- Prénom : Maëva
- Âge : 20 ans
- Occupation : En CDD dans un centre commercial
- Lieu de vie : Petite ville de Gironde
Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?
Je dirais qu’il est très présent. Le féminisme m’a ouvert les yeux sur certains domaines et certaines remarques qu’on banalise trop quand on est enfant. Notamment sur le consentement, le fait d’avoir le droit de ne pas vouloir être touchée ou embrassée. Ou sur l’hypersexualisation de nos corps : quand on est gamine, on nous dit de faire attention à ce que l’on porte pour ne pas « déconcentrer » les garçons, que pour plaire, il faut être féminine. Et on ne questionne pas forcément ces injonctions.
Avez-vous grandi dans un milieu féministe ?
Pas du tout, ma famille n’a pas la fibre féministe. J’ai grandi avec un père très macho, très imprégné de misogynie et persuadé que les femmes sont des objets. Ma mère me soutient davantage. Quand elle a pris conscience de mon engagement, elle m’a dit qu’elle aurait souhaité être comme moi au même âge. Nous sommes d’accord sur le fait que les agressions sexuelles et les viols sont trop souvent classés sans suite, que le consentement et le droit à l’avortement sont primordiaux, qu’il faut lutter contre les féminicides, qu’on ne se sent jamais vraiment en sécurité en tant que femme…
Mais même sur ces sujets fondamentaux, nous avons parfois des divergences de point de vue. Si une fille a subi une agression ou un viol, elle peut encore se demander « pourquoi elle n’a pas fait plus attention ? », « n’aurait-elle pas fait quelque chose qui lui aurait fait penser qu’il avait le droit ? », « Pourquoi était-elle habillée comme ça ? Elle sait que c’est dangereux ». Ces désaccords-là me peinent, car je me dis qu’elle pourrait me tenir les mêmes propos, à moi aussi, si ça m’arrivait.
À quand remonte votre déclic féministe ?
Je devais avoir 12 ou 13 ans. Ça a commencé au collège. J’étais dans un établissement privé catholique et beaucoup de choses interdites aux filles étaient permises aux garçons (les shorts, les tee-shirts à bretelles, les jeans troués etc). J’étais très énervée de cette injustice et je ne comprenais pas pourquoi nous, les filles, n’avions pas les mêmes droits que nos camarades.
Un autre élément qui a joué un rôle déterminant dans mon cheminement féministe, est le fait qu’il y a des antécédents de violence conjugale dans ma famille. J’ai vu des choses qu’une enfant ne devrait pas voir, encore moins à un âge si jeune. Dès l’adolescence, j’ai su que j’étais féministe sans le formuler.
Je recommande vivement de lire Virginia Woolf. Pour celles qui ne connaissent pas cette autrice britannique du siècle dernier, ses livres parlaient déjà de féminisme et d’indépendance féminine. C’est magnifiquement bien écrit, les histoires sont toujours très belles.
Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?
Je n’écoute plus ce que dit la société, je m’habille comme je le souhaite même si ça ne plaît pas, je ne me laisse plus faire, que ce soit avec les hommes en général ou avec les pervers narcissiques que j’ai dans ma famille (ce qui d’ailleurs ne leur plaît pas du tout, car ils n’ont plus d’emprise sur moi). J’ai coupé les ponts avec des personnes qui étaient très problématiques, et j’essaie de sensibiliser les autres au féminisme. Ce n’est pas toujours évident, et je me prends parfois des remarques qui montrent à quel point le chemin reste long.
Par exemple, après mon bac, j’ai travaillé un été dans un restaurant pour me faire un peu d’argent. À cette période, je ne portais plus de soutien-gorge, car j’avais très peu de poitrine et je trouvais les soutifs désagréables. Un jour, il devait faire 38 degrés, j’étais en débardeur. On pouvait voir que je n’avais pas de soutien-gorge, mais je m’en fichais, c’était mon choix. La sous-cheffe, deux fois mon âge, m’a interpellée pendant le service pour me demander d’expliquer ma tenue (à noter que j’avais demandé l’autorisation de m’habiller ainsi au responsable, et qu’il m’avait dit oui). Elle m’a fait remarquer que je n’avais pas de soutien-gorge, s’est permis de commenter que mes seins allaient tomber dans deux ans si je n’en portais pas, que ce n’était pas professionnel, que je n’étais pas prostituée ni ne travaillais dans un club de strip-tease…
Votre féminisme est-il source de friction autour de vous ?
Ooohhh oui énormément ! Surtout avec ma famille, qui estime que j’en fais trop. Ils s’obstinent à défendre des personnes indéfendables. Par exemple, quand des célébrités sont accusées d’agressions sexuelles ou de viols, tout de suite ils me sortent des arguments du genre « ouais mais y’a des femmes qui font ça pour l’argent, hein, faut pas croire… ». À chaque célébrité mise en cause, un conflit familial éclate derrière.
Du côté amical, en revanche, je ne suis entourée que de personnes compréhensives. Avec mon caractère impulsif et têtu, je ne peux pas laisser un•e ami•e faire une remarque déplacée. Même s’iels ne sont pas aussi sensibilisé•e•s que moi, iels connaissent l’essentiel. Iels savent qu’en cas de question, iels peuvent toujours me demander.
Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?
Non ! Tous les jours, j’apprends de nouvelles choses. En ce moment, je suis beaucoup l’actualité, je me renseigne un maximum sur les sujets que je connais moins bien, j’essaye vraiment de faire évoluer mon féminisme.
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