Le yaoi, c’est un peu mon dada, mais le genre souffre quand même d’une sacrée réputation… et à raison. Scènes de viol présentées de façon romantique, cul sans scénario et personnages à la psychologie surréaliste : c’est le lot de certains titres.
Mais le yaoi ce n’est pas que ça, ça touche une foultitude de genres très variés et j’ai donc décidé d’écrire quelques articles sur le sujet afin de vous faire découvrir des titres et auteurs disponibles en français qui pourraient vous intéresser, en cassant les clichés !
On va commencer avec quelques mangas yaoi sans scènes de sexe explicite. Eh oui, je vous assure que ça existe !
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Le Cœur de Thomas de Moto Hagio
Le Cœur de Thomas est le premier titre traduit en France de Moto Hagio, une mangaka absolument fascinante à l’œuvre révolutionnaire autant sur le fond que la forme et qui a abordé des univers très variés (science-fiction, fantastique, récit historique…), avec notamment des questionnements liés au genre.
Qu’on s’y connaisse ou non en yaoi c’est une œuvre très intéressante.
Ici, le trait est fin, précis et élégant. Qu’on s’y connaisse ou non en yaoi c’est une œuvre très intéressante à plus d’un titre. Tout d’abord parce ça raconte une histoire très prenante avec un graphisme et un découpage efficaces. C’est une intrigue d’internat de jeunes garçons dans une Allemagne fantasmée, avec le poids de la religion chrétienne et de la culpabilité. Les personnages, à défaut d’être tous attachants, sont bien campés !
Si vous aimez les atermoiements romantiques des Jeunes Werther, Grands Meaulnes et autres Faux-Monnayeurs sans l’ironie glaçante de Gide et beaucoup plus assumés pour l’aspect « amitiés particulières », vous serez servi-e-s par cette brochettes d’adolescents torturés pourtant terriblement poignants, sincères et humains dans leurs sentiments.
L’autre intérêt notable du Cœur de Thomas sera sans doute de voir à quel point cette œuvre a influencé et continue d’influencer la production Boys Love aujourd’hui. On retrouve les mêmes thématiques dans des œuvres récentes. Enfin, je pense que c’est un manga à lire pour tout•e fan de manga au sens large. Ce n’est pas un titre bourré d’action et de testostérone, mais la BD nippone, c’est aussi l’exaltation des sentiments et Le Cœur de Thomas est un peu un parangon en la matière !
New York, New York par Marimo Ragawa
Enchaînons avec un titre un peu plus récent (mais qui a quand même plus de dix ans).
New York New York est un peu un OVNI du Boys Love. C’est un des titres les plus engagés et réalistes que j’ai pu lire et son aspect thriller n’en fait pas pour autant un simple recueil de tranches de vies. On y suit le parcours de Kain et Mel, un policier complexé bien enfoui dans son placard et un jeune homme abîmé par la vie et angoissé. Ils tombent amoureux, se font du mal, trouvent l’équilibre, confrontent ensemble famille, passé, etc.
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New York New York est un peu un des titres les plus engagés et réalistes que j’ai pu lire
J’avoue que si j’ai totalement adhéré au côté plus réaliste de l’histoire, j’ai eu plus de mal avec les intrigues plus orientées « police » qui me semblaient presque parasiter le propos initial et empêcher un développement plus profond du sujet.
L’aspect thriller n’est pas mauvais en soi, je trouve simplement son apparition un peu brusque. Néanmoins, New York New York est un titre à lire absolument parce qu’abordant le vécu homosexuel franchement, sans idéalisation, avec un trait très expressif et des personnages attachants !
Attention, s’il n’y a pas de scène porno à proprement parler, le sexe est évoqué à plusieurs reprises. On parle également de viol mais il n’est absolument pas romantisé, esthétisé ou gratuit.
Castle Mango par Muku Ôgura et Narise Konohara
Enchaînons avec des titres bien plus récents. Castle Mango raconte, en deux tomes, l’histoire d’amour d’un lycéen, dont la famille tient un love hotel, et d’un réalisateur de films pornos… Eh ! Ne partez pas ! Ce n’est pas ce que vous croyez ! Il ne s’agit pas ici d’enchaîner les scènes de fesses faciles avec détournement de mineur en prime. Oh que non !
Les héros se révèlent fragiles, humains, à l’écoute, timides et réfléchis dans leur rapport à l’intimité
L’histoire est un peu plus compliquée que ça et les personnages, qui apparaissent d’abord comme des clichés sur pattes des mauvais yaoi (le jeunot nerveux et vierge et le viril homme mûr expérimenté qui n’a que faire du consentement), dépassent finalement ces archétypes. Ils se révèlent fragiles, humains, à l’écoute, et bien qu’appartenant au milieu du porno et du sexe, milieu abordé d’ailleurs de façon très rafraîchissante et plutôt réaliste et respectueuse, bien plus timides et réfléchis dans leur rapport à l’intimité que ne le laisse supposer le résumé.
Castle Mango, c’est aussi un très joli trait. Un personnage a même des poils sur les jambes ce qui, je tiens à le dire, est suffisamment rare pour être souligné… et applaudi !
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Under the Blue Sky par Aoi Aki
Under The Blue Sky est le seul recueil d’histoires courtes de cette petite sélection et je dois admettre qu’il a été un véritable petit coup de cœur même si ce n’était pas gagné de prime abord. En effet, j’ai eu un peu de mal avec le trait de l’auteur dont les personnages sont assez peu expressifs et raides…
Des créatures de folklore côtoient des anges inspirés de films expressionnistes allemands
Néanmoins, ce petit recueil a beaucoup de charme grâce à un découpage efficace et une narration très contemplative et poétique. Il présente aussi l’atout de mettre en scène des personnages assez variés dans des environnements originaux. Ici, des créatures de folklore côtoient des anges inspirés de films expressionnistes allemands et les amoures adolescentes sont traitées avec une douceur nostalgiques.
Tout est ouaté et reposant dans ce petit livre sans prétention que je recommande chaudement !
Dans un Coin de Ciel Nocturne par Nojico Hayakawa
Pour finir cette petite sélection, une histoire un peu cliché mais très douce et touchante entre un professeur et son ancien camarade de classe, qu’il revoit alors qu’il devient l’enseignant de son fils.
Le thème de l’homoparentalité, comme la romance, est plutôt bien traité
On a ici des tranches de vie avec des personnages secondaires attachants et bien campés, et une petite intrigue sur le passé des personnages qui se dévoile au compte-gouttes, révélant les causes de leurs relations présentes. Le thème de l’homoparentalité est plutôt bien traité avec la relation tendue mais tendre entre le père et son fils ; la romance est aussi de bonne qualité. L’ambiance est encore une fois plutôt mélancolique même si la vivacité de certains, et notamment du sale gamin, apportent humour et dynamisme à l’histoire.
Ce qui m’a surtout impressionnée dans ce manga, c’est le découpage très astucieux et audacieux. Les petites cases emplies du trait nerveux de l’auteur se disséminent en fragments dans des pages où gouttières et vides sont réfléchies comme des respirations significatives. C’est beau, aérien, éthéré et surtout très immersif ! Bref, ça mérite qu’on y jette au moins une œillade…
Voilà, j’espère que cette petite sélection aura donné envie aux réfractaires du manga yaoi de s’y pencher un peu. C’est un genre très codifié mais qui compte nombre de pépites. Pour ceux et celles qui voudraient aller plus loin, rendez-vous bientôt pour une sélection d’auteures moins avares en scènes de fesses et qui peuvent même donner une vision plutôt rafraîchissante de la chose.
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