Nolwenn a 21 ans, elle est étudiante en journalisme. Arrivée au Brésil en mars pour dix mois d’études et de stage, elle a accepté de répondre à mes questions sur la situation du pays. Voici son compte-rendu du mouvement social brésilien !
Qui sont les leaders du mouvement ?
À vrai dire, les manifestations ne sont menées par aucun leader. Il y a bien le Passe Livre, qui milite pour la gratuité des transports publics et qui a initié les premières manifestations, mais les revendications qui animent les rangs sont rapidement devenues beaucoup plus vastes.
Les gens ne descendent pas dans la rue en répondant à l’appel de syndicats ou de partis politiques ; ils s’organisent entre eux, surtout par l’intermédiaire des réseaux sociaux.
Quelles villes sont touchées ?
Toutes les grandes villes du Brésil : São Paulo, Rio, Brasília, mais aussi de nombreuses autres capitales fédérales comme Belo Horizonte, Salvador, Belem etc. Jeudi dernier, lorsqu’un million de Brésiliens ont défilé dans plus de 80 villes, ce fut une journée historique : le pays est seize fois plus grand que la France, le fait qu’autant de personnes se mobilisent au même moment, aux quatre coins du pays, est extrêmement fort. Cela n’arrive quasiment jamais au Brésil.
Comment les médias couvrent-ils ces manifestations ?
Depuis le début des manifestations, les médias ont déjà changé plusieurs fois leur fusil d’épaule : contre au début, ils ont ensuite soutenu le mouvement, et actuellement les choses sont plus équilibrées. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que la critique des médias, et notamment du géant de l’audiovisuel Globo,
fait partie des nombreux motifs des manifestations.
Comment les Brésiliens perçoivent-ils ce qu’il se passe ?
Globalement, les manifestations jouissent d’une bonne image. Tout le monde s’accorde à dire que le pays a besoin d’investir dans la santé, l’éducation et les transports. Les gens sont vraiment enthousiastes à l’idée de contribuer à faire avancer le sort du pays.
En ce qui concerne les violences qui sévissent, je ne peux pas parler au nom de tout le pays. À Brasília, les choses se passent beaucoup plus calmement qu’à São Paulo ou à Rio par exemple. Quand le ministère des affaires étrangères a été vandalisé jeudi dernier, les gens en ont été réellement attristés, car les violences sont commises par un petit nombre de personnes.
Par contre, le fait qu’il n’y ait aucune organisation claire pour des manifestations de si grande importance est de plus en plus critiqué. Certains de mes amis qui étaient devant le Congrès National la semaine dernière ne sont pas allés manifester cette semaine : ils trouvent l’organisation trop floue, et critiquent aussi l’effet de mode.
Peut-être le géant vient-il de se réveiller, mais cela fait déjà plusieurs années que des organisations militent pour l’amélioration des transports publics, les droits des femmes, la lutte contre la corruption… La différence, c’est qu’aujourd’hui, le monde entier a les yeux rivés sur le Brésil. Alors pour la population, c’est le timing parfait pour faire pression sur le gouvernement.
Comment perçois-tu l’évolution du mouvement ?
C’est très difficile de répondre à cette question ; comme je viens de l’expliquer, l’heure est plutôt à la confusion depuis le début de la semaine. Les cortèges ont tendance à se désemplir, comme si le plus gros était passé.
Côté politique, il y a du nouveau : la présidente Dilma Rousseff a proposé un référendum sur des grandes réformes politiques en début de semaine, la Chambre des députés a rejeté la PEC 37 (contre laquelle les pancartes étaient très nombreuses lors des manifestations), et a voté pour que 75% des recettes du pétroles soient consacrées à l’éducation, et 25% à la santé.
Mais dans le même temps, de nombreuses manifestations sont encore prévues, avec événements Facebook à l’appui. Sans oublier une grève générale, le 11 juillet. Une de mes amies, toujours autant motivée, m’a expliqué : « Nous sommes sur la bonne voie. La confusion n’est rien à côté de tout ce que nous avons besoin de conquérir ».
— Merci à Nolwenn pour ses réponses !
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.