manon, si je calcule bien, sont de 2805 € par mois. Et là, c'est difficile de faire rentrer ça dans 2500 € de revenus. il y a forcement 300 € qui dépassent.
Pour que le 50/50 veuille dire quelque chose, il faudrait se baser sur ses revenus à elle, et donc rester vers les 1800 € de dépenses. Avec les chiffres donnés dans l'article, elle est forcément de sa poche d'environ 500 € pendant que son compagnon peut économiser 200 €. Ce n'est pas obligatoirement choquant si pendant qu'elle avait des revenus supérieurs, elle a "entretenu" son compagnon, mais après le temps du rattrapage, il va sans doute lui falloir penser à quelque chose de plus en rapport aves leurs revenus respectifs. (c'est d'ailleurs ce prévoit le code civil en cas de mariage)
Par contre, les dépenses pour le bout de chou ne sont déjà pas énormes, donc ce n'est pas de ce côté là qu'il va falloir chercher les économies ...