Bon, je vais pas faire la même intro chaque semaine, ça va devenir lassant de vous raconter à quel point on n’avait pas prévu que cette campagne prenne une tournure pareille.
Avouons juste que cette guerre en Ukraine, et ces images d’horreur et de chaos qui nous parviennent chaque jour, elles nous feraient presque oublier l’échéance électorale du 10 avril, dans moins d’un mois, où il faudra voter pour élire un nouveau ou une nouvelle Présidente de la république.
La situation a atteint un tel degré d’exceptionnalité qu’on a presque l’impression qu’Emmanuel Macron rempile pour nous faciliter la vie, limite on n’a pas besoin de voter, il s’occupe de tout, il a calé 2-3 idées comme ça, et hop c’est parti, on repart pour 5 ans, pas de prise de tête :
Et vas-y que je te supprime la redevance télé, vas-y que je te conditionnes le RSA à une activité, et puis tiens, voilà un nouveau nom pour Pôle emploi ! Vous en voulez encore ? Et bah, on va discuter autonomie de la Corse !
Et puis surtout, le mec a une guerre à gérer, les gars ! Il a pas le temps pour le classic shit des élections, tous les meetings, toutes les interviews, les programmes, le blabla, pas le time Manu, pas le temps non plus pour les débats.
Et oui, c’est quand même assez spectaculaire, mais cette campagne est aussi hors normes dans sa gestion des débats entre les candidats.
Par exemple, ce lundi 14 mars sur TF1, se tenait un premier grand moment de la campagne… avec seulement 8 candidats sur 12. Un léger souci, pour Philippe Poutou, Nathalie Arthaud et Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassalle, qui étaient donc tous les quatre sur le banc de touche, à ne pas avoir le droit de parler de leur programme.
Alors ça a l’air un peu drama, comme ça mais, et si Jean Lassalle avait pas un peu raison de trouver ça super injuste ? On se demande quand même sous quel motif TF1 a dit « toi ok, toi non, toi ok ». C’est un peu louche, non ?
La chaine a en fait suivi le principe d’équité, auquel sont soumis les médias audiovisuels en période d’élections. En effet, vous savez sûrement que depuis le 1er janvier et jusqu’au 27 mars, les temps de parole – quand le candidat ou ses soutiens s’expriment – et les temps d’antenne – toute production qui parle du candidat – sont surveillés et mesurés par Arcom, le nouveau petit nom du Conseil supérieur de l’audiovisuel, aka le gendarme du PAF.
En gros, il faut donner la parole à tout le monde, mais il faut aussi le faire en fonction du poids politique du candidat ou de la candidate, par exemple son score dans les sondages, sa présence sur les réseaux sociaux, le nombre d’élus au sein de son parti.
Du coup, ça peut paraitre super injuste, mais en fait légalement, TF1 est bien dans les clous.
Moins de monde, comme l’a dit un ministre à BFM, ça « évite la cacophonie monstrueuse ». Effectivement, un débat à 12 personnes en plateau, comme en 2017, on a bien quelques savoureux moments, mais bordel 4h, à peine 20 minutes par personne, malgré quelques punchlines, ça reste dense et un peu chaotique.
Avouons quand même que ce débat sans débat, c’est aussi une bonne excuse pour ne pas avoir avoir à confronter son bilan aux programmes de ses adversaires. De confrontation lundi, il n’y en a point eu : les 8 candidats et candidates ont défilé les uns après les autres sur un plateau en forme de ring où ils et elles pouvaient soit s’asseoir d’une seule fesse sur un tabouret haut à l’allure pas franchement confortable, soit déambuler de façon malaisante comme s’ils donnaient un Ted talk.
On a vu match de boxe plus palpitant. Pas de confrontation… pas de KO.
C’est justement ce reproche qui est adressé au président sortant, relayé dans un hashtag qu’on voit fleurir un peu partout sur Twitter depuis cette semaine, #PasDeDébatPasDeMandat.
Ce hashtag, il provient d’une tribune signée par des personnalités de gauche, issues du monde de la culture, de la politique ou des sciences humaines, Adèle Haenel, Ariane Ascaride ou encore Alice Zeniter, pour protester contre cette confiscation du débat et surtout cette atteinte à la démocratie :
« Entré en campagne le plus tard possible, ayant avancé la date du premier tour au plus tôt possible, amateur de “débats” mais seulement devant des auditoires soigneusement composés, promoteur de conventions citoyennes dont il n’écoute rien, nous savons à quel type de «démocratie» va la faveur du candidat : la démocratie de confiscation, faite de conseils de défense, de procédures d’exception, de cabinets restreints, de majorités godillots et d’interviews de complaisance. Tout ceci qui avait déjà été particulièrement odieux pendant cinq ans, devient inadmissible en campagne électorale. »
Pas de débat, pas de mandat, ce qui est sûr c’est que les circonstances continuent d’arranger Emmanuel Macron – qui caracole encore en tête des sondages avec presque un tiers des intentions de vote –, circonstances qui lui permettent de donner le tempo de la campagne et surtout d’éviter les sujets qui le dérangent.
Un coup de pied dans les urnes est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Maëlle Le Corre. Réalisation, musique et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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