Ceci est une retranscription de la lettre de Catherine. Pour retrouver la version qu’elle a lue et commentée, écoutez l’épisode !
Cher ex,
Tu étais mon premier amour, j’avais à peine 15 ans et toi 18.
Le coup de foudre au premier regard !
J’étais collégienne et toi lycéen, issus d’une éducation différente : ta famille était cabossée, la mienne n’était que sécurité et amour. J’étais jeune et pour me protéger les miens t’ont accueilli au sein de notre famille. Maintenant, je comprends mieux pourquoi.
Chez toi, je me sentais fragilisée : tu avais une mère alcoolique, un père soumis et tes sœurs (plus âgées que moi) me paraissaient tellement dévergondées et je ne me sentais pas toujours à ma place. Le manque de respect ne faisait pas partie de mon éducation et il y en avait à tous les niveaux au sein de ta famille.
Seule ta grand-mère (que tu adorais) me rassurait et me disait que tu n’étais pas mauvais, juste un peu tête brûlée. C’était d’ailleurs comme cela que tu te voyais.
Ton projet de vie, c’était intégrer l’armée. Tu t’es engagé 3 ans chez les parachutistes. Tu es parti à Tarbes.
J’ai continué mes cours et ma vie de collégienne. Là encore, je me sentais en décalage avec mes camarades qui me semblaient tellement « gamins ». Trouver sa place quand on est plus précoce que les gens de son âge, c’est déstabilisant.
Du coup, avec du recul, je me rends compte que je ne trouvais ma place nulle part.
Le temps s’est écoulé au rythme de nos échanges par lettres, téléphone et tes permissions. Nos retrouvailles étaient intenses, tu revenais une à deux fois par mois. C’était peu, mais on s’aimait. En tout cas, je t’aimais.
Tu es parti 4 mois en Centre Afrique, j’ai cru que je ne supporterai jamais la séparation et finalement, j’ai continué à patienter.
C’était très fort de se retrouver, mais c’est bizarre, je me souviens surtout que petit à petit, ton attitude a changé et qu’après un long moment passé ensemble, tu es rentré à la caserne. Tu as donné de moins en moins de nouvelles et nos retrouvailles se sont espacées.
Puis, un jour, j’ai eu des démangeaisons au niveau du pubis. La jeune fille de seize ans que j’étais ne soupçonnait pas un seul instant que le médecin m’annonçait d’un air accusateur que j’avais attrapé des poux de pubis militairement, parlant des morpions. L’horreur, la honte.
À ce moment-là, tout est allé très vite. J’ai téléphoné à la caserne pour te prévenir et te hurler ma colère et avoir des explications. Mais, rien, toujours personne. Le silence.
Le soldat qui avait décroché a vite senti que ce n’était pas la peine de me raconter des bobards et m’a expliqué que j’étais avec une fille de la caserne qui couché avec la plupart des soldats. Une nouvelle douche froide.
Trahie, salie, humiliée. J’ai hurlé ma douleur et même je t’ai adressé une longue lettre pour te dire ma haine et t’annoncer que j’expédiais le reste de tes affaires qui était chez moi et que je ne voulais plus entendre parler de toi !
Bon prince, mon frère m’a accompagné dans cette ultime démarche chez tes parents. Je n’attendais rien d’eux et j’ai bien fait. Mon entourage m’a beaucoup aidée, réconfortée et surtout, ne m’a jamais jugée.
Mon frère aîné, avec qui j’avais beaucoup partagé, m’a considérée, écoutée, conseillée. On s’est rapprochés dans notre relation frères et sœurs. J’étais à ses yeux devenue brutalement une adulte. Mes parents ont été bluffés par mon courage et ma maturité quant à la façon dont j’avais géré la situation.
Grâce à toi, j’ai grandi et appris à rebondir et à ne plus me laisser marcher sur les pieds. Je suis aussi devenue méfiante et je peux dire que j’ai du caractère.
Maintenant, une trentaine d’années après ce choc dans ma vie d’ado, je sais. Je sais que si je n’avais pas vécu ces 2 ans et demi de ma jeune vie à tes côtés avec cette fin tragique, je ne saurais pas ce que trahir veut dire.
Je sais que jamais, je n’aurais eu du caractère et la personnalité que j’ai. Et surtout, jamais je n’aurais eu la chance de rencontrer l’homme de ma vie avec qui je suis depuis 34 ans et mettre au monde deux adorables enfants.
Alors, merci de m’avoir infligé cette leçon de vie. Merci de m’avoir laissé te quitter et j’espère, oui, j’espère que tu auras connu la douleur, l’humiliation et la trahison, et qu’elles t’auront servies à te rendre meilleur.
Après toutes ces années, j’ai enfin pu mettre des mots sur ce moment douloureux.
Et si je devais te souhaiter quelque chose, c’est de continuer à rester en dehors de ma vie, car pour moi, tu n’existes plus !
Dans Ce que j’aurais dû dire à mon ex, des auditrices expriment au micro de Madmoizelle tout ce qu’elles rêvent de dire à leur ex-moitié.
À travers chaque histoire se dessine en creux la violence du patriarcat dans l’intime et ses paradoxes.Pour participer au podcast, contactez-nous à l’adresse [email protected]
Ce que j’aurais dû dire à mon ex est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Aïda Djoupa. Réalisation, générique et édition : Mathis Grosos.
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Les Commentaires
La retranscription reprend le texte de la lettre mais le podcast intègre aussi quelques réponses plus spontanées, que l'on enregistre dans la foulée. Je t'invite à écouter l'épisode pour en savoir plus