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Culture

Le manga : petit guide à la découverte du genre

Le manga a beau être un genre de plus en plus populaire en France, il laisse encore perplexes beaucoup de potentiels lecteurs. Quelle est la différence avec une BD ? Par où commencer ? Pas de panique : installez-vous confortablement, et suivez le guide.

Un peu à l’image de la fantasy, le manga est un genre représentatif de la pop culture dont le statut est toujours assez paradoxal en France aujourd’hui. Si d’un côté, il connaît un vif succès auprès des jeunes en général (d’où un bon chiffre d’affaires global dans le milieu éditorial français), il demeure victime d’un certain nombre de stéréotypes, signe d’une méconnaissance globale de ce genre exotique (ah, ces Japonais, alors).

« C’est violent », « je n’aime pas les gros yeux », « pourquoi c’est à l’envers ? » ou encore « c’est cher pour de la BD en noir & blanc » sont autant de critiques qui reviennent souvent. Des critiques pas forcément injustifiées, mais qu’il convient de replacer dans le bon contexte. Et puis d’abord, c’est quoi, un manga ?

Alors si vous n’y connaissez pas grand-chose mais que vous êtes quand même curieux-ses, je vous propose ce petit guide sans prétentions pour vous aider à y voir plus clair ! Qui sait, peut-être que si je fais bien mon boulot, à la fin de cet article, vous irez lire votre premier manga…

Ce papier a pour but d’être une présentation concise pour les non-inités… Mais que rien n’empêche les autres d’apporter leur pierre à l’édifice dans les commentaires, que ce soit un détail à ajouter, ou un conseil lecture !

Qu’est-ce qui fait qu’un manga… est un manga ?

Première grande question tout à fait pertinente : quelle est la vraie différence, au fond, entre un manga et une BD ? Il y aurait beaucoup de choses à répondre à ça, ne serait-ce que parce que le domaine de la bande dessinée en lui-même regroupe énormément de codes et de formes d’expression graphique différents. Alors comment le manga se détache-t-il de tout ça ?

Pour commencer, il n’est pas cliché de dire que le manga, c’est japonais. Le genre prend ses racines dans le phénomène de l’estampe japonaise aux alentours du XVIIème siècle ; il s’agissait de représentations populaires ou de caricatures qui instaurèrent bien vite un style graphique particulier. Le terme « manga » aurait d’abord été utilisé par l’artiste Katsushika Hokusai pour désigner un dessin divertissant.

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Un travestissement félin par Utagawa Kuniyoshi

Aujourd’hui, le mot désigne au Japon la bande dessinée en général, et il n’y a qu’en Occident qu’il conserve une connotation définitivement nippone. Ce qui n’est ni faux, ni péjoratif : si le manga, c’est de la BD, il s’agit tout de même, à la base, d’un style né au Japon qui a par la suite évolué en recueillant diverses influences. Le manga possède donc ses codes graphiques bien à lui.

On parle par exemple d’un « découpage cinématographique » dans les planches. Une influence, sans doute, des débuts du cinéma hollywoodien, à laquelle le genre doit le dynamisme qui lui est propre. Le manga joue sur la forme et la disposition de ses cases en fonction du déroulement de l’action ; c’est une technique proche de celle des comics, qui met l’accent sur le mouvement et la vitesse.

« D’accord, mais d’où vient cette manie des gros yeux ? » : à vrai dire, lectorat, les « gros yeux » ne constituent pas une caractéristique du manga ! On les retrouve dans certains titres, mais pas tous. Le mot « manga » regroupe énormément d’auteurs différents, qui s’appuient certes sur un certain nombre de codes, mais qui les réutilisent à leur sauce.

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Fruit Basket, par Natsuki Takaya, grand spécialiste du genre

Les premiers « mangas » étant des caricatures, il est clair que le manga contemporain va se distinguer par une tendance à l’expression et l’exagération. Les « gros yeux » sont une technique que certains mangakas choisissent d’accorder avec leur style individuel pour rendre leurs personnages plus expressifs, renforcer les émotions, d’une façon plus ou moins réaliste.

Mais ça ne s’arrête pas à une histoire d’yeux qui brillent. Toujours dans cette idée d’exagération et de mouvement, le manga va avoir très souvent recours aux onomatopées. Un geste, une réaction ou une action quelconque, que ce soit le fait de réfléchir intensément ou la pluie qui tombe, va avoir son petit bruitage, écrit en plus petit à côté du personnage, sans bulle… ou en gros dans la case s’il s’agit d’un bruit violent (genre « BABABABABAM »).

Cette manière de « sonoriser » le récit le rend plus vivant, sans le parasiter ; les onomatopées font tellement partie intégrante du manga que le lecteur n’y prête pas plus attention que ça. Même dans un récit sombre, ces éléments peuvent apporter de la légèreté et détendre une atmosphère très grave.

Du mangaka…

En parallèle à cette influence de la caricature, qui peut donner lieu à tous types de déformations/simplifications temporaires d’un personnage, il y a très souvent une grande minutie dans le dessin et le décor. L’importance peut être donnée à l’un ou l’autre en fonction du thème du manga.

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Genre, Edward. (Fullmetal Alchemist)

Par exemple, le célèbre

Naruto, un manga qui se focalise sur les combats, va mettre l’accent sur le mouvement et la vitesse, et donc sur le personnage. À l’inverse, le manga historique Ad Astra, ainsi que Bride Stories, donnent une grande importance aux détails et au décor dans un but « documentaire ».

Dans tous les cas, les mangakas ont un travail fantastique à abattre dans un délai assez court, et ils s’entourent souvent (pour survivre) d’assistants spécialisés dans divers aspects du dessin. Enfin, j’aurais bien du mal à vous parler du fonctionnement de l’atelier d’un mangaka ! Mes connaissances s’arrêtent au travail du décor, de certains détails, et de la pose de trames, qui vont en quelque sorte « coloriser » et donner au relief au dessin en noir et blanc.

Le manga est quasi-systématiquement publié en noir et blanc, à l’exception des couvertures et des premières pages d’un volume. Et il y a une bonne raison pour ça avant d’être compilée dans un beau tome relié, l’histoire est pré-publiée par chapitres dans des revues très, très bon marché, un peu comme Spirou ou Tintin chez nous.

Le plus connu de ces magazines de prépublication est le Weekly Shonen Jump, un hebdomadaire tiré à plus de 5 millions d’exemplaires ! C’est un vrai bottin d’environ 200 pages, que les Japonais paient l’équivalent de 2€. On peut comprendre, du coup, le besoin d’économie qui pousse à oublier la couleur, à publier sur du papier recyclé avec de l’encre de basse qualité… et que le rythme de publication soutenu soit le pire cauchemar des nerfs du mangaka !

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Ça fait du monde, hein ?

Lorsqu’une série a du succès, elle s’épanouit et gagne le droit de sortir en plusieurs tomes sur de papier de meilleure qualité. Mais on ne change rien au dessin, ni au manque de colorisation – peut-être par besoin d’aller vite. Le manga, on ne va pas se leurrer, est une véritable industrie ! En attendant, chaque tome commence par un certain nombre de pages colorisées, rendant ainsi l’objet plus « spécial ».

Mais ça, c’est au Japon. Il en a, du chemin à faire, le manga, avant d’arriver sur les étagères de librairies et bibliothèques françaises.

…à l’éditeur français !

Le manga est arrivé assez tard en France. Et il est arrivé sous la forme d’anime, c’est-à-dire l’adaptation (bien que certains soient des créations originales) en dessin animé du livre, dans les programmes télé jeunesse. Or tout ça est bien étrange pour la production française, qui va se contenter se piocher dans les plus gros succès japonais. Le manga va donc faire son entrée en France en grande pompe avec Albator, Capitaine Flam, Astro le petit robot, Sailor Moon, ou encore Dragon Ball !

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Et ce fut un gros, gros carton. Les séries vont se multiplier sur le petit écran français, et marquer plusieurs générations d’enfants et d’ados. Sauf qu’en ne visant que ce public, on restreint beaucoup l’univers du manga ! Mais voilà, un certain snobisme français en fait un genre violent et simpliste, où les personnages ne pensent à qu’à taper sur tout ce qui bouge en tirant des têtes pas possible. Citons, au hasard, les propos de Ségolène Royal sur le sujet…

La mode des anime à la télé s’est essoufflée après les années 80-90, mais c’était sous-estimer la motivation des fans, qui vont se tourner vers le manga papier, et ainsi créer une demande. Aujourd’hui, le manga représente une part déterminante du paysage éditorial français, et les grandes maisons d’édition spécialisées se multiplient ! Glénat, Kadokawa, Ki-oon, Pika ou encore Kana sont parmi les plus connues.

Les best-sellers, c’est-à-dire des titres comme Dragon Ball, Naruto, One Piece, Bleach ou Gunnm sont tirés par tome de 500 000 à 17 millions d’exemplaires, et coûtent entre 7 et 9€ en moyenne par volume. Autant dire que le chiffre d’affaire est assez bon pour tirer vers le haut de plus en plus de nouveaux mangas encore inconnus en France.

Même en France, les mangas sont imprimés « à l’envers », dans le sens de lecture japonais. Si ça peut déstabiliser au départ, on s’y habitue très vite. Certes, lorsque le genre est arrivé chez nous, on a d’abord eu le réflexe de modifier le sens de lecture japonais pour l’adapter aux Occidentaux, et quelques maisons d’éditions le font encore.

Mais la grande majorité des mangas conservent le sens de lecture original : on ouvre le livre du côté droit, et on le termine du côté gauche — et c’est pareil à l’intérieur pour la lecture des cases. On trouve généralement ce petit guide imprimé dans le tome :

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La mise en page d’un manga est généralement très claire, et présente peu de cases par page ; parfois, une scène importante peut prendre deux pages à elle toute seule, et constituer une véritable oeuvre d’art.

Bref, tentez le coup, quitte à avoir un peu de mal au début. Si vous trouvez LE manga qui vous parle, vous allez finir par oublier… et ouvrir vos romans français dans le sens japonais ! (On est tous et toutes passé-e-s par là…)

Les genres divers et variés du manga

Par quel côté attaquer cette montagne que représente le manga ? Même dans les best-sellers, les genres sont variés, et il se peut que certains ne vous plaisent pas. En fait, le manga, de base, ça s’attaque à tout. TOUT.

C’est un genre codifié qui fait partie intégrante du quotidien des Japonais. La culture manga se penche sur un nombre impressionnants de sujets pour toucher le public le plus large possible. On y truove des histoires romantiques, des mangas sportifs, historiques, de l’horreur, de la fantasy ou de la science-fiction, des histoires humoristiques plus ou moins délurées, du cyberpunk et de l’anticipation sombre, des récits engagés ou légers… Et même de la religion, de la gastronomie ou de l’oenologie. 

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C’est très difficile de classifier tout ça. Généralement, on trie en fonction du public visé à la base, mais même ainsi, la liste est longue ! C’est pourquoi celle-ci ne conserve que les termes les plus utilisés en France :

  • Le shojo cible un public féminin, et conte le plus souvent des histoires romantiques, avec beaucoup d’introspection et de réflexion sur les personnages. C’est surtout là qu’on retrouvera les « gros yeux » dont je parlais plus haut, puisque l’émotion prime dans cette catégorie — même si ça n’exclut pas une certaine dose d’aventure, avec les « magical girls », par exemple (Fruit Basket, Sailor Moon, Card Captor Sakura…) !
  • Le shonen cible un public masculin, principalement de jeunes garçons. On y retrouve du sport, du combat, de l’aventure, et une certaine mise en avant du héros et de l’idée de sacrifice (Naruto, One Piece, Reborn!…)
  • Le seinen cible un public plus mature. On y trouve de tout (Bride stories, Gunnm, Kenshin le vagabond, Ghost in the Shell…).
  • Le kodomo, c’est pour les enfants ! Le plus connu est Doraemon.

Évidemment, c’est à la fois vague et trop restreint. D’autant que des filles lisent des shonens, et des garçons lisent des shojos, ne serait-ce que parce qu’au sein même de ces sous-catégories les titres sont très diversifiés. Par exemple, j’ai mis Kenshin dans les seinen, mais c’est peut-être davantage un shonen

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Personnellement, à part le kodomo, je touche un peu à toutes ces catégories. J’ai beaucoup de coups de coeur, mais ne pouvant pas vous parler de tous, je vais, si vous me le permettez, vous parler d’un nombre très restreint de titres.

  • One piece raconte les aventures d’un groupe de pirates qui parcourent leur monde à la recherche du trésor ultime, le One Piece. Il s’agit d’un manga très connu qui mérite amplement son succès. On peut ne pas être un-e grand-e fan des dessins, mais l’histoire et les personnages sont fabuleux, du genre à nous faire passer du rire aux larmes. C’est complètement fantasque, mais aussi assez profond, parfois. Un bémol ? La série n’en finit pas, et ça peut demander du temps et de l’argent…
  • Death Note : et si vous trouviez un jour un petit cahier noir, qui vous permettait de commander un Shinigami, dieu de la mort ? Qui tueriez-vous ? Vous prendriez vous pour dieu ? C’est la question centrale des aventures de Light (Raito), un jeune surdoué un peu arrogant. Une série terminée, cette fois, qui dépeint un véritable bras de fer intellectuel entre la police et le héros !
  • Fullmetal Alchemist est également une série terminée aussi, et je l’aime d’amour. Nous y suivons les frères Edward et Alphonse Elric, deux alchimistes, dans le pays d’Amestris et au-delà, à la recherche de la Pierre Philosophale. Pourquoi ? D’où viennent-ils et comment peuvent-ils être alchimistes en étant si jeunes ? Et surtout : pourquoi Edward a-t-il un bras et une jambe mécanique, et Alphonse est-il une armure… creuse ? Une histoire complète, qui se tient du début à la fin, qui sait faire rire et pleurer.
  • XXXholic / Tsubasa Reservoir Chronicle me permettent de vous parler des Clamp, un célèbre collectif de mangakas. Il s’agit de deux séries différentes, mais très liées, qui se croisent régulièrement. Ce sont des histoires fantastiques, avec de l’aventure et un brin d’ésotérisme (surtout avec XXXHolic et l’amour de ma vie, la sorcière des dimensions nommée Yuuko Ichihara)… Et je ne peux pas vous en dire plus. Vraiment.

J’aimerais en citer davantage, mais ça va commencer à faire un peu long. Il y a encore Ghost in the Shell, Docteur Slump, GTO, Les chroniques de Lodoss, Kenshin le vagabondSans parler des innombrables one-shots, c’est-à-dire des histoires en un tome !

C’est pourquoi je préfère maintenant laisser la parole. Quels sont vos mangas préférés, que vous conseilleriez à un-e non-initié-e ?

Plus de mangas à découvrir !


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Les Commentaires

32
Avatar de Sharu
8 avril 2017 à 11h04
Sharu
Je suis un peu étonnée qu'on ne parle pas du style "Josei" dans Madz, c'est quand même la catégorie de manga qui nous cible en particulier (même si on aime toutes les shoujo aussi, ça n'empêche pas d'assumer la jeune adolescente que nous serons toujours !).
Les Josei les plus connus (qui sont d'ailleurs très bien et dont on parle dans d'autres comm) étant peut-être ceux de Aizawa : Paradise Kiss (seulement 5 tomes, parfait pour débuter), ou Nana (malheureusement le manga n'a pas de fin... et on ne sait pas s'il en aura une un jour).

Pour les hardcores du manga qui n'ont peur de rien, je recommande vivement les oeuvres de Yumi Tamura : Basara et Seven Seeds.
Faut s'accrocher parce que les dessins sont vraiment.... particuliers. Mais si on rentre dedans on n'en sort plus !
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