- Prénom : Maëlle
- Âge : 20 ans
- Occupation : Vendeuse dans le prêt-à-porter
- Lieu de vie : Grande ville
Comment décririez-vous votre rapport au féminisme ?
Mon rapport au féminisme est un peu spécial. Je n’aime pas dire que je suis féministe parce que, pour moi, cela devrait être la norme. Tout le monde est censé l’être. Le féminisme est simplement le fait de vouloir l’égalité (ou l’équité selon la situation) entre tous les sexes.
Dans quel contexte avez-vous grandi ?
Je n’ai absolument pas grandi dans un milieu féministe. Mon père n’est pas tellement problématique, en revanche ma mère l’est : elle est du genre à penser que la tenue peut justifier le viol, ou d’autres choses de ce genre, qui vont totalement à l’encontre des libertés féminines. J’ai des divergences d’opinion avec elle concernant tous ces sujets.
À quand remonte votre déclic féministe ?
J’ai toujours entendu parler du féminisme, mais je n’avais pas conscience que les inégalités entre les sexes existaient réellement. Je n’avais jamais vécu de situations marquantes, et je ne connaissais personne victime de sexisme. Je pense avoir pris conscience de tout cela au collège.
Ce qui m’a fait réaliser qu’il y avait des différences de traitement entre les filles et les garçons de mon collège, c’était le code vestimentaire : une collégienne ne peut pas porter de jupe ou de shorts au-dessus des genoux, pas de débardeurs, pas de soutien-gorge apparent, mais il ne fallait pas non plus que l’on puisse deviner la forme naturelle de sa poitrine… À l’inverse, les collégiens dotés d’un pénis pouvaient porter ce qu’ils souhaitaient.
Je me rappelle ma CPE me demandant de porter une veste pour cacher mes épaules, et une amie contrainte de porter un vieux jogging pour le reste de la journée sous prétexte que son short était trop court. On avait répondu aux parents mécontents que c’était pour « préserver la concentration des élèves ».
Comment le féminisme infuse-t-il votre vie aujourd’hui ?
Je dirais surtout que le sexisme est encore très (trop) présent dans plusieurs aspects de ma vie. Au travail, je reçois régulièrement des remarques désobligeantes par les clients, ou même par mes collègues et managers, qui considèrent qu’une femme est faible, ne peut pas se débrouiller seule, a toujours besoin d’un homme à ses côtés. Il y a peu de temps, tous les hommes de mon entreprise ont organisé un match de foot contre une autre entreprise. Aucune femme n’a été conviée, parce que « c’était un match sérieux et il était important de le gagner ». Quand mon manager a su que je n’étais pas contente, il est venu m’expliquer globalement pourquoi les femmes ne peuvent pas être douées pour un sport.
Dans mes anciennes relations amoureuses, j’étais également confrontée à ce genre de remarques et comportements : la femme doit cuisiner, faire le ménage, s’occuper des courses… Je ne reste évidemment pas sans rien dire, même si parfois, je peine à savoir comment réagir. Quand j’ai l’impression que la personne en face de moi est maladroite ou mal informée, je tente de lui expliquer en quoi ce qu’elle dit ou fait est problématique. Mais, la plupart du temps, ces croyances sont tellement ancrées que c’est inutile.
Sur Instagram, je suis principalement @madmoizelle, @orgasme_et_moi et @passagedudesir. Les deux derniers sont axés sur les rapports, le consentement, l’éducation sexuelle. Je trouve que lorsqu’on s’éduque sur le féminisme, il est très important d’également réfléchir au plan sexuel !
Avez-vous laissé de côté certaines habitudes, déconstruit certaines de vos croyances, ou posé de nouvelles limites ?
J’essaie d’imposer mes limites, de contredire les personnes sexistes, surtout celles de mon entourage. C’est un travail à temps plein et épuisant.
Je pense que le plus grand changement que j’ai fait a eu lieu dans mes relations amoureuses. J’ai quitté un homme qui me traitait comme une moins que rien, qui était mauvais, mais que je croyais aimer. Après notre rupture, je me suis inscrite sur un site de rencontre dans le but de rencontrer des gens, de parler, parce que je me sentais seule. Mais je n’ai jamais autant subi le sexisme que pendant cette période, ça m’a énormément fait réfléchir à ce que je voulais et ce que je ne voulais pas.
J’ai parlé avec plusieurs personnes. J’étais étonnée : plusieurs femmes avec qui j’ai pu échanger m’ont fait comprendre que je me comportais trop comme une personne hétérosexuelle, parce que je ne déteste pas les hommes, parce que j’acceptais de faire tourner le linge des hommes que je fréquente en même temps que le mien (plutôt que de faire deux machines à moitié vides), ou seulement parce que mon meilleur ami n’est pas un homme gay… Je suis autant attirée par les femmes que par les hommes, et je n’avais jamais eu ce genre de reproches auparavant.
Les discussions que j’ai eues avec ces femmes n’ont jamais abouti, la plupart du temps en raison d’une divergence d’opinions sur le féminisme.
Concernant les hommes avec qui j’ai pu discuter, plusieurs étaient très gentils et respectueux. Mais, j’ai aussi eu de nombreux messages de haine parce que je refusais de « donner mon corps », parce que j’étais « une aguicheuse », une « salope ». Ça venait toujours de personnes qui voulaient des relations sexuelles, quand ce n’était pas mon cas.
La personne qui m’a le plus marquée, ça a été un homme avec qui je m’entendais très bien par messages : on avait le même humour, il était intéressant, gentil… J’avais envie de le rencontrer, lui aussi, donc nous nous sommes donnés rendez-vous un soir pour aller manger ensemble. Quelques heures avant le rendez-vous, il m’a demandé comment j’étais habillée, les sous-vêtements que je portais, mes préférences sexuelles… Je lui ai rappelé (on en avait déjà discuté) que je n’étais pas intéressée par ce genre de relation. Il m’a répondu qu’il avait « envie de me prendre dans sa voiture » et que si je n’acceptais pas, alors on annulait le rendez-vous. J’ai donc annulé, mais il m’a harcelée par messages. Il a menacé de venir à la fac me chercher, il créait de nouveaux comptes Instagram ou utilisait ceux de ses amis pour me contacter. Je pense que ça a duré un bon mois, et il a arrêté quand un de mes amis s’est fait passer pour mon petit copain. Il a répondu qu’il respectait cela et m’a laissée tranquille.
J’ai eu l’impression d’être seulement un objet sexuel, et que si je refusais ce rôle, alors je ne servais plus à rien. Il m’a menacée, fait peur, juste parce que je lui avais dit non. Par contre, il a respecté la parole de mon ami, un homme.
Au final, j’ai rencontré plusieurs personnes que j’ai trouvé problématiques. J’en suis arrivée à me demander si c’est moi qui étais devenue trop carrée et exigeante. Puis, j’ai rencontré mon copain actuel, c’est une relation sérieuse dans laquelle je me sens vraiment bien.
Pour ce qui est du travail ou des remarques que l’on reçoit de manière régulière, j’essaie de trouver le courage de répondre, de m’affirmer, mais j’ai parfois encore du mal.
Évoluez-vous aujourd’hui dans des cercles féministes ?
Je ne dirais pas que j’évolue dans un cercle féministe à proprement parler, mais mon entourage proche me pose des questions sur l’actualité, sur mes réflexions, sur ma manière de voir les choses. C’est leur manière de me soutenir, et de soutenir toutes les personnes victimes d’inégalités. Mon copain m’épaule dans ce combat de tous les jours, et veille vraiment à s’informer et à se remettre en question.
Je ne crois pas m’être déjà retrouvée dans des situations houleuses avec les personnes que j’aime par rapport à mon féminisme. Je pense côtoyer des personnes raisonnées, qui acceptent et sont en accord avec ce combat. Les personnes avec qui il peut y avoir des problèmes sont des personnes que je ne considère pas.
À ce jour, je ne participe à aucune activité ou initiative féministe. Je suis une personne très timide et je pense que j’appréhende de le faire. Mais j’aimerais sauter le pas, je trouve qu’il est réellement important de pouvoir discuter et interagir avec des personnes qui font activement ce combat au quotidien. En revanche, je suis beaucoup de comptes et de personnes sur les réseaux sociaux qui me font réfléchir en permanence.
Avez-vous l’impression d’être arrivée au bout de votre éveil féministe ?
Non, mon féminisme est continuellement en évolution ! En fonction des expériences dont je suis témoin ou victime au quotidien, des témoignages des autres, des débats que j’ai. Je pense développer une ouverture d’esprit, mais surtout la volonté de ne pas laisser un monde comme celui-ci à mes enfants. Le sujet qui m’intéresse le plus, c’est comment éduquer mes futurs enfants de manière positive et féministe.
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