— Article initialement publié le 4 décembre 2013
Ça va faire bientôt dix ans que j’ai mal au ventre vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il n’y a quasiment aucune journée où mon bide me laisse tranquille. C’est un peu comme si un petit troll s’était emparé de mes boyaux et qu’il ne cessait de me rappeler qu’il allait faire des bracelets brésiliens avec du matin au soir. Contrairement à ce qu’on pourrait évidemment penser, ce n’est pas joli, et ça fait atrocement mal.
Certains matins, je me lève, et je sais que mon ventre va me troller all day long. Parfois il me laisse quelques heures de répit… mais ne tarde jamais à me rappeler son existence. Je crois que mon ventre est moisi. Je crois que c’est un mutant totalement distinct de mon corps. Son fonctionnement est totalement hors de contrôle. Mon ventre est en mode YOLO. Je le hais autant que j’en ai besoin.
J’ai mal au ventre constamment : un véritable boulet au pied
Mon mal de ventre se manifeste par des crises très douloureuses sur le côté qui se déplacent de plus en plus bas jusqu’à me donner le pire mal de reins imaginable. Il se gonfle jusqu’à me donner le profil d’une femme enceinte de quadruplés. La position assise est un calvaire et quand je tente de faire passer avec un peu d’eau, j’ai l’impression que ça ajoute dix kilos qui descendent directement dans mon intestin.
Je crois que j’abrite une bête.
C’est pour cette raison que j’apparente mon bidou à un vil alien en phase de développement : je m’attends en permanence à ce qu’il explose et m’arrache en deux. J’ai toujours eu une vision assez fataliste de la vie, il paraît.
Salut p’tite panse, tu me laisse tranquille aujourd’hui, dis ?
J’ai mal au ventre constamment : « Je peux pas, je dois nourrir mon alien »
Dans la vie de tous les jours, élever un alien est la chose la plus chiante du monde. Il faut se le traîner au boulot, au cinéma, aux courses, quand on fait du sport, quand on va en boîte et même quand on baise.
Il m’est déjà arrivé de refuser une invitation ou de fuir une soirée car j’avais l’impression que mon ventre allait exploser. Les repas sont en général déclencheurs de crises de spasmes. Je n’ai pas la digestion facile, et si je veux que mon alien fasse une sieste, je dois marcher au moins trente minutes après avoir mangé, ou m’allonger sur le ventre devant Les Reines du Shopping.
Du coup, quand je sens que mon ventre a envie de faire la fête, je fuis et cours me jeter sur la première surface un minimum molle que je trouve. Je suis dégoûtée, je hais mon ventre, j’appuie dessus comme si ça allait pouvoir changer quelque chose, exterminer l’alien.
En attendant, lui, il est plutôt comme ça :
« Je peux pas rester, j’ai trop mal au ventre » est une excuse nulle, alors j’essaie d’en trouver de plus originales ou WTF (ce qui est encore plus nul).
Avoir tout le temps mal au ventre et les (mauvais) conseils des autres
Il ne m’arrive pas souvent de croiser quelqu’un et de lui lâcher au bout de deux secondes « Plutôt sympa ta coupe de cheveux, moi je couve le fils du Diable depuis le début du collège ». Il me faut un certain temps pour avouer que mon ventre me fait mal, qu’il m’empêche de penser à autre chose qu’à me plier en deux toutes les cinq secondes.
En général les gens réagissent tous pareil : ils dédramatisent. Honnêtement, j’aimerais m’enfermer aux waters pendant trente minutes histoire de lancer la plus grosse caisse de l’univers et me délivrer de ma prison intestinale. Mais ça ne marche pas comme ça.
Dommage que ce ne soit pas le problème du partenaire de José l’Obsédée.
Pour que mon ventre se calme, il me faut de la sérénité. Boire de l’Hépar n’a, à mon grand dam, jamais fait pleuvoir un feu d’artifice dans mon salon. C’est triste mais c’est comme ça.
J’ai mal au ventre 24h/24 : quatre Spasfon et au lit
Ne pense pas que je n’ai rien fait pour calmer mes maux de ventre. J’ai été voir le médecin qui m’a dit que c’était très fréquent chez les jeunes femmes (mesdmoiZelles, brandissez vos aliens avec moi !). Elle m’a donné du Spasfon et m’a dit que ça passerait sûrement quand le stress du collège serait derrière moi. C’était il y a 7 ans.
Et ça ne s’est pas amélioré.
J’ai fait des test à base d’échographies et autres trucs rigolos mais pas très agréables. Les résultats ont tous été identiques : je n’ai rien. Je n’ai rien d’identifiable par ces messieurs les médecins en tout cas. Mon docteur a évoqué une colopathie fonctionnelle, la mirifique irritation du colon, la sexytude assurée.
J’ai donc affaire tous les jours à des troubles de la digestion tout à fait bénins entraînant constipation, douleur, diarrhées et ballonnements. C’est fou comme l’humain est bien fait.
Après une cure intensive de pilules roses qui ne servaient à rien, j’ai arrêté de prendre des médicaments. Du coup j’essaie de gérer au quotidien mon alien qui tente de me troller dès que je passe la porte de chez moi. Parce que bizarrement, quand je suis en mode Jabba le Hutt sur mon canap’ mon ventre se porte très bien…
Avoir mal au ventre 24h/24 et essayer de rester zen
Il paraît que beaucoup de mes crises sont liées au stress. Apparemment, c’est dans ma nature. Un jour, j’ai été chez un podologue/posturologue/ostéopathe/grand manitou et il m’a dit que j’avais le profil d’un animal blessé : agressif, sur ses gardes, mangeant beaucoup trop rapidement, et stressé. Mon moi de seize ans l’avait très mal pris.
Du coup, j’ai fait de l’acuponcture histoire de me détendre du slip. J’ai essayé de limiter les grosses journées. J’ai pris confiance en la pauvre gazelle mordue par un lion que j’étais. Mais mon alien est toujours là.
Mon mal de ventre, ma bataille
Avoir mal au ventre c’est un peu lutter contre son propre corps. Le mieux est encore de s’y faire. Certes, parfois j’ai envie de me mettre des coups de poing tellement ça me soule de ne pas avoir le droit de passer une belle journée sans avoir besoin de me cambrer dans une posture un peu inhumaine pour contrebalancer les spasmes. Mais c’est comme ça.
J’ai appris à m’habituer à la douleur. Et elle est devenue beaucoup moins chiante à supporter. C’est un peu comme te faire tatouer : plus tu te contractes, plus tu vas douiller.
Mon alien, je ne l’aime pas. Je ne le hais pas non plus. J’apprends à vivre avec. Je fais des concessions. Mais je continue à manger du poivron rouge cru par kilos, ce qui est fortement déconseillé en cas de mauvaise digestion. Nique sa mère le mal de ventre.
Les Commentaires
Certaines personnes de ma famille sont également atteintes mais n'ont pas les mêmes symptômes, pas la même évolution, pas le même train-de-vie, pas la même résistance à la douleur, pas la même vision de tout ça ... Bref, on se sent seul.
Quand on en parle soit les gens dédramatisent soit ils paniquent. Mon frère a réellement compris ce que je pouvais vivre (par moments) cet été ... Parce qu'en l'espace de 4 jours j'ai réussi à me tordre de douleur à ne pas savoir me lever, vomir, rester 45min sur les toilettes pour en sortir 2min et y retourner autant de temps, ne plus manger, remanger un peu mais très peu d'aliments non digestes ...
J'ai pris des médicaments qui n'ont servi à rien (j'ai eu des petits diagnostics divers et variés), je prends parfois des médicaments pour calmer la douleur (hé oui, le spasfon a été déclaré médicament de confort, merci pour mon porte-monnaie), je prends BEAUCOUP mon mal en patience et laisse le temps au temps, parce qu'après tout c'est ce qui marche le mieux (le fait de ne pas intervenir sur les "crises". Je fais du sport souvent, je change mon alimentation régulièrement adaptant suivant les douleurs ressenties (et même la période du mois, sisi, là aussi ça n'arrange rien), je bois des choses différentes (les bulles c'est la moooort) j'ai tenté la sophrorologie (qui ne m'apporte pas grand-chose niveau douleur mais qui détend quand même le reste ^^) ... Bref, je jongle !
Après le côté positif dans tout ça et malgré ce que je viens vite fait de décrire, j'ai une vie normale, il suffit par moment de s'adapter et de ne pas avoir honte de lâcher une soirée parce qu'on ne se sent pas bien. Je pense que prendre au sérieux les douleurs sans pour autant se morfondre fait que l'on peut mieux le vivre.
Plein de courage à toutes les personnes qui ont des douleurs chroniques ...